Les rêves morts
Commentaire de texte : Les rêves morts. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Allezasse • 1 Décembre 2014 • Commentaire de texte • 1 457 Mots (6 Pages) • 1 204 Vues
Les rêves morts
Je voudrais pour aimer avoir un cœur nouveau
Qui n’eût jamais connu les heures de détresse,
Un cœur qui n’eût battu qu’au spectacle du beau
Et qui fût vierge encor de toute autre tendresse ;
Mais je porte en moi-même un horrible tombeau,
Où gît un songe mort, loin de la multitude :
J’en ai scellé la porte et seul un noir corbeau
Du sépulcre maudit trouble la solitude !
Cet oiseau de malheur, c’est l’âpre souvenir,
C’est le regret des jours vécus dans la souffrance,
Qui ronge jusqu’aux os mes rêves d’avenir,
Beaux rêves glorieux, morts de désespérance.
Sans cesse l’aile sombre au fond de moi s’ébat,
Son grand vol tournoyant fait comme la rafale,
Qui siffle en accourant vers la fleur qu’elle abat
Et disperse les nids, dans sa course fatale.
Pourtant, d’un port lointain, si le vent, quelquefois,
M’apporte la chanson d’un ami sur la route,
À l’émoi de mon cœur je reconnais sa voix,
Car il cesse de battre, et tout mon être écoute.
Gaëtane de Montreuil
Le rêve de la mort
Un ange sur mon front déploya sa grande aile ;
Une ombre lentement descendit vers mes yeux ;
Et sur chaque paupière un doigt impérieux
Vint alourdir la nuit plus épaisse autour d’elle.
Un ange lentement déploya sa grande aile,
Et sous ses doigts de plomb s’enfoncèrent mes yeux.
Puis tout s’évanouit, douleur, efforts, mémoire ;
Et je sentais flotter ma forme devant moi,
Et mes pensers de même, ou de honte ou de gloire,
S’échappaient de mon corps pêle-mêle, et sans loi.
Une forme flottait, qui semblait mon image.
L’ai-je suivie une heure ou cent ans ? Je ne sais.
Mais j’ai gardé l’effroi des lieux où je passais.
La sueur me glaça de l’orteil au visage
Derrière cette forme où vivait mon image.
Pendant combien de jours terrestres ? Je ne sais.
Mais sous des horizons tout d’encre ou tout de flamme,
Pour toujours je sentais quelque chose en mon cœur
Voler vers cet éclat pour se perdre en sa trame,
Quelque chose de moi qui faisait ma vigueur.
Et voilà devant nous qu’une forêt géante
Brusquement balança dans l’espace embrasé
Son manteau par un sang vif et tiède arrosé.
Comme un rouge flocon d’une neige brûlante,
Un âpre vent, du haut de la forêt géante
Jusqu’au sol par les feux du soleil embrasé,
Secouait chaque feuille à travers les ramures.
Et de mon front aussi chaque rêve tombait,
Et dans mon spectre, avec de très lointains murmures,
Chaque rêve tombé de mon front s’absorbait.
Sur ma tête sifflaient de lugubres rafales ;
Et le gémissement surhumain de ce bois
Semblait l’appel perdu de millions de voix.
C’était le long sanglot des morts, par intervalles,
Qui de tous les confins passait dans ces rafales.
Un lac de sang luisait au milieu de ce bois,
Épanché d’un soleil aux ondes écarlates.
Et mes anciens désirs ruisselaient au dehors ;
Vers mon fantôme clair, avec leurs tristes dates,
Mes désirs ruisselaient et désertaient mon corps.
Et ce lac grandit, tel qu’une mer sans rivage ;
Et ce globe penché sur l’horizon semblait
Un cœur énorme au loin dardant son vif reflet.
C’était le vaste cœur des peuples d’âge en âge,
Saignant sur cette mer étrange et sans rivage.
Et ce qui s’écoulait de cet astre semblait
Le sang, le propre sang de l’humanité morte ;
Et nous voguions tous deux sur ce flot abhorré.
Mon image brillait plus distincte et plus forte
Et j’y sentais partout mon esprit aspiré.
Sous la nappe sans bord de cette pourpre horrible
Le soleil s’éclipsa d’un coup brusque, et le ciel
À sa place creusait son azur solennel,
Par delà le regard, par delà l’invisible.
Et dans l’éther profond, sous cette pourpre horrible,
Des astres inconnus s’enfonçaient dans le ciel,
Toujours, toujours plus loin, au fond de l’insondable.
L’éclair de chacun
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