Le problème de la détermination de la vie
Analyse sectorielle : Le problème de la détermination de la vie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar IliasOuhab • 18 Mars 2015 • Analyse sectorielle • 5 225 Mots (21 Pages) • 651 Vues
par Pierre-Jean Haution
Introduction
C'est sous l'intitulé "Qu'est-ce que la vie ?" qu'ont été rassemblés les textes des 40 premières conférences de "L'Université de tous les savoirs". Cet intitulé, aux accents fortement platoniciens, et qui est la reprise du titre d'un ouvrage célèbre d'Erwin Schrödinger, est en outre celui de la conférence d'ouverture donnée par François Jacob. Dans cette conférence, l'éminent biologiste fait (paradoxalement) remarquer le caractère des plus appropriés de la question "Qu'est-ce que la vie ?" dans la mesure celle-ci n'a pas de réponse. Plus précisément, il souligne le fait qu' "il est particulièrement difficile, sinon impossible de définir la vie". Nous ne pouvons rester indifférents à l'hésitation contenue dans cette dernière formule. En effet, que François Jacob ne tranche ni en faveur d'une simple difficulté de définition ni en faveur d'une radicale impossibilité doit nous amener à réfléchir sur l'idée même d'une définition de la vie et à substituer à la question initiale la question suivante : "Peut-on définir la vie ?".
Posée sous cette forme, une telle question ne va pas sans ambiguïté, car le terme de "vie" comporte essentiellement deux significations qui, tout en étant intimement liées, n'en restent pas moins distinctes. D'une part, on peut entendre par vie un ensemble de phénomènes qui concourent à la croissance et à la conservation d'un être, acception qui s'incarne dans le participe présent du verbe "vivre" : le "vivant". D'autre part, on peut considérer que la vie résulte de cet ensemble de phénomènes, à savoir le temps qui s'écoule entre la naissance et la mort, et dans ce cas c'est le participe passé du verbe "vivre" qui nous intéresse : le "vécu". À cette première ambiguïté vient s'ajouter celle du pronom indéfini "on". Qui est ce "on" qui pourrait définir la vie ? S'agit-il du biologiste, du philosophe, ou plus généralement de chacun de nous relativement à sa propre existence ? Enfin, même si la distinction paraît ici des plus pertinentes au premier abord, le verbe "pouvoir" nous renvoie à deux ordres de compréhension : celui du fait, et celui du droit. Il va de soi que la conjonction de toutes ces difficultés ne nous autorise pas à traiter frontalement le problème de la définition de la vie, d'autant qu'elles nous entraînent aussi bien sur un terrain épistémologique que "métaphysique".
Définir la vie (entendue comme "vivant"), c'est déterminer de façon exacte ce qu'est la vie, autrement dit déterminer sa nature ou son essence. Or, faire de la vie une substance à part entière, n'est-ce pas s'empêcher d'étudier la vie comme n'importe quel phénomène physique ? Il nous faudra donc dans un premier temps mettre en évidence l'impossibilité qui existe à définir la vie comme substance, ce qui nous conduira à nos interroger sur la notion même de définition de manière à ce que cette dernière ne perde pas tout son sens quand on l'applique à l'idée de vie. Néanmoins, la distinction entre l'animé et l'inanimé fait partie des distinctions usuelles, et qui nous paraissent aller de soi. Comment l'expliquer si nous refusons toute possibilité de définition à la vie ? Passant ainsi d'une conception "substantialiste" de la vie à une conception "fonctionnelle", et ayant montré qu'à défaut de la "définir", il est possible de "caractériser" la vie, nous exposerons en nous référant à l'histoire de la biologie les difficultés qui subsistent au sein même de la caractérisation du vivant. Car peut-on même caractériser la vie ? Un troisième moment de notre réflexion aura pour but de répondre à une telle question, en élargissant notre problématique au rapport que nous entretenons à la vie, le "vécu" ne pouvant plus dès lors être écarté.
Première partie
A.
Pour François Jacob (c'est du moins ce qu'il affirme dans la conférence citée plus haut), il ne faut pas demander au scientifique de définir la vie. Au contraire, "chacun de nous sait ce qu'est la vie". Cette sorte d'évidence de la vie dont fait mention ici le biologiste ne va pas sans rappeler les propos que tient Locke dans son Essai philosophique sur l'entendement humain (III, X, 22) :
"Il n'y a point de terme plus commun que celui de vie, et il se trouverait peu de gens qui ne prissent pour un affront qu'on leur demande ce qu'ils entendent par ce mot".
Il semble donc qu'existe une série intuitive, commune à chacun, de la notion de vie, si bien que nous sommes en droit de nous demander si celle-ci n'est pas purement et simplement une de ces "notions d'elles-mêmes si claires qu'on les obscurcit en voulant les définir" (Descartes, Principes de philosophie). Ne faudrait-il pas dés lors s'en remettre au sens commun et renoncer à une entreprise de définition aussi futile que vaine ?
En réalité, il apparaît très vite que l'idée de vie n'est évidente qu'en apparence, et que cette apparence s'évanouit dès que l'on s'interroge un tant soit peu sur ce qu'elle renferme. Il suffit pour s'en convaincre de prolonger la citation empruntée à l'Essai philosophique... :
"Cependant, s'il est vrai qu'on mette en question si une plante qui est déjà formée dans la semence a de la vie, si le poulet dans un œuf qui n'a pas encore été couvé, ou un homme en défaillance sans sentiment ni mouvement, est en vie ou non, il est aisé de voir qu'une idée claire, distincte et déterminée n'accompagne pas toujours l'usage d'un mot aussi connu que celui de vie".
Ainsi envisagée, l'idée de vie perd la simplicité qui la caractérisait au premier abord, de sorte que nous serions tenté paraphraser la célèbre sentence d'Augustin relative au temps (Confessions, Livre X) et d'écrire:
"Qu'est-ce donc que la vie ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus".
Loin d'être inutile, la tentative d'une définition
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