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KARL JASPERS

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Par   •  1 Août 2013  •  8 911 Mots (36 Pages)  •  1 138 Vues

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Le texte suivant est tiré de Perspectives : revue trimestrielle d’éducation comparée

(Paris, UNESCO : Bureau international d’éducation), vol. XXIII, n° 3-4, 1993, p. 745-764.

©UNESCO : Bureau international d’éducation, 2000

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KARL JASPERS

(1883-1969)

Hermann Horn1

Karl Jaspers vécut à une époque caractérisée sur le plan politique par des changements décisifs. Il

connaît une enfance protégée dans une famille aisée, d’opinions démocratiques, libérales et

conservatrices. C’est là qu’il faut chercher ses réserves à l’égard de l’Empire allemand, État

autoritaire fondé sur le militarisme et la société de classes.

La Première Guerre mondiale a pour Jaspers le sens d’une rupture irréparable dans la

tradition occidentale. A ses yeux, la République de Weimar est menacée sur le plan politique par le

communisme et le fascisme, sur le plan social, par la massification rendue possible par la technique

et l’appareil, et sur le plan spirituel, par les conceptions réductrices de l’homme propagées par le

marxisme, la psychanalyse et la théorie raciste. A l’époque de la dictature hitlérienne, sa vie et son

œuvre sont mises en danger. En 1937, il est mis à la retraite d’office. En 1938, il est frappé d’une

interdiction de publier. L’entrée des troupes américaines à Heidelberg, le 1er avril 1945, empêche

qu’il ne soit déporté, avec son épouse juive, dans un camp de concentration. Suivant d’un œil

critique la reconstruction et la vie politique en République fédérale d’Allemagne, il est partagé entre

l’espoir et l’inquiétude. Lorsqu’en 1948, il part pour la Suisse et s’établit à Bâle, il a le sentiment de

retrouver sa patrie, la tradition libérale européenne.

Pour comprendre la philosophie de Jaspers, il est essentiel de se souvenir que c’est par la

voie de la science qu’il est devenu philosophe.

Après avoir obtenu, en 1908, le doctorat en médecine, Jaspers travaille jusqu’en 1915

comme « assistant volontaire » à la Clinique psychiatrique d’Heidelberg. La fréquentation des

malades, l’examen critique de la littérature médicale et l’étude de cette réalité complexe que

constituent les malades mentaux font mûrir en lui l’idée féconde que les réalités aperçues et les

théories qui les interprètent ne se situent pas toutes sur le même plan, car elles dépendent du

questionnement, des présupposés et des méthodes, qui ne dévoilent jamais qu’un aspect particulier

de la réalité.

La Psychopathologie générale, avec laquelle Jaspers obtient en 1913 l’habilitation au

professorat de psychologie, décrit les différents moyens par lesquels s’éclairent divers aspects de la

réalité, finalement toujours insondable, du malade mental. L’observation de faits isolés, l’étude de

leurs rapports et l’appréhension des ensembles se conditionnent et s’étayent mutuellement.

Expliquer et comprendre sont des méthodes indispensables dont seule la pluralité est à la mesure de

la pluridimensionnalité de l’être humain. Seule la multiplicité des théories peut rendre compte de

l’homme dans sa totalité. C’est ainsi que se révèlent, dans la recherche concrète et la réflexion

critique qui l’accompagne, les possibilités et les limites de la science, que Jaspers vit et conçoit

comme une activité à laquelle il n’y a ni terme ni substitut. Il lui restera toujours attaché, même

lorsque – il a alors déjà quarante ans –il consacrera l’essentiel de ses forces à la philosophie, qui se

saisit de questions auxquelles la science ne saurait apporter de réponses pertinentes.

C’est dans la 3e version de l’idée de l’université, celle de 1961 (voir Jaspers, 1923), que

Jaspers a défini de façon particulièrement nette les rapports réciproques entre science et

philosophie. Pour bien montrer ce qui fait la spécificité de la science, il met en évidence ses trois

caractères essentiels :

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· La connaissance scientifique est une méthodique, c’est-à-dire une connaissance qui sait par

quelles voies elle est acquise, et en quel sens et dans quelles limites elle doit être comprise.

Elle s’oppose en cela à l’opinion on méthodique et à la croyance irréfléchie.

· La connaissance scientifique est d’une certitude contraignante, c’est-à-dire qu’elle s’impose

à toute intelligence. Elle est indépendante de la conviction qui soutient l’homme dans son

existence et pour laquelle il est prêt à risquer sa vie.

· La connaissance scientifique a valeur universelle, c’est-à-dire qu’elle est admise sans réserve

par tous ceux qui la comprennent dans sa relativité. A l’opposé, on trouve la connaissance à

laquelle l’individu adhère inconditionnellement.

Jaspers

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