Critiquer Une Idée, Est-ce De L'intolérance ?
Dissertation : Critiquer Une Idée, Est-ce De L'intolérance ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Remibonnet • 25 Janvier 2015 • 1 385 Mots (6 Pages) • 1 030 Vues
Toutes les idées n’ont-elles pas droit à l’existence et à l’expression ? Si oui, n’est-il pas intolérant de dénigrer une idée ? Mais si critiquer une idée est de l’intolérance, faudrait-il alors renoncer à la critique pour être tolérant ? La tolérance consiste-t-elle à accepter toutes les idées sans vouloir les examiner et les juger ? Ne faut-il pas du moins critiquer les idées intolérantes ? La critique philosophique ne serait-elle pas la condition de la tolérance même ?
Toute idée, en tant qu’elle est l’expression naturelle de l’homme comme être pensant, a droit à l’existence et à l’expression. Or, l’esprit de critique consiste à dénigrer systématiquement les opinions et les actions d’autrui. Cette attitude d’esprit est non seulement négative, mais encore paresseuse : il ne s’agit pas de penser par soi-même, mais de dénigrer toute pensée venant d’autrui. C’est ici la différence, l’altérité en elle-même (ce qui fait qu’un autre est un autre) qui est refusée. Or, le refus de la différence en elle-même est ce qui définit l’intolérance.
La critique d’une idée, même lorsqu’elle se veut scientifique, nait souvent de préjugés à l’encontre d’autrui. L’ethnocentrisme par exemple, conviction de la supériorité culturelle du groupe auquel on appartient, conduit à considérer les pensées étrangères comme systématiquement « infantiles » et « naïves ». Ainsi J. Frazer, anthropologue anglais du XXe, dans son Rameau d’or consacré aux croyances magiques de populations dites « primitives », qualifie simplement ces croyances d’«erreurs » sans chercher à les comprendre davantage. Il en va de même du discours scientifique rejetant comme « stupides » ou « absurdes » les théories astrologiques ou alchimiques.
Cet esprit de critique est d’abord intolérant en ce qu’il ne reconnait pas la moindre part de vérité ou le moindre bien-fondé aux idées attaquées. En outre, du dénigrement systématique à la persécution violente, il n’y a qu’un pas, qui fut souvent franchi dans le domaine religieux. Enfin, lorsqu’une idée religieuse ou philosophique représente une conviction profonde pour une personne, quand celle-ci voit dans cette idée la justification de sa propre existence, dénigrer cette idée revient à rejeter l’existence de la personne elle-même.
Faut-il en tirer pour conclusion générale que toute critique d’une idée est intolérante ? Faudrait-il alors, pour être tolérant, ne jamais critiquer ? Mais cela ne reviendrait-il pas à laisser les idées les plus intolérantes se développer ?
La tolérance, si elle est une simple acceptation sans examen de n’importe quelle idée, est une attitude passive, voire méprisante, pouvant être assimilée à de l’indifférence. Cela ne se soutient que d’un relativisme (« L’homme est la mesure de toutes choses » disait le sophiste Protagoras) acceptant que n’importe quelle idée puisse être juste d’un point de vue particulier. En partant de ce principe, c’est toujours le plus fort qui finit par avoir raison en imposant son point de vue. Faudrait-il par exemple admettre sans critique la thèse du négationnisme historique (négation de l’existence des chambres à gaz et des camps d’extermination durant la Seconde Guerre Mondiale), comme pouvant être vraie « d’un certain point de vue » ? Mais le négationnisme est une contre-vérité historique et l’idéologie extrémiste qui le soutient ne tolère aucune critique.
Si la tolérance est synonyme de relativisme, la science ne peut être tolérante en ce sens, car la science ne peut admettre un tel relativisme. Des hypothèses contradictoires ne peuvent pas être également vraies. Pour décider quelle hypothèse est vraie, il faut soumettre les hypothèses à une concurrence impitoyable en s’efforçant de les réfuter (K. Popper, Hypothèse et conjecture). Ceci est le véritable esprit critique (distinct de l’esprit de critique), attitude d’esprit qui n’accepte aucune idée sans en avoir reconnu la légitimité rationnelle. C’est ainsi que Galilée a critiqué le géocentrisme pour démontrer l’héliocentrisme. Galilée était-il intolérant ? Non, car il s’en prenait à un dogme soutenu par l’autorité, qu’il s’employa à réfuter par l’expérience et le calcul. Bien plutôt est-ce sa condamnation par l’Eglise, fondée sur une pétition de principe (la vérité est dans le sens obvie du Livre révélé), qui représente
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