L’art peut-il se passer de règles ?
Dissertation : L’art peut-il se passer de règles ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar cheleauoui • 20 Avril 2021 • Dissertation • 1 529 Mots (7 Pages) • 953 Vues
L’art peut-il se passer de règles ?
On pense généralement que l’artiste invente des œuvres en toute liberté sans se
préoccuper des règles techniques. L’art contemporain nous fournit des exemples qui
vont dans ce sens comme en témoignage la « pissotière » ou « l’urinoir » de Marcel
Duchamp et d’autres œuvres relevant de l’art conceptuel. Pourtant, l’artiste semble
respecter des règles de son art, son œuvre est le produit d’un savoir-faire et d’une
maîtrise technique particulière. D’ailleurs les œuvres les plus réussies sont celles qui
ne souffrent d’aucune insuffisance technique ou celles qui font preuves d’un respect
scrupuleux des règles en vigueur.
L’art peut-il se passer de règles ? Est-ce que l’artiste crée indépendamment de toute
règle ou respecte t-il une certaine règle ? L’artiste qui brise des conventions en
vigueur n’invente t-il pas de nouvelles règles ? L’improvisation dans l’art peut-
elle faire l’économie du rapport à la règle ?
Nous montrerons, dans un premier temps, que l’art semble se passer de règles car le
pouvoir de création se fait en toute liberté. Nous verrons, dans un second temps, que
ce pouvoir de création ne s’effectue pas n’importe comment et qu’il suppose une
certaine maîtrise des règles techniques. Cependant l’art n’est pas uniquement fondé
sur la maîtrise des règles sinon il se confondrait avec l’artisanat. Nous verrons, dans
la dernière partie, que l’artiste qui brise des conventions en invente de nouvelles
règles. Et que l’improvisation par exemple n’est pas le hasard total.
L'art au XX ème siècle déclare une rupture formelle avec les règles artistiques en
vigueur. Il se présente comme porteur d'un pouvoir de destruction du consensus
formel qui, à un moment donné, définit ce qui mérite le nom de l'art. Or ce qui est
frappant, c'est que tout au long du siècle on est allé de rupture en rupture, toujours
plus loin dans l'éradication par exemple de la ressemblance et du représentatif. On
voit apparaître une logique anti-réaliste qui ramène la force du côté du geste expressif
et de la subjectivité pure. Il entend rompre avec toute idée de règle formellement
élaborée. Il s'agit d'en finir avec l'idée de règles apprise dans les institutions
officielles. Ainsi l'art contemporain semble se déployer en dehors de toute maîtrise
technique.
L'art semble donc se passer des règles existantes. L'artiste ne se contente pas de
reproduire les règles en vigueur ; il doit briser les conventions pour créer quelque
chose de nouveau. Avec « la pissotière », Marcel Duchamp a fait un incroyable saut
dans le vide. Dans un monde où l'on vivait encercler de certitudes, des règles
établies, dans un univers artistiquement sérieux, il a donné naissance à une façon
d'envisager l'art. Il n'y a pas plus belle leçon de liberté que le travail effectué par lui
dans le domaine de l'art. Duchamp a pris une fusée et a découvert une autre planète.
Il est sorti de l'univers artistique dans lequel il baignait pour aller ailleurs, dans un
monde que personne n'avait envisagé avant lui. Et il faut le dire, depuis il n’y a
presque rien eu de fondamentalement nouveau. On est encore à explorer toutes les
possibilités artistiques ouvertes par Duchamp. Mais un tel saut avait-il besoin, pour
s'accomplir, de ce type de « pissotière» ?
Ce n'est pas innocent qu'il ait choisi, pour ce faire, un objet révoltant, dégoûtant, où
l’on jette une partie de ses excréments. Choisir l’impur, c’etait marquer une rupture,
briser définitivement le formatage ambiant, les conceptions que l'on avait de l'art. II
n’y a rien de pire que ce formatage, que ces incessantes tentatives de formatage. En
prenant un urinoir, Duchamp réhabilite un objet que que l'on juge infâme. Lorsqu'on
voit la pissotière, notre interrogation de l’infâme est interrogée, et c'est passionnant.
Il n'y a pas que nos sens qui sont questionnés, titillés par l'urinoir, il y a également
nos catégories de penser. C'est donc notre conception de l'art qui est ainsi
bouleversée. La pissotière a, en effet redéfini, le rapport du spectateur à l’œuvre d'art.
En bouleversant les règles artistiques existantes et déjà anciennes, en faisant sauter
les cadres anciens de la pensée esthétique, Duchamp invente une nouvelle règle qui
s'inscrit dans la tradition.
Il y a dans l'art contemporain une certaine agressivité, un élément provocateur, une
recherche permanente du scandale qui met l'art à distance des règles. Est-ce à dire
que l'artiste produit n'importe comment, qu'il ne respecte aucune règle ? L’art ne
demande-t-il pas des connaissances techniques particulières ?
Nous avons vu que l'art contemporain semble se déployer en dehors de toute règle.
Dans une seconde partie, nous verrons que l'art ne peut pas se passer de règles et que
l'artiste maintient toujours un certain rapport à la règle.
L'art n'est pas synonyme d'improvisation absolue, c'est le résultat d'un travail long
et difficile. En effet, le travail artistique nécessite de l'expérience et demande
l'acquisition des connaissances précises dans tel ou tel domaine artistique. Il n'est pas
dénué d'un savoir-faire technique. Il nous paraît donc absurde que l'art puisse se
passer des règles. Tout artiste digne de ce nom doit avoir une certaine maîtrise des
règles. Le peintre par exemple qui veut réaliser une œuvre contenant des perspectives
devra utiliser des lois qui ont été démontrées par la science et qui font que sans elles,
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