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Pouvons-nous nous connaître ?

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Par   •  6 Octobre 2021  •  Dissertation  •  3 033 Mots (13 Pages)  •  438 Vues

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Pouvons-nous nous connaître ?

Dans le roman historique Guerre et Paix (1869) de l’auteur russe Léon Tolstoï, l’un des personnages principaux, Pierre Bezukhov, semble constamment changer dans sa perception du monde, de l’homme, du bonheur et de la vie à cause d’une tourmentée : il ne se connaît pas lui-même (et comprend encore moins le monde qui l’entoure). Pourtant, une fois prisonnier lors des guerres napoléoniennes, le personnage arrive soudainement à une certaine compréhension des évènements – en apparence incompréhensibles – de son passé, et par cette connaissance améliorée de soi-même et du monde, il arrive à une forme de « tranquillité de l’âme ».

A première vue, il semblerait donc que nous ne pouvons pas nous connaître en tant qu’individu. Effectivement, la connaissance – à dissocier de l’opinion – semble renvoyer à un savoir objectif et universel. Dans cette optique, la connaissance de soi est absolue est permet de connaître notre propre essence de manière intime et complète. Or, ne sommes-nous pas souvent confrontés à des situations où nos actions nous semblent étrangères à nous-mêmes ? qui peut prétendre expliquer ses rêves les plus étranges ?

Cependant, la connaissance, n’est-elle pas aussi le fait de reconnaître, de discerner ? Ainsi, la connaissance de soi serait plutôt reconnaître des motifs, des caractéristiques, des façons de penser qui nous distinguent des autres et nous aident à nous comprendre et à vaincre cette brume qui nous cache à nous-mêmes. Une comparaison de nous-même à l’autre, ne nous permet-elle pas aussi de nous connaître ?

Le problème se pose donc ainsi : nous avons tant de mal à comprendre certaines de nos décisions – qui semblent émaner d’un inconscient – que la connaissance réelle de soi est impossible, ou bien, la connaissance de soi est possible grâce à notre raison et notre faculté d’analyse.

Il conviendra donc initialement de voir dans quelle mesure il semble que la connaissance de soi est impossible, puis de considérer que la connaissance de soi est possible par l’exercice de la raison, et finalement, nous verrons en quoi ces deux thèses pourraient être à nuancer et que la connaissance de soi soulève un enjeu important.

Dans cette partie, nous montrerons que la connaissance de soi semble impliquer une forme de faculté rationnelle à se présenter clairement et justement ce que l’on est, notre nature et nos pensées. Or, à l’épreuve d’observations empiriques, cette proposition semble pouvoir être remise en cause. En effet, notre connaissance de nous-même, si nous en possédons une, ne peut pas être une opinion subjective, mais doit être épistémologique. Cependant, nous ne sommes capables de décrire qu’une partie de nous-mêmes : le fonctionnement de notre organisme ne nous est que partiellement connu, nos émotions souvent inexplicables, nos rêves illogiques. Certains évènements précis comme le coup de foudre amoureux, le goût pour une activité plutôt qu’une autre ou même le fait de tourner à gauche sur un chemin plutôt qu’à droite en sont des exemples peut-être plus concrets. De même, si je prétends connaître mes qualités morales et physiques à l’instant présent, cette idée de moi-même peut changer le lendemain. Aussi, qui peut dire si je me connais quand quelqu’un d’autre est en désaccord sur ma personnalité, mon intelligence, mon physique ? Notre connaissance de nous-mêmes, pourrait donc être subjective. Peut-être nous mentirions-nous également pour devenir un autre « moi » illusoire.

Ces idées rejoignent les thèses de plusieurs philosophes. Ainsi, Blaise Pascal rappelle synthétiquement les problèmes que nous rencontrons dans la connaissance de notre « moi » : nous ne pouvons pas même définir qu’elle est l’essence de ce terme « Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? » (Pensées, 1669). Nous pennons en effet à comprendre qui nous sommes. Nous ressentons bien que nos qualités – spirituelles et mentales – ou nos attributs physiques ne nous définissent pas puisque nous pouvons les perdre. Mais il reste alors à définir ce que nous entendons par la connaissance du « moi ». Avec plus de développement, le philosophe allemand, Friedrich Nietzsche, insiste sur notre naïveté par rapport à notre connaissance de soi « Le connu signifie ce à quoi nous sommes assez habitués pour ne plus nous étonner » (Le Gai Savoir, 1882). Certes, nous avons une certaine connaissance de nous-mêmes, mais celle-ci est limitée à l’évident et ne permet pas de décrire notre essence à proprement parler. De plus, en pensant savoir, nous évitons d’y réfléchir : nous nous croyons en contrôle de nos pensées et de notre corps puisque nous sommes conscients de ceux-ci, mais il existe une grande différence entre être conscient de soi et se connaître soi-même. Si la connaissance de soi est peut-être théoriquement possible chez ces philosophes, il reste vrai qu’une connaissance profonde de nous-mêmes semble très complexe. Face à cette impossibilité à expliquer et comprendre notre nature, le neurologue autrichien, Sigmund Freud avance la théorie de l’inconscient dans l’article L’Inconscient (1915). Pour expliquer sa thèse, Freud utilise une analogie spatiale avec une « antichambre » (Introduction à la psychanalyse, 1916) de notre fonctionnement psychique. Cette « pièce » contient certaines tendances refoulées – plus ou moins volontairement – et inaccessibles par introspection à notre conscience se trouvant dans une « pièce voisine ». Cependant, il arrive que nous ne refoulions pas certaines tendances qui passent alors à la « pré-conscience » : nous ne les comprenons généralement pas sans traitement analytique, mais sachons dans une certaine mesure qu’elles existent. Cette vision particulière de l’activité psychique permet de rendre compte du « moi » traditionnel non pas comme une entité indivisible mais multiple, composée du « Moi », du « Ça » et du « Surmoi », qui sont plus ou moins conscients. Ainsi, nous pourrions nous connaître, mais seulement dans une certaine mesure puisqu’une partie de nous est par définition inconsciente.

Ces thèses rencontrent néanmoins certaines difficultés dans la réponse à la question de la connaissance de soi puisque, le fait de considérer la connaissance comme un mode de savoir scientifique, universel et objectif, est peut-être quelque peu restrictif. Effectivement, nous ne doutons généralement pas de notre existence ; et si nous ne pouvons pas exactement définir ce qui constitue le « moi », nous discernons toutefois ce qui nous rend unique, et notre vie sociale nous permet de constamment affiner notre connaissance de nous-même,

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