La Conscience
Dissertation : La Conscience. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar liQUI • 16 Mai 2013 • Dissertation • 2 500 Mots (10 Pages) • 748 Vues
1-Ultima uerba-la conscience
Avec le « connais-toi toi-même », Socrate fait de la connaissance de soi un impératif, surtout lorsque certaines circonstances négatives nous y contraignent, tel Hadrien (Yourcenar) qui, pressentant l’imminence de sa mort, ressent le besoin de savoir qui il a été. Se connaître consistera donc à s’observer soi-même, et ceci n’est possible que parce que l’homme est doué d’une conscience.
La conscience désigne d’abord la conscience de soi : une sensation évidente, irréfléchie et intuitive par laquelle je sais, sans avoir besoin de recourir à un raisonnement, que « je suis moi », et non pas quelqu’un d’autre. Dans le miroir, je me reconnais instantanément (à l’instar de tous les grands singes : test de la tâche). Cette identification de soi est permanente, et accompagne, comme un doublon, tous mes états psychiques (jusqu’à Freud) ainsi que toutes mes actions (stylo).
Outre la conscience de soi, la conscience englobe aussi une capacité de perception, d’aperception, puissance de représentation, dans l’espace abstrait de la pensée, de ce qui a été perçu et aperçu. A partir de là, en passant d’une conscience immédiate à une conscience réfléchie, le sujet peut former une connaissance de la réalité (à partir de la perception), ainsi que, par réflexivité, une connaissance du sujet par lui-même (à partir de l’aperception de ses états de conscience et de ses actions, dont la somme compose l’identité personnelle de chacun, son moi, qui en est l’unité permanente). C’est pourquoi, je peux dire : « je me connais ».
La réflexivité est donc la capacité de la conscience à se prendre pour objet de connaissance, à s’objectiver : elle se connaît par un mouvement de retour sur soi. La connaissance réflexive de soi prend ainsi la forme (pour le moment) d’une introspection, en ce que le sujet regarde en lui-même pour se connaître. Il semble ne pas exister de hiatus entre la conscience de soi et la connaissance de soi, mais bien une continuité.
Pourtant, est-ce bien ce que nous expérimentons lorsque nous essayons de nous connaître ? Par la conscience de soi, je sais bien « que je suis moi », mais il ne s’ensuit pas que je sache en même temps aussi facilement « qui je suis », que je sache ce qui correspond à l’identité dont j’ai une appréhension instantanée. Par ailleurs, la sensation d’être soi ne doit-elle pas être mise en doute au motif qu’elle serait, comme toutes les sensations, confuse, partielle, trompeuse ? Il serait alors hasardeux de vouloir fonder sur elle un processus de connaissance.
On peut refuser cela en arguant le fait que, si la perception passe toujours par la médiation des sens, la conscience de soi en revanche est immédiate : aucune sensation n’est plus directe que la sensation de soi par soi. Ainsi, on en tirerait la conclusion que je suis le mieux placé pour me connaître, parce que je suis à l’intérieur de moi. De là on en tirerait aussi une hiérarchie des connaissances : la connaissance de soi serait plus facile que la connaissance d’autrui. L’intériorité de celui-ci se dérobe en effet toujours, je n’accède jamais qu’à son corps, son apparence extérieure, et celle-ci semble cacher son identité plus qu’elle ne la révèle. Je suis donc réduit, face à ses paroles et ses comportements, à procéder par analogie, sans disposer de certitude quant à l’interprétation que je pourrais en faire. Quant à la connaissance des choses extérieures, la différence de nature entre elles et moi, notre incommensurabilité, est telle que leur altérité (être autre, radicalement différent) semble les mettre hors de portée d’une connaissance.
Un premier soupçon à l’égard de la facilité de la connaissance de soi provient du témoignage de l’autobiographe. Les résistances qu’il rencontre semblent venir moins de lui, puisqu’il s’engage envers ses lecteurs et envers lui-même à respecter un pacte de sincérité, que de la nature même de l’objet à connaître. Le scepticisme de Montaigne le conduit ainsi à affirmer trois choses. Se connaître, c’est se connaître en tant qu’individu singulier (mais alors il faudrait énumérer la série infinie des attributs qui composent l’identité de chacun par différence avec celle de tous les autres) ; c’est aussi connaître un sujet qui change en permanence, quand la connaissance ne peut s’appliquer qu’à un objet stable ; enfin, c’est se connaître en tant qu’homme : tout en construisant son identité à partir d’expériences qui lui sont propre, un sujet est en même temps une synthèse permanente du particulier et de l’universel. Chaque homme porte en lui l’empreinte de l’humanité tout entière : ses actes révèlent aussi ce que cela signifie que d’être un homme. Il faudrait alors parvenir à connaître les contradictions, les paradoxes et les incohérences qui constituent la nature humaine en général. Il s’agit donc de connaître un homme à partir de cette triple complexité qui déborde nos schémas de connaissance, et sans s’illusionner sur les limites de la raison.
Curieusement donc, je suis obligé d’enregistrer des constats déstabilisants : il ne suffit pas de se côtoyer en permanence pour se connaître ; souvent autrui nous connaît mieux que nous ne nous connaissons ; nous pouvons presque tout savoir d’une chose, mais pas de nous-même.
Du reste, un sujet est-il vraiment capable d’acquérir une connaissance objective de soi ? La difficulté vient aussi de la nature même de la connaissance de soi (et pas seulement de son objet). Il ne peut exister de connaissance sans la position de deux termes, un recul du sujet par rapport à l’objet que l’on veut connaître. Dans le cas de la connaissance de soi, ces deux termes ne peuvent exister que par un dédoublement interne, une séparation à l’intérieur de la conscience elle-même. Le sujet se divise en deux parties, comme l’atteste la formule équivoque : « je me connais ». Mais cela signifie alors que le moi est simultanément le sujet et l’objet de la connaissance, qu’il se trouve des deux côtés de la relation de connaissance et que la réflexivité est faussée : il n’existe pas réellement deux termes séparés et distincts. Ainsi, la conscience ne peut pas prendre suffisamment de distance avec elle-même pour s’observer comme elle pourrait le faire à propos d’une chose. La définition classique de la réflexivité est donc un abus de langage : la conscience ne peut pas se prendre pour objet de connaissance, parce qu’elle ne peut réellement se poser comme un objet de connaissance ; et si elle le pouvait, le sujet se regarderait comme un autre.
Faute de
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