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Le Désir

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Par   •  17 Novembre 2020  •  Cours  •  1 657 Mots (7 Pages)  •  441 Vues

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Le Désir :

Conscients ou inconscient, les désirs font qu’une vie “vaut la peine d’être vécue”. Sans désirs, nous perdons le goût de vivre, nous sommes condamnés à l’ennui ou à la mort. Pourtant, la raison met en garde contre les désirs fous et leurs illusions, et la morale engage à maîtriser ses désirs pour ne pas en devenir l’esclave.

  1. Besoin, désir et passion

  • Le besoin est animal (se nourrir, dormir, se reproduire…), car il dépend du corps seul et trouve sa satisfaction dans un acte ou un objet précis.
  • Le désir, qui se déploie dans l'imagination, est insatiable*, car toujours projeté au-delà de l’objet désiré. Le désir est propre à l’homme comme existence inscrite dans la durée, capable de se projeter et de se représenter l’objet désiré en son absence. contrairement au besoin physique, le désir est une tendance consciente accompagnée de la représentation de son but. Mais Freud parle aussi de désirs inconscients (chap. 1 et 3 ).
  • La passion est un désir excessif : soit par l’objet impossible à atteindre (vouloir la luna, désirer l’immortalité), soit par sa force et sa violence qui fait perdre la maîtrise de soi.
  • Besoin, désir et passion indiquent également une passivité. Tous trois imposent une aliénation et une dépendance à l’égard du corps, des objets extérieurs ou de l'imagination.
  1. Les désirs ou le désir ?
  •  Pour les Anciens, Platon en particulier, les désirs sont multiples, et donc sauvages et anarchiques, à l’image de l’hydre dont les têtes repoussent au fur et à mesure qu’elle sont coupées. A cette multiplicité des désirs,s’oppose l’unité du logos (la raison) qui, au moyen de la volontée, soumet ces désirs indociles à une harmonie d’ensemble (La république,IV)
  • Pour les Modernes, au contraire, il convient de parler du désir au singulier, en ce qu’il est l’essence de l’homme, qui apporte à chacun son énergie vitale afin de “persévérer dans son être”. C’est le cas de Spinoza (le conatus**) ou de Freud (la libido). Le désir est même principe d’individuation, car c’est par lui que nous différons les uns des autres : nos “goûts et couleurs” préférés définissent notre subjectivité face à celle des autres.
  • Mais, p        ar là aussi, le désir est primitivement égoïste, puisqu’il constitue notre ego. Seul un effort de la raison ou un désir de générosité universelle, peut inverser l’ordre du désir égoïste.
  1. Le désir comme manque et souffrance
  • Le désir est vécu comme une manque ; sa satisfaction engendre le plaisir. Le désir est donc en lui-même une souffrance, celle d’une tension vitale, d’un tourment qui ne s’achève que provisoirement.
  • Car le désir renaît toujours de ses satisfactions éphémères, ce qui fait que le plaisir déçoit toujours, incapable de satisfaire définitivement le désir. Aucun objet ne peut combler le désir ; aussi, seul le désir est un objet digne du désir : il faut aimer l’amour, et désirer le désir.
  1. Se libérer du désir
  • Mais c’est retrouver la souffrance, dont Schopenhauer dit qu’elle est liée à la vie même. De la torture du désir, nous ne sommes libérés que par la mort ou par l’art. Car, pour Schopenhauer, l’art, regard esthétique et désintéressé porté sur le monde, suppose d’être délivrée du désir d’agir sur le monde, d’en être acteur.
  • Ce point de vue universel et objectif sur le monde signifi le détachement à l’égard du désir égoïste qui fait de nous un individu actif. Voir la beauté des choses suppose de ne plus les désirer. la fusion avec la nature suppose de dépasser notre subjectivité désirante. Ce qui vise le bouddhisme, pour qui le désir est également synonyme de souffrance : le nirvana ***est une existence libérée du désir.
  1. Le désir mendiant
  • Du désir comme manque et souffrance, Platon donne un tableau pittoresque dans le Banquet. Eros, le désir amoureux, est peint comme un mendiant misérable, contraint de se cacher et de se déguiser pour approcher l’être aimer, de mentir et de ruser pour se rendre acceptable ; sans honte ni scrupules, il va coucher devant les portes pour attendre une aumône.
  • Platon propose aussi le mythe des androgynes pour expliquer l’origine du désir amoureux.

      4) Maîtriser ses désirs

  • Le désir est une contrainte vitale. Nous ne choisissons pas notre désir, c’est lui qui choisit pour nous. Il s’impose à nous comme une force naturelle qui nous emporte, comme une tyrannie intérieure qui apporte désordre et violence. Le désir nous rend irresponsables, car nous sommes “possédés” par lui.
  • C’est pourquoi la morale, faute de pouvoir supprimer tout désir (ce serait être mort de son vivant), s’efforce de soumettre les désirs et les passions au contrôle de la raison, appuyée par la volonté. car s’ils sont nécessaires à la vie, les désir ne doivent pas gouverner l’âme.

  1. Désirs nécessaires et désirs vains

Epicure**** dans sa Lettre à Ménécée distingue entre les “désirs naturels et nécessaires”, et les “désirs vains”, insatiables et illimités, car causés par les artifices sociaux. La satisfaction des premiers suffit au bonheur ; l’éternelle insatisfaction des seconds nous rend malheureux et esclaves du désir. La sagesse oblige à limiter ses désirs, pour ne pas en devenir esclave.

  1. Les passions

  • Car le désir devient passion lorsqu’il est sans limites : l’hubris ou “démesure”, est le danger que présente tout désir non maîtrisé. C’est pourquoi Aristote soutient que la vertu est dans le juste milieu entre deux passions extrêmes : le courage est un milieu entre lâcheté et audace.
  • Les stoïciens font de la lutte contre les passions l’exercice morale essentiel, ou ascèse***** : le sage doit garder sa volonté libre ne désirant que ce qui dépend de lui, à savoir sa volonté et se représentations. Désirer ce qui dépend du hasard ou du destin revient à se faire l’esclave de ses passions (chap.21 et 23).
  • Peut-on, comme nous y engage Descartes changer “l’ordre de nos désirs” (Discours de la méthode, 3ème partie) ? Avons-nous un quelconque pouvoir sur nos désirs, si c’est le désir qui nous fait ce que nous sommes et qui nous donnes notre pouvoir ? Si je suis désir de part en part,comment pourrais-je choisir ce que je suis ? Il faudrait un autre pouvoir, indépendant et concurrent du désir, qu’on appellera raison ou volonté.
  1. Toute-puissance du désir ?
  • Mais vouloir être libre, n’est-ce pas encore un effet du désir ? La philosophie elle-même “amour de la sagesse”, n’est-elle pas un désir de sagesse et de vérité ? Socrate montrait déjà combien la philosophie est “érotique” (Platon, Le Banquet, Phèdre).
  • Nietzsche******, au XIXème siècle, démasque la volonté de puissance cachée derrière l’amour de la vérité. Nul désir n’est désintéressé, pas même la calme passion de philosopher. La raison et le désir de vérité ne sont que des expressions de la volonté de puissance. Tout se ramène donc au désir de puissance, et même l’humilité chrétienne ou l’impartialité scientifique sont des ruses de ce désir.
  • Hu, au XVIIIème siècle, affirme que la raison n’est finalement que “l’esclave des passions”, car elle ne désire rien par elle-même, elle n’est qu’un instrument au service des passions. En effet, la vérité ne veut rien, ne désire rien ; raison et vérité sont sans force propre, et il faut qu’un désir ou une passion les animes et les portes.
  • Freud, enfin, avance l’hypothèse que notre psychisme conscient est commandé par des désirs inconscients (chap.3).
  • On le voit, les philosophes sont partagés sur le fait de savoir si la raison est commandé par des désir inconscients, ou si ce sont les désirs qui commandent la raison.

Infos :

* Contrairement au besoin animal, le désir est insatiable car il est désir de désir. L’acte sexuel, par exemple, satisfait un besoin physique, mais laisse le désir toujours renouvelé.

**** Contrairement à la légende, Epicure n’est pas un débauché, mais plutôt un ascète qui recommande de vivre de peu et de limiter ses désirs au strict nécessaire pour atteindre l’aponie ou “absence de douleur” et l’ataraxie ou “paix de l’âme”.

****** Dans la Généalogie de la morale (1887), Nietzsche fait une critique radicale de la morale ascétique, où il voit le fait des êtres faibles pour empêcher la volonté de puissance de s’exprimer librement. L'ascétisme est, selon lui, une forme de nihilisme.

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