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Le fait religieux en entreprise

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Par   •  21 Octobre 2019  •  Étude de cas  •  4 758 Mots (20 Pages)  •  546 Vues

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DROIT DU TRAVAIL

LE FAIT RELIGIEUX EN ENTREPRISE

CAS PRATIQUE :

  1. Un employeur, propriétaire d’un restaurant, peut-il interdire à une de ses serveuses, convertie à l’Islam un an après son embauche, le port du voile islamique pendant son service ?

        

        Une salariée, recrutée pour être serveuse dans un restaurant, s’est convertie à l’Islam un an après la conclusion de son contrat de travail et porte dorénavant le voile islamique sur son lieu de travail, le poste auquel elle a été affecté impliquant un contact nécessaire avec la clientèle. Son employeur se demande s’il peut légalement contraindre ladite salariée à ôter son voile durant la durée d’accomplissement des ses obligations contractuelles.

Un employeur peut-il interdire le port du voile islamique à sa salariée durant son temps de travail au motif que la mission pour laquelle elle a été assignée nécessite un contact avec la clientèle ?

        Premièrement, il s’agit de s’interroger sur l’expression des convictions religieuses en entreprises et notamment au sein d’une entreprise privée.

        Les entreprises privées méconnaissent les principes de neutralité et de laïcité du service public. Cependant, si ces entreprises privées sont en charge d’un service public, alors les principes susvisés s’appliquent à leur fonctionnement. C’est l’exemple, entre autre, des caisses primaires d’assurance maladie. La Cour de cassation précise cependant dans un arrêt du 19 mars 2013 qu’une entreprise privée exerçant une mission d’intérêt général ne peut être considérée comme une entreprise privée gérant un service public.

        Cependant, La Haute juridiction civile réunie en Assemblée Plénière précise, dans son arrêt dit Baby Loup du 25 juin 2014, qu’une société privée peut tout à fait insérer des dispositions inscrivant ce principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions religieuses dans son règlement intérieur sous la forme d’une « clause de neutralité », cet ajout devant se faire selon des conditions particulières. La loi Travail du 8 aout 2016 a d’ailleurs codifié cette possibilité laissée aux entreprises privées.

        

        En l’espèce, si le restaurant visé dans les faits est bien une entreprise privée, alors les principes de neutralité et de laïcité ne s’appliquent pas à son fonctionnement. Si ce restaurant peut, certes, renvoyer à une entreprise privée gérant une mission d’intérêt général en fonction de sa situation, il ne peut cependant être considéré comme une entreprise privée gérant un service public, selon la solution donnée en mars 2013 par la Cour de cassation.

On considère donc dans les faits que le restaurant susvisé méconnait les principes de neutralité et de laïcité du service public. Ce n’est donc pas par le biais du principe de neutralité que l’employeur pourra interdire à sa salariée portant le voile d’ôter ce dernier.

        Deuxièmement, l’enjeu semble tourner autour du moment de l’embauche et des convictions religieuses. La mise en parallèle entre le droit des contrats et le droit du travail semble nécessaire : le contrat de travail, signé par la salariée et portant obligations contractuelles, peut-il comporter des clauses portant sur une attente, de la part de l’employeur, d’une certaine neutralité religieuse, et si oui, à quelle(s) condition(s) ?

Les articles L.1132-1 et L. 5321-2 du Code du travail posent le principe selon lequel « aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison de son appartenance à une religion déterminée ». Une offre d’emploi ne peut contenir de références aux convictions religieuses ou de critères ayant pour finalité d’exclure quelqu’un en raison de sa religion.

Par ailleurs, selon l’article L. 1221-6 du Code du travail, l’employeur ne peut uniquement demander au candidat que des informations lui permettant d’apprécier ses capacités et aptitudes professionnelles au regard des attentes exigibles pour ledit poste.

        Par ailleurs, l’article 1321-3 du Code du travail indique que la clause de neutralité pouvant être insérée dans le règlement intérieur de l’entreprise ne doit pas contenir de dispositions discriminantes à l’encontre des convictions religieuses de  certains salariés.

        

        En l’espèce, la jeune femme s’est convertie à l’Islam un an après son embauche et a commencé à porter le voile en conséquence. Notons premièrement que les questions religieuses n’intéressent pas l’employeur au moment de l’embauche de la salariée. D’autre part, si une clause de neutralité a été formulée avant l’embauche, elle aurait pu être mentionnée par l’employeur à sa future salariée au moment de l’entretien et cette dernière aurait dès lors été dans l’obligation de s’y conformer. A l’inverse, si la clause de neutralité a été édictée en aval de l’embauche de ladite salariée, alors l’employeur qui interdit par ordre oral à sa salarié d’ôter son voile commet une discrimination religieuse directe fondée sur les convictions religieuses de cette dernière.

        Troisièmement, il faut revenir sur cette notion de clause de neutralité que le droit du travail connait bien. Il faut en effet évoquer la clause de neutralité et ses particularismes, ses conditions générales propres à sa formulation au sein du règlement intérieur d’une entreprise.

        Comme dit en amont, une entreprise privée peut édicter une clause de neutralité. En se référant à la jurisprudence Baby Loup de juin 2014 précitée et codifiée en 2016, une clause de neutralité peut ainsi être intégrée au règlement intérieur d’une entreprise privée. Néanmoins, cette clause de neutralité ne revêt un caractère licite que si elle est formulée conformément aux conditions particulières énoncées à l’article L. 1321-2-1 du Code du travail. Selon ce dernier, ces « restrictions doivent être justifiées par l’existence d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ; elles doivent être proportionnées au but recherché ». L’article fait donc mention des conditions générales à respecter pour formuler une telle clause de neutralité au sein d’une entreprise privée.

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