Conseil d'Etat, 23 décembre 2011.
Commentaire de texte : Conseil d'Etat, 23 décembre 2011.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar steph_derr • 8 Novembre 2016 • Commentaire de texte • 1 639 Mots (7 Pages) • 1 646 Vues
Conseil d'Etat, 23 décembre 2011, Min. de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration
La loi du 2 mars 1982 a ouvert au préfet la possibilité de contester les actes des collectivités territoriales devant le tribunal administratif. Ainsi, elle permet pour la première fois à un tiers de contester directement devant le juge un contrat administratif. Toutefois, cette loi est restée silencieuse quant à la nature de ce recours. Par un arrêt du 23 décembre 2011, le Conseil d'Etat vient combler ce silence en revenant sur la nature du recours en matière de déféré préfectoral concernant les marchés publics.
En l'espèce, une commission d'appel d'offre et le syndicat intercommunal d'assainissement du Nord (SIAN) ont conclu un accord afin de mettre en place quatre marchés relatifs à l'assainissement. Ceux-ci ont par la suite été signés et transmis aux services de préfectures : les préfets demandent de procéder au retrait de ces marchés, demande qui est rejetée par le SIAN. Le préfet saisi le Tribunal administratif de Lille puis la Cour administrative d'appel de Douai qui rejettent tous deux sa demande de nullité des marchés. Cette cour, en vertu de l'article L. 5211-8 du Code général des collectivités territoriales, affirme le principe selon lequel l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale, à la suite d'un renouvellement général des conseils municipaux, peut seulement gérer les affaires courantes jusqu'à l'installation d'un nouvel organe délibérant. Elle a, en ce sens, qualifié les quatre marchés en l'espèce comme relevant de la gestion des affaires courantes. Le Ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration forme un pourvoi devant le Conseil d'Etat en demandant la nullité des marchés sur le fondement, toujours au visa de l'article L. 5211-8 du Code général des collectivités territoriales, que ces marchés ne sont pas considérés comme des affaires courantes, et que les services publics ayant conclu l'accord n'ont donc pas compétence à les traiter. Le Conseil d'Etat se pose la question de la nature juridique du déféré préfectoral et de ses conséquences.
Quelle est la nature juridique du déféré préfectoral contre un contrat ?
Le Conseil d’État a considéré que les régies des syndicats intercommunaux n'agissaient pas dans leur domaine de compétence du fait que le contrat ne consistait pas en la gestion d'affaire courante. Le Conseil d’État a alors conféré au déféré préfectoral, exercé à l'encontre d'un contrat administratif, le caractère d'un recours de pleine juridiction. Il a ainsi décidé d'annuler le contrat dans un délai de trois mois si la situation ne s'est pas régularisée entre temps.
La nature juridique du contentieux du déféré préfectoral est témoin d'une certaine évolution (I), engendrant certaines conséquences quant à l'office du juge (II).
- Une nature juridique évolutive du contentieux du déféré préfectoral
Ce contentieux, qui est traditionnellement rattaché à l'excès de pouvoir (A), relève selon cet arrêt du Conseil d'Etat de la pleine juridiction (B).
- Un contentieux traditionnellement rattaché à l'excès de pouvoir
Le recours pour excès de pouvoir est un type de recours possible porté devant une juridiction administrative et utilisé dans le but d'annuler un acte administratif unilatéral considéré comme illégal. Ce recours est traditionnel du fait de son assise jurisprudentielle dans le temps. En effet, le premier arrêt selon lequel le Conseil d'Etat appréhende le recours pour excès de pouvoir est l'arrêt Casanova, du 29 mars 1901. Ici, la Haute juridiction administrative admet le principe qu'un contribuable d'une collectivité publique peut attaquer, par recours à l'excès de pouvoir, les décisions administratives ayant des répercussions sur les finances ou le patrimoine de cette collectivité.
La sanction mise en place par le Conseil d'Etat, lorsque le recours à l'excès de pouvoir est invoqué, est nécessairement l'annulation de l'acte administratif mais également sa disparition rétroactive de l'ordre juridique : cet acte ne doit jamais avoir existé.
L'illégalité de cet acte peut tout d'abord être d'ordre interne s'il y a eu violation de la loi ou détournement de pouvoir, et ensuite d'ordre externe, c'est-à-dire que l'acte est illégal en raison de l'incompétence de son auteur ou de sa forme viciée. Le vice de procédure ou le vice dans la composition de l'organisme dont l'avis doit être recueilli peuvent également entrainer la nullité de l'acte lorsqu'un recours pour excès de pouvoir est invoqué.
Mais, en l'espèce, et en vertu de l'article L. 5211-8 du Code général des collectivités territoriales, l'acte administratif relatif à la mise en place des quatre marchés est vicié dans sa procédure car la commission d'appel d'offres et le SIAN ne pouvaient prendre de décisions autres que celles relatives à la gestion des affaires courantes, compte tenu du renouvellement général des conseils municipaux.
Or, le Conseil d'Etat ne qualifie pas le contentieux du déféré préfectoral comme un recours à l'excès de pouvoir mais comme un contentieux de pleine juridiction.
- Un contentieux relevant de la pleine juridiction
Le Conseil d'Etat appréhende un nouveau type de contentieux administratif, celui de la "pleine juridiction" ou du "plein contentieux" : en vertu de ce recours, le juge voit ces compétences élargies. En effet, il peut soit "prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit décider de la poursuite de son exécution, soit […] annuler, totalement ou partiellement, […] le contrat". Ce recours est considéré comme objectif car le juge va uniquement exercer un contrôle de légalité de l'acte administratif. Le choix de ce recours au lieu du recours pour excès de pouvoir tient en ce qu'il est invoqué par un préfet et non pas par un administré mais également en ce que le Ministre de l'intérieur a formé un pourvoi en cassation contre le jugement rendu par la Cour administrative d'appel de Douai : le Conseil d'Etat, jugeant de l'importance du contentieux, choisis d'étendre les pouvoirs du juge. La jurisprudence actuelle a complété le régime relatif à ce contentieux puisqu'aujourd'hui le juge a d'avantage de pouvoirs lorsqu'il est question de contrats administratifs, de responsabilité ou de réformation.
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