Ce , 10 octobre 2013
Commentaire d'arrêt : Ce , 10 octobre 2013. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar ariacollins • 18 Octobre 2018 • Commentaire d'arrêt • 2 646 Mots (11 Pages) • 1 580 Vues
AJDA
AJDA 2014 p.213
Fédération française de gymnastique : Alitalia remise en forme
Aurélie Bretonneau, Maître des requêtes au Conseil d'Etat, responsable du centre de recherches et de diffusion juridiques
Jean Lessi, Maître des requêtes au Conseil d'Etat, responsable du centre de recherches et de diffusion juridiques
On a coutume de penser, à l'évocation de la jurisprudence Alitalia! (1) (CE 3 févr. 1989, n° 74052, Compagnie Alitalia, Lebon 44! ), au cas de textes réglementaires illégaux ab initio ou qui le sont devenus par suite d'un changement de circonstances. Mais qu'en est-il des textes un temps illégaux qu'un changement de circonstances viendrait purger de leurs vices ? Le contentieux noué autour du refus d'abroger les règles de « parité »! (2) issues du décret n° 2004-22 du 7 janvier 2004 par la Fédération française de gymnastique a fourni au Conseil d'Etat un bon terrain d'exercice pour le traitement de ce cas de figure requérant un brin d'agilité et mobilisant des muscles contentieux habituellement peu sollicités.
Le décret du 7 janvier 2004 dont la Fédération française de gymnastique réclamait l'abrogation n'avait pas grand chose pour lui.
Il n'avait d'abord pas le sens du rythme. Imposer comme il l'a fait aux fédérations sportives sollicitant un agrément le respect d'une proportion déterminée d'hommes et de femmes au sein de leurs instances dirigeantes alors que, depuis sa décision n° 2001-445 DC (Cons. const. 19 juin 2001, D. 2002. 1947! , obs. V. Lanisson! ), le Conseil constitutionnel s'attachait à tirer le moins de conséquences possible de la loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 en jugeant que l'objectif d'égal accès des femmes et des hommes qu'il consacrait ne valait que pour les élections à des mandats et fonctions politiques, relevait dès l'origine d'un pari risqué. A supposer que le moindre doute ait pu subsister à l'époque sur la conformité à la Constitution de tels dispositifs contraignants dans ce domaine, il fut en tout état de cause levé deux ans plus tard par la portée qu'a donnée au principe d'égalité la décision n° 2006-533 DC (Cons. const. 16 mars 2006, AJDA 2006. 1961! , note C. Geslot! ; D. 2007. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino! RDT 2006. 72, Controverse A. Junter et M.-T. Lanquetin! ) que la décision commentée cite sans la viser, semblant ainsi lui conférer une « autorité persuasive » pour le traitement de cette affaire.
Lorsque la Fédération française de gymnastique lui a demandé d'abroger ces dispositions, le pouvoir réglementaire a pu croire un temps que la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, intervenue pour surmonter la jurisprudence constitutionnelle et étendre le champ de l'objectif d'égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales, avait fait rentrer son oeuvre dans la légalité. Mais la jurisprudence du Conseil d'Etat a tari cet espoir en confirmant, par sa décision Fédération CFTC de l'agriculture (CE, ass., 7 mai 2013, n° 362280, Fédération CFTC de l'agriculture [CFTC-AGRI], Fédération générale des travailleurs de l'agriculture, de l'alimentation, des tabacs et des services annexes - FO [FGTA-FO], Lebon! ; AJDA 2013. 1564! , chron. X. Domino et A. Bretonneau! ; RFDA 2013. 868, concl. G. Pellissier! ; ibid. 882, note D. Roman et S. Hennette-Vauchez! ; ibid. 1251, note A.-M. Le Pourhiet! ), intervenue alors que le litige avec la Fédération de gymnastique était déjà
pendant, que la mise en oeuvre de cet objectif était réservée au seul législateur, y compris dans les matières traditionnellement régies par le pouvoir réglementaire.
Il ne brillait pas non plus par son sens de l'équilibre. La règle qu'il introduisait au point 2.2.2.2.1 des statuts types des fédérations sportives agréées consistait à aligner la proportion de membres de chaque sexe dans les instances dirigeantes d'une fédération sur la proportion de ses licencié(e)s de chaque sexe. Or nous partageons l'opinion du rapporteur public Damien Botteghi qui, dans ses conclusions! (3), estimait qu'on était là bien loin de l'objectif d'égal accès des hommes et des femmes aux fonctions en cause posé par l'article 1er de la Constitution. Compte tenu de la forte disproportion des genres au sein des licenciés de nombre de fédérations sportives, le mécanisme d'indexation interdisait, dans bien des cas, une représentation équilibrée de chaque sexe dans les instances dirigeantes. Il n'était apte à la permettre que pour quelques disciplines parfaitement mixtes - celles où l'on est en droit de penser que la parité des instances dirigeantes était la plus atteignable même sans texte. Intrinsèquement procyclique, le dispositif conduisait en revanche à ce que les femmes soient nettement surreprésentées dans les instances dirigeantes de la fédération requérante, tout en les privant par ailleurs de tout espoir d'accéder un jour aux comités directeurs des fédérations agréées de football, de rugby ou de tir.
Entre un mauvais tempo et une exécution technique douteuse, il n'y avait donc rien de surprenant à ce que les dispositions attaquées ne passent pas la barre du Conseil d'Etat et que le refus de les abroger opposé par le pouvoir réglementaire à la requérante soit jugé illégal.
Moins que le sens de la décision, c'est la méthode retenue par le Conseil d'Etat pour y parvenir qui en constitue le véritable point d'intérêt. Ajoutant au considérant de principe de la décision Alitalia, selon lequel : « L'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l'illégalité résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date »! (4), elle précise en effet que : « Toutefois, cette autorité ne saurait être tenue d'accueillir une telle demande dans le cas où l'illégalité du règlement a cessé, en raison d'un changement de circonstances,
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