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CE, Banque d'Orsay, 18 Février 2011

Commentaire d'arrêt : CE, Banque d'Orsay, 18 Février 2011. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  17 Avril 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  2 146 Mots (9 Pages)  •  700 Vues

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Des professionnels des marchés financiers (deux cadres supérieurs de la Banque d’Orsay) portent devant la CEDH deux griefs. Ceux-ci sont formulés à l’encontre de leur condamnation par la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers à des sanctions disciplinaires et pécuniaires, du fait du non-respect des règles et du délai de couverture de ventes d’actions à découvert à l’occasion d’une opération d’augmentation de capital.

L'un (M.X) était directeur général délégué de la banque d’Orsay, responsable de l’activité de négociation pour compte propre. L'autre (M.Y) était employé par cette banque et exerçait ses fonctions au sein du desk « risque arbitrage ». En février 2005, la banque intervint dans l’opération d’augmentation de capital de la société Euro Disney au titre de laquelle sont apparues des irrégularités dans le cadre de vente à découvert.

Le 4 septembre 2008, la Commission des sanctions prononça donc à l’encontre de chacune des personnes mises en cause un avertissement, ainsi que des sanctions pécuniaires, de 300 000 euros à l’encontre de la banque, de 25 000 euros à l’égard de M. X et de 20 000 euros à l’égard de M. Y.

Leur recours devant le Conseil d'Etat est rejeté le 18 février 2011.

Par suite, ils saisissent la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Ils invoquent un double manquement aux articles 6 § 1 (droit à un procès équitable dont impartialité des autorités de jugement) et 7 (légalités des délits et peines).

Les juges de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont ainsi dû se questionner sur le respect de l’exigence d’impartialité au cours de la procédure de sanction au sein de l’AMF, et sur l’accessibilité et la prévisibilité des dispositions sur lesquelles l’AMF a fondé ses sanctions.

Dans son arrêt de chambre "Banque d'Orsay" rendu le 1er septembre 2016 la Cour européenne des droits de l’homme déclare la Commission des sanctions de l’AMF indépendante et impartiale aux vues des articles 6§1 et 7 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

  1. La reconnaissance de l’impartialité de la Commission des sanctions par rapport aux autres organes de l’AMF.

Il s’agira tout d’abord d’appréhender les circonstances dans lesquelles l’affaire soulevait la question de l’impartialité de la Commission des sanctions (A) puis d’aborder le constat par la Cour de l’absence du non-respect du principe d’impartialité (B)

  1. L’applicabilité de l’article 6§1 de la CEDH à la procédure de sanction au sein de l’AMF.

Bien que l’AMF ne soit pas considérée comme une juridiction au sens du droit interne français, (CE arrêt du 4 février 2005). Dans plusieurs arrêts la Haute juridiction administrative a affirmé que lorsqu’elle est saisie d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article L. 621-15 du Code monétaire et financier, la Commission des sanctions de l’AMF doit être regardée comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CE, 4 février 2005, CE, 2 novembre 2005, CE, 2 novembre 2005).

En l’espèce les requérants ont valablement formé un recours devant la CEDH en demandant la vérification de la bonne application de l’article 6§1 de la Convention à la procédure de sanction au sein de l’AMF. Leur demande vise donc à faire respecter le principe de l’impartialité par la Commission des sanctions, dans le cadre du droit à un procès équitable prévu par la Convention.

La CEDH commence son raisonnement par indiquer quelle impartialité est attendue de la part des autorités de jugements, en différenciant impartialité objective et subjective. Pour se faire elle rappelle sa jurisprudence antérieure ; le premier critère peut être qualifié de « subjectif » parce qu’il consiste à pénétrer dans la psychologie du juge, à rechercher s’il désirait favoriser un plaideur ou nuire à un justiciable. Dans ce cas l’impartialité doit être présumée jusqu’à preuve du contraire (CEDH, Piersack c/ Belgique, 1er octobre 1982). En l’espèce la preuve du contraire n’est pas apportée, et la requête des demandeurs ne paraît pas portée sur une probable partialité subjective d’un des membres de la Commission. Ainsi donc la CEDH se tourne vers l’appréciation du second critère présenté comme objectif et rappelle qu’elle consiste à se demander si indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier. En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables, à commencer, au pénal, par les prévenus (CEDH, Didier c/France, 27 août 2002). Ici il s'agit de contrôler l'organisation même de l'institution qui prononce la sanction, qui  doit, d’une manière générale, apparaître impartiale et inspirer la confiance. La CEDH parle même d’apparence de l’indépendance. De plus la Haute juridiction du Conseil de l’Europe réaffirme que l'élément essentiel pris en compte est l'indépendance de ses membres, c'est-à-dire leur mode de désignation, la durée de leur mandat, les garanties existant pour les mettre à l'abri des pressions extérieures (CEDH, Kleyn et autres c/Pays-Bas, 6 mai 2003).

  1. L’exclusion de la partialité de la Commission des sanctions.

En l’espèce l’impartialité subjective n’était pas la question soulevée par les requérants. Ils reprochaient l’intervention du président du Collège de l’AMF, autorité de poursuite, et des services administratifs, dans la procédure de sanction mise en œuvre par la Commission des sanctions. Ainsi la question était de savoir s’il y avait eu violation du principe de séparation des autorités de contrôle, d’enquête, de poursuite et de jugement.

La CEDH estime que le fait que la Commission des sanctions ait partagé l'avis du président de l'AMF, auteur des poursuites, quant à la compréhension des textes en cause ne saurait à lui seul mettre en doute son impartialité, dès lors notamment que les requérants ont également été entendus. En effet l’expression de l’autorité de poursuite lors de la phase d’instruction afin d’expliciter les éléments contenus dans sa notification de griefs, paraît constituer l’application même du principe du contradictoire posé par l’article 6§1 de la Convention, cette conception est appuyée par le fait que la position du président de l’AMF a pu être « contredite » par les mis en cause, aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. De surcroît, elle constate la séparation claire et étanche entre les organes de contrôle, d'enquête et de poursuite, d'une part, et l'organe de jugement, d'autre part. La Cour considère donc qu'il n'y a pas lieu de douter de l'indépendance de la Commission des sanctions et de son rapporteur par rapport aux autres organes de l'AMF, et confirme l’absence de toute apparence de violation du principe d'impartialité.

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