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L'histoire economique est spirituelle

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Par   •  15 Décembre 2013  •  Analyse sectorielle  •  907 Mots (4 Pages)  •  678 Vues

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epuis quelques décennies, les travaux des nouveaux historiens de la mondialité s'attachent à « provincialiser l'Europe », comme l'écrit le Bengali Dipesh Chakrabarty et lui faire perdre son « sens de gravité », explique le Camerounais Achille Mbembe.

La récente nomination, le 28 novembre, de l'historien indien Sanjay Subrahmanyam, auteur d'une grande biographie critique de Vasco de Gama (Alma, 2012), à la chaire d'histoire globale de la première modernité, au Collège de France, est un événement académique qui marque ce tournant scientifique et politique.

Et la revue Esprit a eu la bonne idée de prendre acte de l'ampleur et des débats soulevés par l'avènement de cette histoire mondialisée. Professeur à l'université Paris-VIII, Philippe Minard revient sur la pluralité des « histoires connectées », soucieuses d'étudier des aires géographiques délaissées par l'historiographie ethnocentrée.

Connectées à la manière des électriciens, explique-t-il, qui se branchent sur des canaux intercontinentaux, sur la pluralité des mondes et l'hybridation des regards, à rebours du « resserrement hexagonal » des études historiques françaises qui s'opéra selon lui au milieu des années 1970. Ces historiographies décentrées nous permettent d'en finir avec « la thèse éculée du miracle occidental », assure Romain Bertrand, auteur de L'Histoire à parts égales (Seuil, 2011).

IL Y A DU SPIRITUEL DANS L'HISTOIRE ÉCONOMIQUE

Et de découvrir notamment que le capitalisme n'est pas une invention européenne, car la Chine des Ming et des Qing a connu un « investissement marchand » aussi important que l'Europe de l'Ouest et du Nord.

Cette approche globalisée permit à Sanjay Subrahmanyam de montrer que le célèbre navigateur portugais Vasco de Gama n'avait pas ouvert seul la route des Indes, mais avait pénétré un dense bassin d'échanges fluvial et commercial, qu'il y a du spirituel dans l'histoire économique, à l'image de ces moussaillons commerçants récitant cantiques sur cantiques sur les mers entre Lisbonne et Goa.

Mais, selon Romain Bertrand, cette histoire postcoloniale est contestée par ceux qui, tel l'historien Pierre Nora, soutiennent que certains de ces nouveaux historiens sont animés par un « ressentiment à l'égard de la France » (Le Débat, n° 175, mai-août 2013).

Faut-il y voir une querelle entre l'histoire globale et le roman national ? « Pas si simple », tempère-t-il. Car il ne faut pas opposer le global au national, mais l'histoire au roman, c'est-à-dire un savoir à une mythologie. Et le savoir nous rappelle notamment que, sans les inventions de la boussole, de la poudre, du gouvernail ou du papier, qui sont toutes des inventions chinoises, l'Europe n'aurait pas connu une telle révolution industrielle, assure Philippe Norel, auteur de L'Histoire économique globale (Seuil, 2009).

La Chine n'est pas plus « émergente » que l'Inde ou le Brésil, et ne ferait aujourd'hui que reprendre sa place dans l'histoire des civilisations.

Ainsi ce voyage au cœur de l'histoire connectée entérine bel et bien « la fin du monopole européen », constate Marc-Olivier Padis, le directeur de la rédaction d'Esprit. A l'échelle de la durée millénaire, la domination économique et politique des Européens ne pourrait donc avoir été qu'une longue parenthèse dans l'histoire de l'humanité.

Revue « Esprit » Comment faire l'histoire du monde ?

N°400, décembre

sous la direction d'Olivier Mongin 160 pages, 20 €.

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