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Le Sport Miroir De Notre Société

Fiche de lecture : Le Sport Miroir De Notre Société. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  10 Décembre 2013  •  Fiche de lecture  •  1 944 Mots (8 Pages)  •  728 Vues

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Comme les aventuriers, les sportifs se battent. Ils repoussent pour nombre d’entre eux les limites du possible, parfois avec des moyens (dopage, surentraînement) nocifs pour leur santé et leur équilibre. D’ailleurs, le culte de la performance, qui s’applique traditionnellement au monde des affaires et de l’entreprise, s’élargit dans les années 1980 quasiment à l’ensemble de la société. Mais la figure la plus exposée, la plus médiatisée - sur les affiches, sur les écrans, dans les médias - est le sportif. Aucun exploit ne parvient jusqu’au public sans être préparé, mis en scène, commenté à satiété. Le stade est désormais le champ de bataille d’une guerre symbolique, comme l’ont montré les sociologues du sport. Le héros sportif, succédané1 de guerrier, n’a pas grand-chose à voir avec le héros antique aristocratique. Ce ne sont plus les dieux qui parlent à travers ses exploits, c’est l’individu ordinaire qui accède à la célébrité. Le champ sportif révèle les tensions et les contradictions de nos sociétés. L’individu exhibe sa singularité tout en prétendant ressembler aux masses. Les valeurs méritocratiques et pacifistes mises en avant dans le discours sportif se heurtent souvent à la réalité des inégalités et de la violence, bien que l’affrontement soit théoriquement contraint par l’euphémisme du fair play et d’un code d’honneur sportif non écrit. Le combat se déroule en effet dans un espace et un temps dévolus à cette activité, dans l’étonnant sanctuaire qu’est le stade. Ce lieu moderne de construction épique vise à rendre équivalentes les figures médiatiques et les figures sportives au prix d’un dispositif d’héroïsation coûteux.

L’héroïsation du footballeur français Zinedine Zidane repose largement, comme pour le brésilien Pelé, sur la belle action médiatisée et le modèle de réussite sociale... Le sport choisit en effet de réserver « un sort tout particulier à celui ou celle qui repousse les limites et se joue des barrières et des seuils : l’être d’une extrême particularité, l’auteur de l’incomparable, celui du jamais vu, brusquement projeté sur une autre scène encore, celle tout imaginaire de l’espace légendaire et héroïsé ». L’une des personnalités préférées des Français, modèle d’intégration, Zidane est mondialement connu et fait rêver. Le voisin d’en face devient un surhomme, qui repousse les limites de la condition humaine, et parfois un homme providentiel. L’image visible et véhiculée du footballeur Zidane, c’est à la fois l’intelligence et la grâce du geste, la figure monumentale et protectrice peinte sur un mur de Marseille, la célébrité altruiste (parrain d’associations qui luttent contre des maladies) et la violence du héros : tirs décisifs, buts meurtriers, selon le vocabulaire des commentateurs, dont plusieurs têtes et l’ultime coup de boule en finale de la Coupe du monde 2006, qui n’efface pas son exceptionnel parcours.

« Le Battant », dossier de presse de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France « Héros, d’Achille à Zidane » (2007)

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Dans ce reportage, le journaliste Eric Fottorino rend compte d’un rêve de gamin réalisé : courir à vélo avec de vrais coureurs. Cette année-là, le journal Le Monde patronne la course Midi libre. Le journaliste y participe d’une façon un peu particulière : à chaque étape, il part avant le peloton, se fait rattraper, et essaie de suivre... Ce texte est un extrait du dernier de ses six articles.

Il arrive des moments où le cyclisme cesse d’être un sport pour devenir une épreuve, si pénible qu’elle fait appel à des facultés physiques et mentales insoupçonnées. L’adversaire n’a plus de visage, c’est la route qui s’élève vers le ciel, si fort, si brutalement, que la seule vue de ce tracé vous ôte les dernières forces qui vous restent et installe, de la plante des pieds jusqu’à la racine des cheveux, un sentiment de peur. Dès Marvejols, le danger se précisait. J’ai grimpé la terrible côte de Chabrits à mon train. Mon copain José- Alain Fralon, grand reporter rebaptisé sur la route « reporteur d’eau », tant il mettait de sérieux à préparer mes bidons, essayait en vain de me faire manger : plus rien ne passait. Dans la vertigineuse descente sur Mende, j’ai vu le clocher de la cathédrale. Je savais qu’ici commençait le calvaire de la Croix-Neuve, ce col hors catégorie vers lequel je pédalais comme un animal avance vers l’abattoir.

Difficile de décrire les sensations éprouvées sans paraître exagérer. Parler de supplice serait déplacé dès lors que, cette épreuve, je l’ai voulue. Mais le public massé dans la montée de Mende n’a pu que partager cette souffrance qui se lisait sur les visages des coureurs - et sans doute le mien - tant la pente était raide, incroyable, brutale comme un enchaînement de coups de poings sur un ring. Dès que la route s’est cabrée, j’ai passé « tout à gauche », c'est-à-dire le braquet le plus petit (39 par 27 pour les connaisseurs, un développement de 3 mètres et des poussières). Il me fallait bien 27 dents au pignon arrière pour mordre l’obstacle. Tout au long de la montée, je n’ai jamais regardé à plus de dix mètres devant moi. La plupart du temps, je gardais mes yeux rivés sur le devant de ma roue, écoutant les encouragements du public, « Allez, encore 2 kilomètres, bientôt c’est moins dur, tu vas y arriver, allez ! » Les voix se faisaient écho. Un embouteillage s’était formé dans la descente. Les voitures des directeurs sportifs redescendant vers Mende, les mobile homes, les camions des mécanos, composaient une longue chenille immobile.

C’est ainsi que des dizaines de coureurs sont sortis des véhicules pour me soutenir de la voix. Jimmy Casper, quand il m’a aperçu, m’a même fait profiter de la première « poussette » de ma vie en montagne. L’effet immédiat est agréable. Mais, après, j’ai eu l’impression d’être encore plus collé à la route. Un coureur de l’équipe Cofidis m’a tendu un bidon d’eau. Je

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