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À quoi bon lire Zaire aujourd'hui

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Par   •  14 Avril 2021  •  Dissertation  •  2 773 Mots (12 Pages)  •  466 Vues

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Zaïre composé en 1732 par Voltaire est une tragédie décrivant un amour impossible entre Zaïre, née chrétienne mais élevée dans l’Islam, et le sultan Orosmane. La pièce met en scène le dilemme de Zaïre, déchirée entre l’autorité familiale et la foi chrétienne que représente son frère, Nérestan, et son amour pour Orosmane. Zaïre finira tuer injustement par son propre amant, dans un excès de rage de ce dernier qui la croit infidèle. Se rendant compte de son erreur, il mettra alors fin à ses jours. Cet amour impossible et tragique se fait sur fond d’orientalisme et de guerres de religion entre chrétiens et musulmans. On peut alors être amené à se demander à quoi bon lire, aujourd’hui la tragédie de Zaïre, qui dépeint une représentation du Moyen Orient subjective et qui semble se distinguer d’une tragédie classique. Quel en est l’intérêt, qu’apporterait cette pièce à un lecteur du XXIème siècle et de quelle façon pourrait-il l’apprécier ?

Nous verrons ainsi, dans une première partie, quel est l’intérêt de lire une tragédie aujourd’hui.

Ensuite, nous analyserons de quelles façons Voltaire nous offre un renouvellement de la tragédie et comment les nouveautés qu’il propose sont reçus par la critique du XVIIIème siècle.

Enfin, nous tenterons de souligner l’intérêt d’une lecture contextuelle pour Zaïre aujourd’hui.

Ainsi, nous allons dégager l’intérêt de lire une tragédie XVIIIème aujourd’hui.

Dans un premier temps, lire une tragédie aujourd’hui relève d’un certain plaisir. Le but premier de la tragédie selon Aristote, dans La Poétique, est la catharsis. Il nous dit de la catharsis : « en représentant la pitié et la frayeur, elle réalise une épuration de ce genre d'action. ». C’est le paradoxe du plaisir tragique. Zaïre a tous les codes d’une tragédie classique. En effet, la pièce dépeint cet amour impossible en Zaïre et Orosmane. Voltaire s’emploie à créer une tension et à maintenir le suspense jusqu’à la fin tragique et inévitable. Le sacrifice de sang de Zaïre est typique d’une tragédie classique. En outre, la mise en scène de Zaïre, avec l’utilisation d’accessoires (telle que la lettre), de costumes orientaux rajoutent à l’attrait et à l’esthétisme de la pièce. Il est ainsi divertissant de lire une tragédie comme l’est celle de Zaïre, et ce plaisir peut être aussi expérimenté aujourd’hui. La tragédie est donc avant tout une œuvre prise comme fiction et destinée à divertir. Le thème de l’amour impossible est un thème intemporel, surutilisé dans la littérature et inépuisable. Encore aujourd’hui, au XXIème siècle, c’est un thème récurrent. Zaïre se présente donc comme une pièce séduisante, et ce même pour un lecteur d’aujourd’hui.

D’autre part, les personnages et l’intrigue de Zaïre viennent créer une tension jusqu’au dénouement final et constitue un autre aspect de l’attrait de la pièce. En effet, Zaïre exprime une tension propre aux tragédies classiques. Le nœud tragique pourrait être dénoué si Orosmane fait passer son amour pour Zaïre avant le doute qui vient s’immiscer en lui et qui va le mener à ce geste terrible. S’il semble sur le point de comprendre que Zaïre est amoureuse de lui en dépit de ce qu’elle semble dire, la passion d’Orosmane l’aveugle (« Zaïre, vous pleurez ? », vers 1154), et le nœud tragique ne parvient alors pas à se dénouer. On trouve également une tension entre les personnages. Nérestan entraîne Zaïre dans le dilemme impossible qu’il lui impose. Orosmane et Lusignan, eux, sont deux personnages très importants pour Zaïre (l’homme qu’elle aime et son père), mais ils ne se rencontrent jamais (les seuls qui ne se rencontrent pas dans la pièce). Ils s’opposent (sont ennemis, leurs armés se sont combattus), et sont ainsi chacun représentatifs du monde de la chrétienté et celui de l’Islam. L’enjeu de la pièce de Zaïre est de savoir si Orosmane va parvenir à briser cette chaîne d’autorité pour s’imposer dans le schéma familial. On a donc différentes tensions, à différentes échelles dans la pièce qui viennent se croiser afin de concentrer toute l’attention sur le final de la pièce, ce qui en alimente lourdement le tragique.

En outre, la tragédie est pour nous, lecteurs du XXIème siècle, un vestige d’une époque. On peut donc en dégager une utilité didactique. Comment les français du XVIIIème voyaient et se représentaient l’Islam ? Quel Islam s’est créé au temps des Lumières ? Ce que l’on sait, c’est que ce sont surtout les protestants qui vont mettre l’Islam à l’honneur. Ils ont la volonté de vouloir représenter Mahomet de manière égale. On a donc un intérêt historique à étudier l’Islam. Les tragédies qui tentent d’en dépeindre certains aspects sont donc des supports utiles d’apprentissages aujourd’hui. Néanmoins, nous verrons que la tragédie de Zaïre ne peut pas être prise comme un support historique totalement véridique.

De plus, Voltaire vient proposer un renouvellement de la tragédie classique, ce qui ne se fait pas sans critiques et reproches au XVIIIème siècle.

D’une part, au XVIIIème siècle, les dramaturges et écrivains viennent rajouter des éléments orientaux à leurs œuvres. C’est un renouvellement des thèmes de la tragédie. En effet, au XVIIIème siècle, la France connaît une inscription de l’Orient de plus en plus massive dans le paysage économique, et ainsi, l’Orient va tenir une place de plus en plus prépondérante dans l’esprit des français. Bajazet (1672), la première grande tragédie orientalisante de Racine, va être beaucoup critiqué par Corneille, qui souligne que les mœurs des turcs y sont mal observés. La question qui se pose alors à l’époque est celle de se demander si la « turquerie est compatible en tragédie ? ». Mais si dans Bajazet, Racine renouvelle des thèmes de la tragédie, Voltaire, lui, propose des personnages très éloignés des figures orientalistes déjà connues : « Il me semble que certains héros étrangers – des asiatiques, des turcs peuvent parler sur un ton plus fier, plus sublime… » (Voltaire). Si le sujet oriental était déjà présent dans les tragédies (et même d’autres genres) avant Voltaire, l’Orient qu’il décrit dans Zaïre est très critiqué à l’époque : on l’accuse de n’être qu’un Orient de fabrique. En effet, Voltaire ne propose qu’un cadre vaguement oriental. Les personnages eux-mêmes prennent parfois leurs distances avec l’Orient (Acte II, scène 3, vers 542-544 / Orosmane, v.755, 758 : « Je ne suis point formé du sang

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