Sujet : Montrer que l’impossible suscite de fortes émotions dans La cafetière de Théophile Gautier.
Dissertation : Sujet : Montrer que l’impossible suscite de fortes émotions dans La cafetière de Théophile Gautier.. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Dorian Bernard • 5 Avril 2021 • Dissertation • 883 Mots (4 Pages) • 982 Vues
Sujet : Montrer que l’impossible suscite de fortes émotions dans La cafetière de Théophile Gautier.
Le rapport au rêve, aux miracles, aux événements impossibles a souvent nourri la création littéraire. Shakespeare met en scène de tels événements dans Le songe d’une nuit d’été et dans Macbeth; avant lui, les auteurs de l’Antiquité n’hésitaient pas à faire intervenir les dieux dans la vie de leurs personnages. Mais ce rapport à l’impossible a été particulièrement important dans la formation du genre fantastique, un type de récit qui met en scène l’irruption de l’impossible dans le réel. Cette irruption soudaine a de quoi bouleverser les personnages qui vivent ces événements incompréhensibles, et les fortes émotions qui les traversent alors prennent une place prépondérante dans ces récits. On peut illustrer ce phénomène en examinant la nouvelle La cafetière de Théophile Gautier, un auteur français du XIXe siècle. Dans cette nouvelle, on constate que Théodore, le personnage principal, est profondément touché par des émotions très fortes, tant négatives que positives. Lors d’une première lecture, il est immédiatement apparent que les événements impossibles dont il est témoin plongent Théodore dans des émotions aussi violentes que négatives. Alors qu’il est couché dans son lit etqu’il voit s’animer les peintures qui ornent les murs de la chambre, il a une réaction sans équivoque : « Une terreur insurmontable s’empara de moi, mes cheveux se hérissèrent sur mon front, mes dents s’entre-choquèrent à se briser, une sueur froide inonda tout mon corps. » (p.5) Cette énumération de symptômes de peur ne laisse aucun doute quant à son état : il est indéniablement terrorisé par ce spectacle étrange de peintures qui bougent, au point même d’affirmer de façon hyperbolique que ses dents claquent si fort qu’elles risquent de se briser. Et si le début de son aventure perturbe grandement le personnage, la fin de celle-ci le laisse tout aussi perturbé : ayant appris que les événements étranges qu’il a vécus la nuit correspondaient aux derniers moments d’une jeune femme morte depuis deux ans, il affirme : « Je venais de comprendre qu’il n’y avait plus pour moi de bonheur sur la terre! » (p.13) La forme négative de cette phrase est renforcée par le point d’exclamation, qui vient amplifier le caractère dramatique de cette affirmation : les événements impossibles vécus par le narrateur l’ont convaincu définitivement qu’il ne sera plus jamais heureux. Les événements impossibles sont donc étroitement liés à de fortes émotions négatives dans la nouvelle. Mais d’un autre côté, il est frappant de constater comment, entre ces deux moments effrayants et déprimants, l’impossible suscite plutôt des sentiments très positifs chez Théodore. Cela se remarque surtout lors de l’apparition de la jeune femme évoquée précédemment. La description qu’en fait Théodore est éloquente : « Jamais, même en rêve, rien d’aussi parfait ne s’était présenté à mes yeux ; une peau d’une blancheur éblouissante, des cheveux d’un blond cendré, de longs cils et des prunelles bleues, si claires et si transparentes, que je voyais son âme à travers aussi distinctement qu’un caillou au fond d’un ruisseau. » (p.9) Cette énumération de caractéristiquesphysiques fait ressortir l’enchantement extrême du personnage : l’usage d’adverbes marquant l’absolu (« jamais, rien, si »), les couleurs associées à la beauté féminine (« blancheur, blond, bleues ») et la comparaison de la pureté de son regard avec un ruisseau d’une transparence parfaite marquent l’intensité de l’amour qui s’empare du personnage à ce moment-là. Et cet emportement émotif n’est pas simplement l’effet de la surprise : une heure après avoir aperçu pour la première cette jeune femme, Théodore a la chance de danser avec elle, et il dit être « inondé d’une joie ineffable » (p.10). L’adjectif « ineffable », qui qualifie quelque chose qu’on ne peut exprimer avec des mots, est toujours positivement connoté : ce que Théodore affirme ici, c’est qu’il vit une joie si étrange, si différente de la joie « ordinaire » qu’il est incapable même de lui rendre justice par les mots. On voit donc comment les événements impossibles, une fois passé le choc initial et avant la déception finale, provoquent chez le personnage principal des émotions positives qui sont tout aussi intenses que le sont les émotions négatives que ces mêmes événements provoquent également chez lui. L’impossible est donc un moteur émotionnel important dans La cafetière. L’avènement de l’impossible entraine une peur intense, et le personnage plonge dans le désespoir suite à ces événements. Mais l’impossible lui procure aussi les plus intenses moments de félicité qu’il ne vivra jamais. À l’époque de la parution de cette œuvre, la thématique de l’amour aussi intense qu’impossible était en vogue, et l’une des façons dont elle s’exprimait souvent était d’introduire dans la relation amoureuse l’obstacle infranchissable de la mort. L’attrait de ce type de relation demeure encore aujourd’hui : par exemple, Harry Potter, héros de la série de romans et de films du même nom, passe toute la série à désirer revoir ses parents, qu’il aime profondément mais quisont morts alors qu’il n’était qu’un bébé, et ce désir l’anime de forts sentiments. Et comme Théodore, le héros de Gautier, Harry est tour à tour blessé et regaillardi par cet amour qu’il ne pourra jamais vivre pleinement. Ces récits, derrière la magie et l’impossible, mettent en scène un désir fondamental de l’être humain : celui d’aimer et d’être aimé.
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