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Portrait (rétif Et Rousseau)

Note de Recherches : Portrait (rétif Et Rousseau). Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  20 Juin 2012  •  6 649 Mots (27 Pages)  •  1 407 Vues

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Portrait de soi et de l’autre féminin

dans les écrits de soi au XVIIIème siècle

Cas de J.J Rousseau (1712../1778..) et de Rétif de la Bretonne (1735/1806)

Mohamed Ouled Alla

Université Hassan II

Il est commun d'affirmer que l'installation de la femme au centre de l'univers littéraire, notamment romanesque, est une donnée constante de la littérature du XVIIIème siècle. Pour notre part, nous pensons que l’une des démonstrations les plus poussées de cet engouement pour la mise en scène du féminin se trouve dans l’œuvre de JJ. Rousseau et de Rétif de la Bretonne. En effet, en donnant une place de choix à la figure féminine dans toute leur création littéraire, ces derniers participent de près à cette «Odyssée de la conscience sexuée» qui a caractérisé la création littéraire occidentale durant les dix-huitième et dix-neuvième siècles, ils en offrent un répertoire riche, complet et d’une grande variété.

Personne ne conteste aujourd'hui le fait que des œuvres telles que La paysanne pervertie, Les Françaises, les Parisiennes ou La Nouvelle Héloïse, constituent, à elles seules, une somme romanesque édifiée en l’honneur des femmes et où pointe, à chaque détour du texte, le génie du sociologue, du romancier et du philosophe qu'étaient, à des degrés divers, J.J. Rousseau et Rétif de la Bretonne. La galerie de portraits féminins qu'ils y peignent est riche en puissance évocatrice, non seulement d'une époque mais surtout d'une sensibilité et d'un imaginaire personnels.

Toutefois, c'est dans leurs œuvres autobiographiques que la figure féminine prend toute son ampleur et sa signification tant littéraire qu'idéologique. Dans Les Confessions et dans Monsieur Nicolas , ce sexe occupe une place stratégique et constitue, assurément, un lieu de tension où s'entrecroisent d’une manière intime, la fable personnelle et la fable de la Femme. C’est cette interpénétration entre la vie de l’auteur et la vie de celles qui le sauvèrent de la «nullité », de l’aveu de Rétif lui-même ou celle des figures titulaires des Confessions de JJ. Rousseau, que nous allons interroger dans notre propos.

Nous étudierons ainsi la figure féminine dans Les Confessions et Monsieur Nicolas en tant qu’élément fondateur d'une individuation. En outre, au-delà de l'affabulation des deux auteurs, nous considérerons les figures féminines en tant qu'élément moteur d'une épopée sexuelle qui nous en dit long sur les obsessions et les mythes de ces deux autobiographes. La présence de la femme dans l’autobiographie rousseauiste et rétivienne nous interpelle, en dernier ressort, comme matériau d'un travail littéraire très important, essentiellement narratif et stylistique. Dans Les Confessions et dans Monsieur Nicolas, chaque rencontre/perte (de) avec la femme aimée donne lieu, en effet, à une situation fondamentale où le «face à face qui joint les héros en couple principal »4 joue un rôle inaugural et causal. Les rencontres amoureuses engendrent des portraits/autoportraits et des enchaînements narratifs, en déterminent les orientations et l’aboutissement et, de ce fait, occupent une place importante dans la rhétorique narrative de ces deux autobiographies.

I. Rencontres amoureuses

I. 1. Portraits de femmes.

Dans Monsieur Nicolas, la description des « trois grâces » s’insère dans une galerie de portraits où Rétif fait l'éloge des beautés d'Auxerre. Il y réécrit, en particulier, quelques-uns de ses poèmes de jeunesse consacrés aux "beautés" qu'il fréquentait. Le texte rétivien se montre ainsi à travers une intratextualité en train de se faire. Sur le plan narratif, les figures féminines célébrées dans ses poèmes viennent combler un vide occasionné par la mort de Madelon (Quatrième Époque) et par une recherche effrénée d'expédients susceptibles de détourner le jeune adolescent de ses velléités à l'égard de Madame Parangon.

De même dans Les Confessions de J. J. Rousseau, les portraits des deux jeunes demoiselles qui "peuplent" l'idylle des cerises sont amenés d'une manière particulière : le début du livre quatre prépare indirectement cette rencontre idyllique ; l'absence de Madame de Warens est occasion pour le jeune Rousseau de se tourner vers les beautés des environs. Les deux premières personnes qui s'offrent à son regard ne sont pas à son goût : Merceret, qui par sa condition ancillaire ne le tente guère, comme par ailleurs toutes les "couturières, filles de chambre et petites marchandes" du coin et Mlle Giraud qui, par ses insistantes agaceries et " son museau sec et noir barbouillé de tabac d'Espagne"5, ne réussit qu'à attiser son dégoût. L'objet de ses fantaisies et de ses rêves est ailleurs :

« il me fallait des Demoiselles ( ... ) c'est un teint mieux conservé, de plus belles mains, une parure plus gracieuse, un air de délicatesse et de propreté sur toute la personne, plus de goût dans la manière de se mettre et de s'exprimer, une robe plus fine et mieux faite, une chaussure plus mignonne, des rubans, de la dentelle, des cheveux mieux ajustés. »

La journée passée à Thônes prend alors toute son importance dans le souvenir des moments agréables de la vie de Rousseau ; une fois encore, le rêve coïncide avec la réalité et le modèle de beauté trouve sa matérialisation, le temps d'une rencontre éphémère.

Nous sommes donc en droit, à l'issue de cette brève mise en parallèle des deux textes, d'avancer l'idée que chez les deux auteurs, la motivation de la rencontre amoureuse passe nécessairement par une volonté de combler l'absence douloureuse de la femme aimée par des substituts qui lui ressemblent et de gommer le hiatus entre un modèle de beauté parfaite et sa réalisation dans le vécu. Toutefois, une analyse détaillée des différents portraits, dans les deux épisodes qui nous intéressent, est susceptible de nous éclairer quant aux particularités des techniques mises en œuvre dans chacun des deux textes.

Dans Les Confessions, au portrait hypertrophié de la "Demoiselle" répondent les deux portraits de Mlle de Graffinried et de Mlle Galley. Pour Mlle de Graffenried, il serait peut-être exagéré de parler d'un portrait proprement dit. On trouve plutôt une seule indication sur son physique,

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