Plainte sur la mort de Sylvie
Compte Rendu : Plainte sur la mort de Sylvie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mormolykai • 21 Juin 2013 • 2 671 Mots (11 Pages) • 6 113 Vues
« Plainte sur la mort de Sylvie » Saint-Amant
L'œuvre de Saint-Amant (1594-1661) comprend des poésies diverses, publiées entre 1629 et 1658. L'ensemble de cette œuvre est liée pour partie à la vie contrastée de l'auteur, voyageur et aventurier. Ses périples l'entraînent dans de longs voyages, par exemple probablement en Amérique, ainsi que dans des expéditions guerrières, contre les Espagnols notamment. Durant ses séjours à Paris, il mène la joyeuse vie des libertins de mœurs, et fréquente aussi les salons précieux, dont l'Hôtel de Rambouillet. Il sera l'un des premiers membres de l'Académie française fondée par Richelieu.
De ces expériences naît une double inspiration. Auteur burlesque, il évoque de façon satirique certains de ses voyages (La Rome ridicule, 1643), il décrit sensuellement les nourritures terrestres (Le Melon, 1629). Mais il est aussi sensible à la poésie de la nature, associée à une méditation sur l'homme, particulièrement sur la mort (Ode à la Solitude, 1617). Ce sentiment de la nature domine ses premiers recueils. À l'intérieur même de cette variété, le goût pour les images, le mouvement, la diversité est caractéristique du mouvement baroque, qu'elle permet aussi de définir.
Lecture analytique
1. Trois champs lexicaux dominent dans ce poème. Le thème de l'eau, qui ouvre le texte, est essentiellement présent dans la première strophe, puis dans les quatre derniers vers: l'apostrophe au ruisseau (v. 1) est reprise au v. 15. Le thème se prolonge à travers les mots « cours, fuis, Onde, ton cours, Mer; amer ». L'observation du poème fait également apparaître un champ lexical de la douleur à travers les termes « deuil, amer », à comprendre abstraitement et concrètement, « las, soupirs, regrets, pleurs », ces termes étant soulignés, pour certains, par le superlatif ou le comparatif associés, pour d'autres par le pluriel ou par leur place. Ces termes se trouvent dans la première et la• dernière strophe. Le troisième champ lexical est essentiellement présent dans la seconde strophe. Les termes « coup, mort, accident », associés à l'emploi du passé (« gouvernait, a reçu »), expliquent la douleur du poète par la mort de la femme aimée, mort destructrice de l'amour.
Le thème du ruisseau amène donc le thème du temps et de la mort, exprimé sur un mode lyrique douloureux.
2. La personnification du Ruisseau est sensible à travers la reprise de l'apostrophe, les impératifs qui suggèrent que le Ruisseau est autonome (« arrête, va-t-en, raconte, reprends ») et les verbes qui lui prêtent, comme à la Mer, une intelligence (« écouter; su, dire, raconte »). Ces verbes associent de cette manière cette nature à la nature humaine. D'autre part, on observe que plusieurs d'entre eux renvoient à l'idée du mouvement ou de son interruption (« cours, te fuis, arrête, reprends, ne repose, te hâter »). Ce double rapprochement - avec l'homme et avec le thème du mouvement - associe la nature au thème du temps qui passe et de la fragilité douloureuse de la vie humaine.
Cette association entre la nature et l'homme se traduit par l'image finale des larmes représentant l'eau qui grossit le cours du Ruisseau. Cette figure de style met donc l'accent sur l'identité entre la nature et l'homme.
3 . L'apostrophe « Ruisseau qui cours » ... et les impératifs « arrête, va-t'en, raconte, reprends », mettent en évidence la présence d'un locuteur et d'un interlocuteur. La présence du locuteur est également sensible dans les pronoms et adjectifs de la première personne: « mon deuil, mon Sort, je, mes soupirs, mon discours, moi, mes regrets », celle de l'interlocuteur se perçoit dans l'emploi de la seconde personne « toi-même, ton Onde, tu, ton cours, t'arrêter, te hâter ». Cette abondance de marques personnelles souligne la personnification du Ruisseau, qui apparaît comme un confident et comme l'image du caractère éphémère de la vie humaine.
Commentaire composé: exemple de corrigé
Dans le prolongement du XVIème siècle où il domine, le thème du temps et de la mort est encore important au début du XVIIème siècle; le littérature est sensible au caractère éphémère d'un monde en transformation perpétuelle. Dans les textes poétiques, cette conception se traduit par le triomphe du mouvement, l'attrait pour le provisoire, exprimés par les images d'une nature mobile. Le thème de l'eau, image de l'écoulement, est, dans cette perspective, privilégié. Dans les trois sizains de la « Plainte sur la mort de Sylvie », il est étroitement lié à l'expression d'une douleur personnelle. Se trouve alors posée la question de la fonction ambiguë de la poésie, impuissante devant la mort, mais qui permet de conserver le souvenir de l'aimée.
1. L'importance du thème du ruisseau
Présent au début et à la fin du poème, le thème du ruisseau, c'est-à-dire de l'eau mouvante, est essentiel. Ici, plus qu'un élément du paysage, il s'agit d'un élément personnifié, comme l'indique la majuscule, qui ouvre le poème et le referme.
A.Une structure significative
L'adresse initiale au ruisseau est reprise au vers 15 : «Adieu, Ruisseau». Que ce soit au début ou à la fin du poème, elle couvre quatre vers (1 à 4 et 15 à 18). Ainsi se définit une structure en mouvement, qui peut être précisée.
Des éléments récurrents apparaissent symétriquement dans les deux parties du texte: celui de l'eau en mouvement («cours», v. 1, «te fuis», v. 2, «Onde», v. 3, «ton cours», v. 15, «ne repose», v. 16, «te hâter», v. 18), celui de l'arrêt («Arrête», v. 3 et «arrêter», v. 17), celui du deuil («deuil», v. 4 et «regrets», v. 17, «pleurs», v. 18). L'identité presque constante entre le nombre de ces éléments au début et à la fin du texte souligne la symétrie entre les deux parties, et l'utilisation des impératifs «Arrête» (v. 3) et «reprends» (v. 15) indique qu'il s'agit d'une sorte de symétrie inverse. Cet effet de miroir est encore accentué par les termes des vers 5-6 d'une part et 13-14 d'autre part, qui annoncent au début et reprennent à la fin le thème de la strophe centrale, c'est-à-dire le thème du deuil: les termes
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