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Le Supplement Au Voyage De Bougainville

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Par   •  21 Juin 2012  •  634 Mots (3 Pages)  •  1 170 Vues

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Denis DIDEROT (1713-1784), Supplément au voyage de Bougainville, 1772

Grand navigateur du XVIII° siècle, Bougainville a raconté son voyage à Tahiti. Diderot, philosophe des Lumières et directeur de l’Encyclopédie, imagine un Supplément au voyage de Bougainville (1772) dans lequel il prend la défense des indigènes et de leurs mœurs, qu’il oppose à la cruauté de la civilisation européenne. Il donne ici la parole à un vieillard, qui, au nom de son peuple, s’adresse à Bougainville.

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30. « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive ; nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici, tout est à tous ; et tu nous as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; et tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre futur esclavage . Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc pour faire des esclaves ? Orou ! toi qui entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi, ce qu’ils ont écrit sur cette lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! Et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays appartient aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? Tu es le plus fort ! Et qu’est-ce que cela fait ? Lorsqu’on t’a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t’es récrié, tu t’es vengé ; et dans le même instant tu as projeté au fond de ton cœur le vol de toute une contrée ! Tu n’es pas esclave : tu souffrirais la mort plutôt que de l’être, et tu veux nous asservir ! Tu crois donc que le Tahitien ne sait pas défendre sa liberté et mourir ? Celui dont tu veux t’emparer comme de la brute , le Tahitien, est ton frère. Vous êtes deux enfants de la nature ; quel droit as-tu sur lui qu’il n’ait pas sur toi ? Tu es venu, nous sommes-nous jetés sur ta personne ? avons-nous pillé ton vaisseau ? T’avons-nous saisi et exposé aux flèches de nos ennemis ? t’avons-nous associé dans nos champs au travail de nos animaux ? Nous avons respecté notre image en toi. Laisse-nous nos mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance contre tes inutiles lumières. Tout ce qui nous est nécessaire et bon, nous le possédons. Sommes-nous dignes de mépris

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