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Commentaire d’arrêt : Cass. plen., 15 avril 1988, fresques catalanes

Mémoire : Commentaire d’arrêt : Cass. plen., 15 avril 1988, fresques catalanes. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  19 Mai 2014  •  2 818 Mots (12 Pages)  •  2 407 Vues

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Commentaire d’arrêt : Cass. plen., 15 avril 1988, fresques catalanes.

Les faits :

Les fresques décorant l’un des murs d’une église désaffectée, propriété indivise de 4 personnes physiques, ont été vendues par 2 de ces propriétaires, sans l’accord des deux autres, en deux lots, se trouvant, au moment de l’arrêts, l’un en possession de la ville de Genève en Suisse et l’autre de la fondation Abegg, en Suisse également. Cette vente, impliquant la dissociation ou l’arrachement de la fresque, objet du litige, du mur de l’église sur lequel elle était peinte, a été rendue possible grâce à une découverte technique qui a été utilisée à cette fin.

Les 2 propriétaires en indivision qui n’avaient pas donné leur accord à la vente ont formé une demande en revendication devant la tribunal de grande instance de Perpignan. Les actuels possesseurs des 2 lots de la freque, personnes morales de nationalité suisse, ont jeté un contredit des décisions de première instance et d’appel, en soulevant l’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions suisses, par application d’une convention internationale qui attribue la compétence en matière mobilière à la juridiction du lieu du défendeur, dans le cas d’espèces la juridiction suisse.

La procédure :

Le 18 décembre 1984, la Cour d’appel de Montpellier a rejeté le contredit des deux demandeurs. Ils ont formé un pourvoi en cassation contre cette décision. La ville de Genève et la fondation Abegg sont les demandeurs au pourvoi, ils souhaitent la cassation de la décision d’appel et que la compétence du litige en soit attribuée aux juridictions helvétiques en vertu de la convention internationale pré-citée. Les 2 propriétaires indivises sont défendeurs à l’action et souhaitent que soit rejeté le pourvoi et que soient maintenue la compétence des juridictions françaises.

Le problème de droit :

Une peinture murale, immeuble par nature, peut-elle devenir immeuble par destination après son détachement du mur support en vertu de l’article 524 du Code civil ?

Les arguments des parties :

Les propriétaires indivises ont argumenté en appel que par détachement de leur support, les fresques, qui étaient des biens immeubles par nature car partie intégrante du mur sur lequel elles étaient peinte, sont devenues des immeubles par destination sur le fondement de l’article 524 du Code civil qui rattache à cette catégorie de biens les biens « attachés au fond à perpétuelle demeure », c’est à dire présentant un lien physique que l’article suivant du Code civil (art. 525) décrit soit comme un scellement en plâtre, chaux ou ciment, soit comme résultant d’une imposibilité physique de les détacher sans que les biens ou leur fonds puissent être fracturés, déteriorés ou brisés. Cet argumentaire leur permet de maintenir la compétence de la juridiction du pays dans lequel se trouve rattaché l’objet immobilier du litige, c’est à dire la juridiction française.

Les possesseurs suisses des lots de fresques argumentent que le dernier alinea de l’article 524 du Code civil ne s’applique qu’à des « effets mobiliers », c’est à dire à des biens meubles attachés au fonds à « perpétuelle demeure », à l’exclusion de tout bien immobilier. Cet argumentaire leur permet, en faisant considérer les fresques comme des biens mobiliers, d’obtenir l’incompétence de la juridiction française en vertu de la convention qui attribue à la juridiction du lieu de résidence du défendeur la compétence des litiges en matière mobilière.

La solution du juge :

Le juge de cassation retient l’argumentaire des possesseurs et casse sur le principe l’arrêt d’appel, sans renvoi, au motif que l’article 524 du Code civil ne s’applique qu’à des biens meubles, et qu’en l’appliquant à un bien immobilier par nature, les juges du fond ont violé la loi.

La solution du juge est une solution de principe, visant à faire valoir le droit en écartant une décision d’appel qui n’avait pas respecté le texte à la lettre. Le juge reprend sans l’écarter l’analyse en fait du juge du fond relative à la difficile affectation d’un bien à une catégorie (I) avant d’écarter l’analyse en droit qui a conduit ce dernier à appliquer à un bien un régime juridique inapproprié (II).

I – La difficile classification des biens :

Les biens constituent un pan fondamental du droit, auquel le Code civil de 1804 consacre 3 de ses 5 livres, le premier étant exclusivement consacré aux personnes. Issus du droit romain puis de l’ancien droit, et repris dans le Code civil à une époque post révolutionnaire – où primait le besoin de protection des intérêts individuels et en particulier de la propriété qui avait été consacrée comme l’un des droits inaliénables et imprescriptibles de l’homme – et dans une société rurale et agricole tournée autour de la maîtrise du patrimoine foncier et des biens liés à l’exploitation agricole, la matière s’est largement étoffée pour constituer aujourd’hui un entrelacs où la corporalité et la matérialité des biens ne dessinent plus que des frontières bien floues.

Même si plusieurs catégorisations des biens ont été proposées par la doctrine, fondés sur leur appropriabilité, leur fongibilité, leur comsomptibilité ou encore sur la différence entre fruits et produits, le Code civil a consacré une catégorisation fondamentale, une summa divisio entre biens meubles et biens immeubles (A) qui laisse pourtant la place à des exceptions très riches sur un plan de leurs effets juridique (B).

A – La règle générale de distinction entre bien meuble et bien immeuble :

D’après la doctrine générale, la règle est que tout bien est meuble, à l’exception de ceux qui reçoivent la qualification d’immeuble. Cette doctrine peut s’analyser comme fondée sur l’échelle de valeurs contemporaine de l’époque de l’élaboration du Code civil, lorsque les biens immeubles, le foncier et le bâti, constituaient la principale richesse, les meubles étant considérés, selon l’adage, comme de peu de valeur (res mobilis, res vilis). Malgré le rétablissement d’un équilibre entre biens mobiliers et biens immobiliers, avec l’existence de biens meubles de très grande valeur (meubles de valeur, biens culturels ou artistiques, biens financiers, sûretés...), elle conserve un intérêt

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