Britannicus, Jean Racine
Fiche : Britannicus, Jean Racine. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Clara Baussan • 15 Novembre 2017 • Fiche • 1 554 Mots (7 Pages) • 731 Vues
Le lieu
Bien que Racine respecte l’unité de lieu, le lieu de la tragédie est triple. Pour reprendre une partition introduite par Roland Barthes , on peut distinguer « la Chambre », « l’Anti-Chambre » et « l’Extérieur ». La chambre est le lieu du pouvoir, la chambre où Néron prend ses décisions et scelle le sort de ses proches. L’anti-chambre est le lieu représenté sur scène, le lieu où les personnages attendent les décisions du pouvoir, cherchent à pénétrer dans l’antre ou guettent ceux qui en sortent. Ainsi Agrippine fait le siège de la chambre de Néron, exigeant une entrevue (« La mère de César veille seule à sa porte ? », v. 4 ; « entrons », v. 133). Néron exerce son pouvoir sur ceux qui hantent l’anti-chambre, en leur refusant l’accès à son siège, ce qui lui évite de se justifier (« César pour quelque temps s’est soustrait à nos yeux/ Déjà par une porte au public moins connue », v. 134-135), en surveillant leurs paroles (« Ces murs mêmes, Seigneur, peuvent avoir des yeux ; / Et jamais l’Empereur n’est absent de ces lieux », v. 713-14), mais aussi leurs gestes puisque Junie, puis Britannicus, sont faits prisonniers (« Fait enlever Junie […] », v. 54 ; « Gardez Britannicus […] », 1080) et Agrippine, placée sous la garde rapprochée des soldats de Néron (« Et qu’au lieu de sa garde on lui donne la mienne », v. 1092). Les personnages de l’anti-chambre sont donc sous l’emprise de la chambre sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir. Leur seule échappatoire est l’extérieur : la foule ou le temple des Vestales, qui offrent leur protection à Junie, qui parvient seule à s’enfuir (« Des portes du palais elle sort éperdue », v. 1747).
1. Roland BARTHES, op. cit.
Le temps
Comme il se doit, l’intrigue se déroule au cours d’une seule journée. La première scène s’ouvre à l’aube (« […] tandis que Néron s’abandonne eu sommeil », v. 1) et la tragédie s’achève à la nuit (« la nuit jointe à la solitude », v. 1779). En effet, Néron souhaite éliminer tous ceux qui lui font obstacle dans la journée (« […] que la fin du jour / Ne le retrouve pas dans Rome ou dans ma cour », v. 369 ; « Avant la fin du jour je ne le craindrai plus », v. 1322). Au cours de l’acte V, les événements se précipitent jusqu’à la mort de Britannicus (« On m’attend, Madame, il faut partir », v. 1561 ; « Prince, que tardez-vous ? Partez en diligence », v. 1563 ; « Hâtez-vous », v. 1570). Les actions se succèdent donc sur un rythme rapide, en crescendo. Cette précipitation, que d’aucuns jugeraient peu vraisemblable, vient mettre un terme à « trois ans de vertu » (v. 462). Cette journée ouvre aussi sur l’avenir : Néron, véritable tyran, devra désormais « courir de crime en crime » (v. 1344). Ainsi, la journée qui est représentée marque l’instant où Néron, « monstre naissant » (Préface) renonce à la vertu et choisit le crime.
Les personnages
Néron, un « monstre naissant »
Racine a voulu peindre en Néron « un monstre naissant » (Préface). La tragédie est en effet le parcours d’un être qui se libère de toutes les influences qui pesaient sur lui pour révéler son véritable caractère, dans toute sa noirceur. Lorsque le rideau se lève, Néron est encore sous l’emprise de diverses puissances, au premier rang desquelles sa mère, Agrippine. Elle apparaît dans 14 scènes sur 34 et cette omniprésence est révélatrice de son ascendant sur son fils. Agrippine justifie sa position par le rôle qu’elle a joué dans l’accession de Néron au pouvoir (« Je me souviens toujours que je vous dois l’Empire », v. 1123). En effet, elle a épousé l’empereur Claude et l’a persuadé d’adopter Domitius, qui devint alors Néron, et de lui laisser l’empire, au détriment de son fils, Britannicus. Agrippine exerce aussi son influence sur son fils par l’intermédiaire des deux gouverneurs qu’elle lui a choisis : Burrhus et Sénèque (« Vous l’ai-je confié pour en faire un ingrat ? », v. 149). Mais dès les premiers vers, Agrippine pressent l’émancipation de son fils (« L’impatient Néron cesse de se contraindre », v. 11). Au fil de la pièce, il se libère de sa mère (« Mais Rome veut un maître, et non une maîtresse », v. 1239) et de ses gouverneurs : Sénèque est absent, les conseils de Burrhus négligés, au profit de ceux de Narcisse, que Néron s’est lui-même choisi. C’est alors que le personnage révèle son vrai visage. Celui qui vient de faire preuve de « trois ans de vertu » (v. 462), se révèle d’une extrême perversité (« Mais je mettrai ma joie à le désespérer. / Je me fais de sa peine une image charmante », v. 750-751), se comporte en tyran (« il suffit qu’on me craigne », v. 1056), ne recule pas devant le meurtre (« Néron l’a vu mourir sans changer de couleur », v. 1710) et présente des signes de folie (« Il marche sans dessein ; ses yeux mal assurés / N’osent lever au ciel leurs regards égarés », v. 1757-58).
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