Abécédaire, Apollinaire
Commentaire d'oeuvre : Abécédaire, Apollinaire. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar julia cuvelier • 18 Mars 2018 • Commentaire d'oeuvre • 2 382 Mots (10 Pages) • 2 582 Vues
Marouani
Alexis
15S
Abécédaire[pic 1]
E
E comme esthétique de la rupture, Apollinaire se sert de cette écriture pour faire ressortir l’énergie moderne de son recueil. La rupture peut se manifester dans la disposition et l’enchaînement des strophes ou sur le plan des vers.
La rupture strophique se caractérise par une succession de strophes sans aucun lien linéaire. Elle est présente régulièrement dans de nombreux poèmes comme Fiançailles ou Un soir dans lequel les deux premières strophes ne présentent aucun lien apparent :
Un aigle descendit de ce ciel blanc d’archanges
Et vous soutenez-moi
Laisserez-vous trembler longtemps toutes ces lampes
Priez priez pour moi
La ville est métallique et c’est la seule étoile
Noyée dans tes yeux bleus
Quand les tramways roulaient jaillissaient des feux pâles
Sur des oiseaux galeux
Une superposition de deux idées totalement différentes apparait clairement ici : on a une première strophe qui nous place dans un cadre religieux avec des scansions bibliques (« priez priez ») mettant en place la scène d’arrestation du Christ ; la deuxième strophe introduit des éléments de modernité, d’urbanisme. Cet effet de rupture est donc net et désacralise le martyre du Christ.
La rupture sur le plan des vers est aussi présente régulièrement dans Alcools comme dans Zone ou encore Le brasier :
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Dans ce poème, la création poétique tourne autour de la mythologie liée au feu donc divine mais cette dernière partie établit une rupture en mettant en avant une puissance humaine. Ainsi le poète se moque de la puissance divine avec les termes « divine mascarade ».
L’esthétique de rupture est donc grandement présente dans le recueil d’Apollinaire mais pas systématique. L’utilisation de formes traditionnelles et liées n’est pas abandonnée.
T
T comme tradition, en effet Apollinaire garde un aspect traditionnel dans nombre de ces poèmes, il est inspiré par le 19e siècle et ses courants littéraires. Cet aspect traditionnel par la poétique, la versification d’Alcools.
SI nous répertorions les poèmes d’Alcools en las classant selon une versification classique ou moderne nous obtenons une majorité de poèmes à versification régulière et dont la plupart sont des alexandrins (Automne, La porte, Merlin, Nuit rhénane, Mai, L’ermite, Clair de Lune, Chantre, Signe, Les femmes). Apollinaire reste donc traditionnelle par la forme de ses poèmes. Il épuise toutes les formes traditionnelles de l’alexandrin avec une structure binaire dans Clair de Lune :
Car voici que tout doux // et leur tombant du ciel
Un rythme ternaire dans Le Larron :
Il était pâle // il était beau // comme un roi ladre
Un rythme 4/8 dans Salomé :
Mon cœur battait // battait très fort à sa parole
Ou encore un rythme 8/4 dans Nuit rhénane :
Mon verre est plein d’un vin trembleur // comme une flamme
Apollinaire est également attaché à la pratique de la rime régulière comme dans Signe :
Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne
Partant j’aime les fruits je déteste les fleurs
Je regrette chacun des baisers que je donne
Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
Ici il respecte totalement les règles traditionnelles avec une alternance de rime féminine/masculine et une conservation de la pureté de la rime c’est-à-dire l’utilisation de rimes non approximatives.
R
R comme renouveau, Apollinaire fait en effet de son recueil un recueil moderne et introduit de nouvelles esthétiques poétiques.
Tout d’abord, un nouvel art poétique se met en place comme dans le Poème lu au mariage d’André Salmon dans lequel le poète rompt avec la tradition avec l’image du meurtre d’Orphée, figure traditionnelle du chant, qui libère une énergie créatrice.
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Cette idée est énoncée en vers libres, Apollinaire s’affranchit ainsi du cadre traditionnel. Les derniers vers donnent une dimension épique au poème, ils donnent un but à atteindre : les poètes doivent adopter une écriture moderne. La liberté dans la versification permet ainsi l’expression d’une personnalité, d’un art.
Apollinaire va ainsi jouer avec la métrique afin de lier fond et forme comme dans Automne malade avec le premier quatrain :
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Ici le poète juge plus utile l’utilisation de vers libres pour traduire son idée de fin des beaux jours. Pour compenser l’irrégularité métrique adoptée, il emploie des jeux de sonorités de manière récurrente.
Ce jeu sur la structure de vers est couplé avec un jeu sur les rimes avec de nombreuses rimes approximatives ce qui fait d’Alcools un recueil moderne.
C
C comme chant, nous le savons Apollinaire écrivait en fredonnant un air de chanson et ce rapport à la musique est présent dans tout Alcools.
Le chant permet au poète de créer des liens différents entre fond et forme, il est présent à travers les jeux rythmiques d’assonances ou d’allitérations par exemple. Cela permet de créer un effet séducteur du poème, de la langue comme dans Voie lactée (le deuxième arrivant dans le recueil) :
Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses
Ici un véritable équilibre des homophonies finales est trouvé, on a également un jeu de rimes internes en « an » ce qui crée un ensemble mélodieux et harmonieux qui souligne la dimension nostalgique du poème. Les sensations dégagées par l’écriture passent à travers ce jeu d’images et de musiques que crée subtilement le poète. Les vers sont ainsi composés pour être écoutées. La beauté et la présence du chant passent parfois par une certaine complexité du poème avec des termes plus difficiles à comprendre comme dans La maison des morts :
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