Une vie de boy - Ferdinand Oyono
Fiche de lecture : Une vie de boy - Ferdinand Oyono. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Alou917 • 30 Avril 2023 • Fiche de lecture • 801 Mots (4 Pages) • 288 Vues
Une vie de boy - Ferdinand Oyono.pdf

C'¿lait le soir. Le soleil avait disparu der- rière les hautes cimes. L'ombre épaissede la lorel envahissait Akoma. Des bandes de tou- cans fendirent l'espace à grands coups d'aile et leurs cris plaintifs moururent peu à peu. La dernière nuit de mes vacances en Guinée es- pagnole descendait furtivement. J'allais bien- tôt quitter cette terre où nous autres &Fran- çais » du Gabon ou du Cameroun venions faire peau neuve quand rien n'allait plus avec nos compatriotes blancs.
C'était l'heure du repas habituel de bâtons de manioc a upoisson. Nous mangions en silence car la bouche qui parle ne mange pas. Le chien de la case, vautré entre mes jambes, suivait d'un regard envieux les morceaux de poisson qui disparaissaient dans la bouche de mon hôte, son maitre. Tout le monde était
8 UNE VIE DE BOY
repu. A la fin du repas, nous rotâmes à tour de rôle tout en nous grattant le ventre avec l'auriculaire (1). La maitresse de maison nous remercia d'un sourire. La veillée s'annonçait gaie et fertile en contes de la forêt. Nous fai- sions semblant d'oublier mon départ. Je me laissais gagner par la joie facile de mes hôtes. Ils ne pensaient plus qu'à se grouper autour
du foyer pour rabâcher les sempiternelles aventures de la tortue et de l'éléphant.
- Nous n'avons plus de clair de lune, dit mon hôte, nous aurions dansé en l'honneur de ton départ...
- Si on faisait un grand feu dans la cour? suggéra sa femme.
- Je n'y ai pas pensé pendant le jour, il n'y a plus de bois...
Sa femme soupira... Tout à coup, les roule- ments sinistres d'un tam-tam nous parvinrent. Bien que ne sachant pas traduire le message du tam-tam de mes congénères espagnols, je compris à l'expression bouleversée des visa- ges que ce tam-tam annonçait quelque mal-
heur.
- Madre de Diosl jura Anton en se
signant.
Sa femme fit disparaître ses prunelles en se
signant à son tour. Je portai machinalement la main à mon front.
Madre de Dios! redit Anton en se tour- .1 Geste de politesse pour manifester qu'on a bien mangé.
UNE VIE DE BOY
9
mant vers moi. Encore l'un de ces pauvres
Françés... On annonce qu'un Françés est au
plus mal et qu'on n'est pas sûr qu'il passera la nuit.
Le sort de cet homme qui ne m'était rien, que je ne connaissais pas, provoquadans mon raprit un véritable désarroi. C'était curieux. Ce message d'agonie qui, au Cameroun, n'eût provoqué en moi qu'un semblant d'émotion -- cette pitié lointaine que l'on ressent à l'agonie des autres - - m'assommait sur cette
lerre
...