Poèmes de l'amour Rimbaud : émancipations créatrices

L'expression du désir : une forme d'émancipation

Emancipation de l'enfance : découverte de l'adolescence et des premiers émois amoureux

1/ Expérience de la sensualité

• Les femmes et la séduction sont très présentes, qu 'elles soient des maitresses (Première soirée) ou des femmes que le poète veut séduire (Les reparties de Nina) ou les deux (Roman). La Maline cherche à le séduire. Dans Première soirée, une jeune femme « fort déshabillée » partage déjà sa chambre.
• La sensualité et l'érotisme des Cahiers de Douai semble d'abord être celle des  adolescents, elle correspond au temps du jeu, de la reconnaissance et aux débuts de la séduction, avec parfois une jeune femme qui maitrise le jeu. Rimbaud fait l'éloge d'une sensualité libre et heureuse.

• Roman, Rêvé pour l'hiver, Les Réparties de Nina et Première soirée évoquent avec légèreté et sincérité une passion délicate, vécue au premier degré, éventuellement teintée d'un érotisme naïf avec une prise de distance ironique et parfois méprisante comme dans Au Cabaret vert et La Maline.

Mais l'initiative amoureuse est souvent fantasmée, rêvée.

II/ Audaces poétiques en vue de s'émanciper de la poésie/par la poésie

• le sujet : poèmes de situation dans lesquels Rimbaud fixe une tranche de vie dans une taverne ou dans la rue  comme dans Au Cabaret vert ou La Maline qui relèvent de la scène de genre populaire. Le poète s'écarte ici d'une tradition élevée de la poésie, qui célèbre volontiers les sentiments nobles et les âmes choisies, en donnant droit de cité à des figures grivoises, triviales ou grotesques que l'on ne dépeignait pas souvent en vers.
• le lexique : dans La Maline « je m'épatais » qui montre une position désinvolte. On note le prosaïsme des éléments du quotidien : « bocks » dans Roman, « jambon » dans Au Cabaret-Vert , prendre « une froid » dans La Maline qui est un patois local, vocabulaire péjoratif dans Au Cabaret-Vert avec « Celle-là »
• le vers : Rimbaud s'affranchit des contraintes du vers régulier, par exemple l'hétérométrie dans Rêvé pour l'hiver avec des hexasyllabes qui alternent avec des alexandrins ; le rythme est disloqué « L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose » (2+10). Les rejets, contre-rejets et enjambements sont nombreux dans tous les poèmes.
• la rime : dans Les Réparties de Nina, la place de la rime est significative puisque lors de la chute du poème, « beau » rime avec « bureau » : l'idéal se voir réduit au quotidien trivial. Certaines rimes sont inattendues dans Rêvé pour l'hiver « égratignée/araignée »
• des interjections : Oh ! dans Première soirée
• des tirets qui rompent le rythme
• la forme : beaucoup plus libre qu'auparavant. Les Réparties de Nina, Première soirée et Rêvé pour l'hiver se présentent comme des dialogues amoureux qui rompent avec la forme classique. Par ailleurs Rimbaud transgresse les règles : traditionnellement les deux quatrains sont grammaticalement indépendants des tercets par exemple dans Au Cabaret-Vert (« Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs/ - Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure !- »)
• Les sensations : synesthésie . Les couleurs, notations visuelles prédominent : Au Cabaret -Vert constitue un tableau où le blanc, le rose et le vert se mêlent au jaune de la bière et du soleil, comme le bleu et rose du wagon puis le noir dans Rêvé pour l'hiver. Les parfums sont également évoqués dans Roman (« Les tilleuls sentent bon »), le goût dans Au Cabaret-Vert (« Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse /D'ail », le toucher dans La Maline (« Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc »), l’ouïe dans Roman avec l'agitation des bars au loin.

L'expression du désir : une forme d'émancipation

...