Motif du pact cher Balzac
Fiche : Motif du pact cher Balzac. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Clara.Burrueco • 26 Mars 2023 • Fiche • 1 843 Mots (8 Pages) • 182 Vues
LE MOTIF DU PACTE CHEZ BALZAC
Notes rédigées à partir de la lecture d’un article d’André Vaconcini publié dans la revue L’Année balzacienne (2002)
Le pacte / la transaction : une des figures qui constituent les « grandes unités » organisatrices de La Comédie humaine. Comment interpréter la récurrence de ce motif dans l’œuvre de Balzac ? Comment l’analyser dans la Peau de chagrin ?
- Le motif du pacte dans quelques œuvres de Balzac :
- Melmoth réconcilié (1835)
Le protagoniste de cette nouvelle, Castanier, souffre d’un déséquilibre majeur entre ses ressources et ses désirs. Le caissier de Nucingen s’est endetté à un tel point pour entretenir la gourmande Aquilina qu’il ne lui reste plus qu’à voler son employeur pour ensuite disparaître. Aussi l’offre de Melmoth, malgré la contrainte qui l’accompagne, apparaît-elle d’abord à Castanier comme la chance de se renflouer et d’effacer les traces de son crime. Ce n’est qu’après avoir conclu le pacte qu’il s’aperçoit de l’énormité de son nouveau pouvoir, puis du désespoir qu’il en ressent.
- La Peau de chagrin (1831)
Raphaël de Valentin, par sa jeunesse, sa noblesse et son idéal intellectuel, semble différer de Castanier ; mais il connaît une forme de déchéance comparable. Comme ce dernier, il accepte de liquider les valeurs de son identité profonde et de se ruiner pour plaire à une femme fatale, en l’occurrence Foedora. Il décide, de même, de quitter la scène parisienne, non par une fuite, mais par le suicide, juste avant qu’un antiquaire du quai Voltaire ne lui propose de lier son destin au principe diabolique de la peau. Raphaël en retire d’abord du plaisir et de l’or, mais, comme Castanier, arrive bientôt à la conclusion qu’il « pouvait tout et ne voulait plus rien ».
- Le Père Goriot (1835)
Que Rastignac partage bien des caractéristiques de Raphaël a été maintes fois souligné par les balzaciens. Comme son compagnon d’infortune dans La Peau de chagrin, il s’apprête, dans Le Père Goriot, à virer par-dessus bord honneur et morale afin d’obtenir l’argent nécessaire à un projet de conquête mondaine. Quand il a reçu un premier secours financier du démoniaque Vautrin moyennant signature d’une traite, le jeune homme éprouve, comme Castanier, « le malaise d’une fièvre intérieure que lui causa l’idée d’un pacte fait avec cet homme dont il avait horreur ». Rastignac refuse finalement de jouer le rôle que lui destine Vautrin dans son plan criminel. Et l’échec de cette transaction diabolique permettra ensuite à l’ambitieux de triompher par ses propres forces dans la jungle parisienne.
- Illusions perdues (1843)
Vautrin, on le sait, trouvera pourtant une victime consentant à son mentorat dans un autre roman. Il s’agit de Lucien de Rubempré qui, à la fin d’Illusions perdues, n’éprouve plus les scrupules du jeune Rastignac, mais fait preuve d’une résolution nihiliste comparable à celle de Raphaël de Valentin. Le tentateur peut jouer cartes sur table face au désespéré, sans même risquer de l’effrayer. Après lui avoir promis or et plaisir, il ne se prive pas d’ajouter, en effet :
« Le jour où ce pacte d’homme à démon, d’enfant à diplomate, ne vous conviendra plus, vous pourrez toujours aller chercher un petit endroit, comme celui dont vous parliez, pour vous noyer : vous serez un peu plus ou un peu moins ce que vous êtes aujourd’hui, malheureux ou déshonoré [...]. »
Lucien, dès qu’il sait pouvoir profiter des écus de l’abbé Herrera (une des identités d’emprunt de Vautrin), signe le pacte, apparemment en toute conscience, puisqu’il en informe ainsi sa sœur : « Au lieu de me tuer, j’ai vendu ma vie. »
Dans son introduction au Père Goriot, Stéphane Vachon décrit ainsi Vautrin : « être satanique dont le rayonnement dérange l’équilibre de l’univers, figure diabolique et luciférienne, tentateur expérimenté, il veut imprimer le cachet de sa pensée sur les événements et sur l’ambitieux auquel il propose un pacte infernal [...] exaltant en lui pour se loger dans son âme, au contraire du Mentor de Télémaque, les calculs, les passions coupables, la spéculation, la trahison, la prostitution »
- L’Auberge rouge (1831)
Dans cette nouvelle, deux jeunes chirurgiens de l’armée française passent la nuit dans une auberge au bord du Rhin. Pendant le repas qu’ils partagent avec un négociant allemand, ils révèlent la modestie de leurs moyens et l’ampleur de leurs ambitions, comme tant d’autres débutants typiques de La Comédie humaine. L’Allemand mentionne imprudemment l’importante somme d’argent que contient sa valise. Il exerce, sans le vouloir, une tentation diabolique sur les jeunes gens, leur offrant la perspective de l’enrichissement immédiat au prix du meurtre. L’un des deux ambitieux passe effectivement à l’acte, s’enfuit avec l’argent et resurgit des années plus tard, comptant parmi les plus riches banquiers parisiens.
Ce Frédéric Taillefer, comme ses homologues signataires de pactes, semble avoir connu une période de vie exubérante. Dans La Peau de chagrin, on le voit présider une orgie financée par ses soins :
« Un rire satanique s’éleva tout à coup lorsque Taillefer, entendant le râle sourd de ses hôtes, essaya de les saluer par une grimace ; son visage sanguinolent fit planer sur cette scène infernale l’image du crime sans remords. »
- Le Chef d’œuvre inconnu (1831)
Frenhofer, ce peintre à l’aspect diabolique, aspire à prendre la place de Dieu en souhaitant non plus représenter la femme idéale, mais en désirant la créer à la façon d’un être vivant. Balzac reprend ici le mythe de Pygmalion. Son rêve sacrilège se maintient tant qu’il en garde la jouissance exclusive. Mais dès qu’il y associe des tiers au prix d’une transaction – la visite par Porbus et Poussin de l’atelier abritant le trésor en échange d’une séance de pose de Gillette, la fiancée de Poussin – son œuvre est promise à la destruction et son âme à la folie.
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