Marivaux, Les fausses confidences
Dissertation : Marivaux, Les fausses confidences. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Fatima Ait ouagram • 7 Mai 2023 • Dissertation • 2 324 Mots (10 Pages) • 432 Vues
Les salons du XVIIème siècle apportent la preuve de l’art de la conversation qui se développe alors dans la société mondaine, avec la pratique d’une politesse raffinée, mais aussi des jeux d’esprit subtil, dont témoigne la Préciosité. Le XVIIIème siècle accentue encore cette tendance, avec de nouveaux lieux, tels les cafés ou les « clubs » où la conversation devient le moyen de juger – et surtout de critiquer le réel, en confrontant son opinion à celle de ses interlocuteurs. Or, Marivaux, par la place qu’il accorde au langage dans ses pièces, est bien un homme de son temps, et c’est ce que recouvre d’ailleurs le mot « marivaudage » : il désigne un langage tout en subtilités qui correspondrait à une analyse approfondie de la psychologie, notamment du sentiment amoureux. Dans leur essai critique, Marivaux : un humanisme expérimental, Henri Coulet et Michel Gilot, vont même plus loin, en qualifiant le langage dans ses pièces d’« agent double », précisant ensuite : « on croit le jouer, mais l’on s’y trahit. » Pour montrer que ces formules peuvent s’appliquer aux Fausses Confidences, nous analyserons, dans un premier temps, les modalités du jeu d’espionnage dans cette comédie, pour expliquer ensuite comment le langage se révèle, finalement, trompeur.
Observation de la structure de l’introduction
-Une première partie est une « amorce » du sujet, introduit de façon progressive : il est souvent commode de se servir des connaissances d’histoire littéraire pour en poser le thème, pour en arriver à l’auteur concerné, ici Marivaux. Les connecteurs permettent de marquer cette progression.
-Est ensuite posé le sujet lui-même, dans ce cas la citation, accompagnée de sa problématique : la consigne donnée.
-L’introduction se termine par l’annonce du plan du sujet : ici deux parties nettement indiquées, qui correspondent aux deux éléments du jugement.
Rappelons la définition de l’« agent double », essentiel dans les services du contre-espionnage : il travaille, en effet, pour deux services de renseignements, pour deux états, à l’insu de l’un d’eux. Cela lui permet non seulement d’informer son employeur initial sur le fonctionnement de l’ennemi, mais aussi de manipuler ce service adverse en lui transmettant de fausses informations. Il lui faut donc faire croire à l’adversaire qu’il a trahi, afin que celui-ci lui fasse confiance, le croit sincère.
Cette définition s’applique parfaitement au rôle de Dubois dans Les Fausses Confidences. Il était en effet, comme l’explique l’exposition à la scène 2, au service de Dorante, qui a dû se séparer de lui car sa « ruine » ne lui permettait plus de le rémunérer. Il est alors entré au service d’Araminte, une riche veuve. Mais il affirme avec force sa fidélité à son premier maître : « je suis content de vous ; vous m’avez toujours plu. » C’est ce qui explique qu’il décide de l’aider à amener à conquérir l’amour d’Araminte, dont Dorante est éperdument amoureux et, pour atteindre ce but, il va s’employer, grâce à la confiance que lui accorde sa maîtresse, à lui faire savoir à quel point Dorante est amoureux d’elle. Mais, pour mieux la manipuler, il ne se prive pas de lui transmettre de fausses informations, soit directement comme quand il provoque sa jalousie en évoquant la femme « brune, très piquante » qui poursuit Dorante de ses assiduités, soit indirectement, en utilisant Marton ou Arlequin pour lui faire de faux rapports. Ainsi, Dubois a toutes les qualités – et les défauts – de l’ »agent double ».
Mais toute l’habileté de l’intrigue des Fausses Confidences vient de ce que d’autres personnages, à leur tour, se transforment, au fil des scènes, en « agents doubles ». Marton, par exemple, qui soutient au début Dorante face à sa maîtresse, dans l’espoir que se fera le mariage décidé par monsieur Remy, est celle qui le trahit dans l’acte III en apportant à Araminte la lettre écrite par Dorante. Dorante lui-même, qui fait preuve de sa parfaite honnêteté dans son métier d’intendant, en affirmant à Araminte que le procès qu’elle a avec le Comte est sans risques, donc ne l’oblige pas au mariage, s’associe bien volontiers aux manœuvres de Dubois, telle la lettre, bien loin d’être honnêtes. Quant à Araminte, quand elle dicte à Dorante une lettre destinée au Comte, n’est-elle pas alors, en prétendant accepter d’épouser le Comte, dans ce même rôle d’ « agent double » ? Elle ne transmet cette fausse nouvelle, en fait, que pour pousser son intendant à lui avouer son amour. En fait, autant de mensonges pour ponctuer l’intrigue, autant d’agents doubles !
Tout le travail de l’agent double repose donc sur la confiance qu’il réussit à inspirer, ce qui exige de sa part une parfaite maîtrise du langage. Ainsi, comment Dorante pourrait-il douter de lui, quand il fait preuve de tant d’assurance pour le convaincre que sa réussite est certaine : « je vous conduis, et on vous aimera » ? Son ancien maître s’en remet donc à lui, suivant aveuglément ses conseils, tel celui sur Marton : « tâchez que Marton prenne un peu de goût pour vous. » Quand Dubois vint lui rendre compte de ses échanges avec Araminte, il n’émet d’ailleurs aucun doute, et reste certain que l’habileté de son ancien valet triomphera. Et, quand il lui reproche, au début de l’acte III, de ne pas l’avoir averti du piège que lui tendait Araminte, Dubois le convainc rapidement que son silence le servait. De même, quand Araminte adresse de violents reproches à Dubois, dont la querelle avec Arlequin l’a obligée, devant sa mère et le Comte, à s’engager à renvoyer son intendant qui contemple « de tout son cœur » son portrait, par respect des convenances sociales, celui-ci réussit, en reprenant ses « fausses confidences » sur l’amour que lui voue Dorante, désespéré de son éventuel renvoi, à la persuader de son « zèle » et de sa totale sincérité. L’apogée de cette force prêtée au langage par Marivaux est lors du dénouement, quand Dorante avoue à Araminte qu’« il n’y a rien de vrai » dans « tout ce qui s’est passé » et rejette la faute sur Dubois : il « m’a pour ainsi dire forcé de consentir à son stratagème ». Ne remettant pas en doute sa « passion […] infinie », elle confirme la confiance qu’elle accorde à celui qui, cependant, s’est employé à jouer l’« agent double ». La notion de « confidence » n’implique-t-elle pas celle de confiance ?
L’expression imagée choisie par Coulet et Gilot pour caractériser le langage de Marivaux correspond
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