Le roman - Manon Lescaut de l’abbé Prévost (1731)
Commentaire de texte : Le roman - Manon Lescaut de l’abbé Prévost (1731). Recherche parmi 301 000+ dissertationsPar chrisdec • 11 Mars 2025 • Commentaire de texte • 1 837 Mots (8 Pages) • 19 Vues
Objet d’étude : Le roman - Manon Lescaut de l’abbé Prévost (1731)
Parcours de lecture : Personnages en marge et plaisirs du romanesque.
Explication linéaire 5
Marivaux, La vie de Marianne, 1731.
Introduction : La Vie de Marianne ou les aventures de Madame la comtesse de *** est un roman de Marivaux resté inachevé . Il se compose de onze parties écrites par l’auteur à partir de 1728, et dont la publication s’échelonne de 1731 jusqu’en 1742. Le personnage éponyme en est le narrateur : Marianne raconte son parcours à une amie. Elle est orpheline, suite au meurtre de sa mère par des voleurs lors d’un voyage. Elle est élevée par un curé de village et sa sœur, de condition très modeste. A leur mort elle est placée à Paris. Le lecteur sait qu’elle parvient à la fortune – mais l’inachèvement du roman empêche de connaître les circonstances précises de son ascension. Marianne se caractérise cependant par une vertu sans faille dans tous ses actes. Ce passage, qui se situe à la fin de la première partie, évoque toutefois sa coquetterie, lorsqu’elle reçoit d’un bienfaiteur en réalité amoureux d’elle, M. de Climal, un nouvel habit.
Nous verrons comment se dessine le portrait de la coquette : à travers l’évocation des artifices de la séduction, c’est aussi tout le plaisir du récit qui se déploie.
1er mouvement : la coquette en actes.
Marianne relate ici son empressement à se préparer, se « coiffer et [s]’habiller », ce que montre l’adverbe « vite » au début de l’extrait, dans le seul but de « jouir de [sa] parure ». D’emblée la jouissance, le plaisir à s’admirer trahit le penchant de Marianne à la coquetterie, qui s’accompagne d’un certain narcissisme. Les marques de la première personne affluent ainsi : le « je » est à la fois sujet et objet des actions. La célérité de Marianne semble contaminer le récit : les propositions sont brèves, juxtaposées, créant une impression de rapidité. La coquette aime à se parer et à se contempler, devant le « petit miroir ingrat » qu’elle détient (rappelons que le miroir, au XVIIIe, n’est pas aussi courant qu’aujourd’hui, surtout dans les demeures modestes : Marianne est alors en pension chez une commerçante). La mention des « palpitations », du tremblement des mains (« la main m’en tremblait ») traduit la force de son impatience, qui s’exprime physiquement – et donc l’importance que revêt à ses yeux son image embellie. L’adverbe exclamatif d’intensité « combien » trahit également le degré de satisfaction espéré du personnage dans la quête de sa beauté. L’antithèse « je me hâtais d’achever sans rien précipiter » exprime avec un certain humour la fébrilité de la coquette, attentive au moindre détail, ce que montre l’emploi de l’adjectif indéfini (« chaque épingle ») et cette précision « je ne voulais rien laisser d’imparfait ». L’ambition de la coquette est en effet d’atteindre une forme de « perfection » : l’adjectif à la forme négative est ensuite repris, de façon significative par le nom. La présence de la narratrice montre ici la distance entre la jeune fille qui s’apprête et la femme qui a dépassé cet âge de la séduction. Lorsqu’elle précise que « la perfection » qu’elle visait « était bien bornée », elle se moque avec tendresse de l’inexpérience, du champ limité de sa connaissance d’alors – mais c’est précisément cette limite qui lui permet d’être satisfaite d’elle-même « je commençais avec des dispositions admirables, et c’était tout. » Cette ponctuation forte, sur le ton du constat, n’appelle aucune contestation et clôt ce premier mouvement. L’adjectif « admirable » est éloquent : il désigne, avec un sens fort, ce qui est digne d’être admiré, soulignant l’importance du sens visuel, de la représentation.
2e mouvement : une réflexion plus générale. La séduction élevée comme art.
Le deuxième mouvement élargit la perspective, s’appuyant précisément sur l’expérience ultérieure de la comtesse : « quand j’ai connu le monde, j’y faisais bien d’autres façons », prenant à témoin son interlocutrice, par l’adverbe de discours « vraiment », ce qui rend le récit plus vivant. Mais loin de déprécier la coquetterie, elle l’érige au rang de « science ». L’exclamation dont elle use marque sa conviction. La comparaison avec les hommes, qui met sur un même plan l’art de la séduction et les disciplines sérieuses de la « science et la philosophie » se fait étonnamment au profit de la première. Le ton est humoristique mais cette ironie s’exerce bien au détriment des hommes et de leurs occupations : lorsqu’elle s’exclame « voilà quelque chose de beau » elle manie habilement l’antiphrase et dévalue nettement ces sciences, considérées comme moins décisives que « la science de bien placer un ruban, ou de décider de [sa couleur] ». Elle se livre ensuite à l’éloge de la coquette afin de justifier ses dires : selon elle, ses actes apparemment frivoles ou futiles révèlent une pénétration, une vivacité d’esprit et une intelligence hors pair des femmes. L’emploi d’une même construction (« Si on savait… » « Si on voyait… », « Si on savait… » proposition subordonnée conjonctive circonstancielle d’hypothèse) permet d’insister sur cet art, de lui donner plus de profondeur ; mais aussi de jouer avec le destinataire, de créer un suspens. La narratrice prend un malin et manifeste plaisir ici à retarder la principale, immisçant des propositions juxtaposées pour suivre toutes les subtilités de la coquetterie, ses atermoiements, les revirements révélateurs de la « finesse », de la sophistication de cet art : « et puis ce qu’elle rebute, et puis ce qu’elle hésite à choisir, et qu’elle choisit enfin par pure lassitude ». La reprise de la conjonction de coordination « et puis »/« et » suivie de la proposition subordonnée relative introduite par « ce que » met en évidence ce jeu avec la patience de son destinataire ( qui est aussi celui de la coquette !). Cet art se caractérise en effet par une certaine endurance, car la coquetterie nécessite un temps de réflexion considérable ; mais aussi par cette aptitude à accepter une certaine frustration qui la renforce, lorsqu’elle assume l’écart entre l’idéal et la réalité « car souvent elle n’est pas contente, et son idée va toujours plus loin que son exécution ». Le noyau de la phrase est constitué de trois propositions juxtaposées puis coordonnées : « cela ferait peur, cela humilierait les plus forts esprits, et Aristote ne paraîtrait plus qu’un petit garçon ». L’intelligence de la coquetterie est considérée ici comme vertigineuse, et Marianne n’hésite pas à recourir à l’hyperbole, dans une chute comique qui déprécie un des grands noms de la philosophie. La « peur » et « l’humiliation » dont il est question concernent évidemment les hommes généralement considérés comme « les plus forts esprits » dans la société de l’époque où les femmes vivaient sous le joug de leur père puis de leur mari, n’ayant généralement pas d’existence autonome. Marianne inverse ici la donne en mettant la coquetterie et tout ce qu’elle suppose de compétences et de connaissances au-dessus des sciences considérées comme nobles – apanage des hommes. Elle dénonce de manière implicite, ce faisant, le peu de place laissée aux femmes : la séduction était de fait, bien souvent, un moyen pour ces dernières d’exister socialement (cf. O de Gouges). Mais loin d’en faire un défaut, ou un simple expédient peu noble ou peu vertueux, la narratrice l’exalte comme le signe distinctif d’esprits supérieurs.
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