La passion amoureuse dans Manon Lescaut

DISSERTATION MANON LESCAUT

INTRODUCTION :         Entre 1715 et 1723, la société française connait une époque connue sous le nom de la régence, marquée par le libertinage des mœurs, la débauche et la découverte des plaisirs. Ainsi, au cours du XVIIIe siècle, le genre romanesque connaît un succès croissant, mais reste souvent décrié pour ses invraisemblances, voire son immoralité. La censure s'abat sur les œuvres jugées déviantes, leur assurant parfois un certain succès, lié au scandale. C'est dans cette perspective qu'Abbé Prévost écrit son roman Manon Lescaut, dont le titre original est Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, septième tome des Aventures et Mémoires d'un homme de qualité qui s'est retiré du monde. Publié en 1731, Manon Lescaut est un roman éponyme, majeur du XVIIIe siècle qui s'inscrit dans le mouvement des Lumières. L'abbé Prévost dépeint dans son ouvrage un « exemple terrible de la force des passions » avec le personnage de des Grieux, un jeune homme de bonne famille, soumis à l'amour irrésistible de Manon, une belle jeune femme, et qui est peu à peu entraîné vers la déchéance.

1. LA PASSION AMOUREUSE EST AU CŒUR DU RECIT

1. Des Grieux est aveuglé par la passion :

Tout au long de son récit, Des Grieux met l'accent sur le « charme » irrésistible qu’exerce Manon à chaque instant, peignant un amour fou, une passion qui balaie tout sur son passage. Dès leur première rencontre, Des Grieux est submergé par des sentiments dont l’intensité, même, le surprend, il se « trouv[a] enflammé tout d'un coup jusqu'au transport ». À partir de ce moment-là, et même dans des moments d’animosité ou d’amertume, Manon lui est indispensable. Après six mois de prison domestique, il sentait que son « cœur attendait encore quelque chose et que, pour n’avoir rien à désirer de la plus charmante solitude, il y fallait être avec Manon. » De retour de Louisiane, le souvenir indéfectible de « l'idole de [son] cœur » reste gravé en lui. Manon devient l'essence même de son existence, comme le montre la comparaison des deux perceptions du convoi de Pacy : Renoncour y voit douze filles « enchaînées six par six par le milieu du corps », tandis que Des Grieux ne voit qu'elle : « Figurez-vous ma pauvre maîtresse enchaînée par le milieu du corps. » À la fin du roman, cette passion pousse Manon à sacrifier tout ce qui a marqué son existence, son attrait pour le plaisir et une vie facile : elle remet entièrement son destin entre les mains de Des Grieux, préférant mourir dans le désert américain plutôt que de vivre sans lui.

1. Cette passion est la source des malheurs du couple et, narrativement, des péripéties du récit.

L’intensité de la passion lui confère une dimension tragique qui conduit les personnages à leur propre déchéance. Manon Lescaut est la trace d’une passion considérée dans ses conséquences funestes, l’amour a une dimension fatale et inéluctable, et Des Grieux s’interroge : « par quelle fatalité […] [est-il] devenu si criminel ? », « C’est l’amour, vous le savez, qui a causé toutes mes fautes. Fatale passion ! » La passion est donc la raison et la justification des actes méprisable commis dans le temps de l’aventure, qui marginalisent les personnages. Poussé par l'amour, Des Grieux abandonne les principes vertueux qui avaient jusqu'alors guidé sa vie. Il tourne le dos à sa famille et à ses amis, se familiarise avec la tricherie aux cartes pour escroquer les joueurs et extorquer des sommes importantes. Il contracte des dettes et adopte une hypocrisie, allant même jusqu'à duper des hommes d'Église. Mais, en acceptant de se faire passer pour le frère de Manon, il tombe dans l’escroquerie et un proxénétisme qui ne dit pas son nom. Emprisonné à Saint-Lazare, il s’évade en tuant le serviteur qui veut protéger le prieur du lieu. Pourtant, aucun de ces actes n’est suivi de remords, puisqu’ « il s’agit de l’entretien de Manon, il s’agit de son amour et de sa fidélité. » Mais Des Grieux fait parfois preuve d’une complaisance à satisfaire les désirs de Manon, ou à entrer dans ses manipulations, qui pourrait simplement le faire passer, comme le dit Montesquieu, pour « un fripon ». 

1. LA MARGINALITE / L’IMMORALITE DES HEROS

1. Une galerie de personnages en marge

Les profils et les actions de certains personnages du roman leur confèrent une dimension romanesque par leur décalage avec la société et la morale.

Manon Lescaut, présentée comme une jeune fille pauvre et séduisante et « de naissance commune », est envoyée au couvent par ses parents « pour arrêter, sans doute, son penchant au plaisir ». Elle est ainsi décrite comme faisant honte à sa famille, envoyée afin de la discipliner. Malgré son très jeune âge, elle semble « plus expérimentée » que Des Grieux dans le domaine de l’amour et de la séduction.

Elle se révèle progressivement comme un être amoral, prête à se vendre au plus offrant pour s'assurer une vie confortable. Avide des divertissements que la société lui offre, elle détourne son amant d'un « système de vie paisible et solitaire ». Son comportement fait, ainsi, écho à celui de la prostituée Nana, héroïne éponyme du roman d'Émile Zola (1880), qui exploite son amant, le comte Muffat, et le mène à sa déchéance. Aidée par son frère, Lescaut, elle le pousse à trouver des moyens douteux pour assurer son train de vie.

Des Grieux se métamorphose dès le premier regard échangé avec Manon : il renonce à sa vie studieuse et abandonne la carrière ecclésiastique dont il se destinait. Conscient des faiblesses de Manon, « il ne fallait pas compter sur elle dans la misère », mais prêt à tout pour elle, le jeune homme tombe dans le « précipice des passions », il s'affranchit progressivement des règles sociales et morales, jusqu'à commettre le meurtre d'un gardien pour s'échapper de la prison.

Lescaut, le frère de Manon, est un voyou qui évolue dans le monde du jeu et de la triche. « Homme brutal et sans principes d’honneur », il envisage de gagner de l'argent en vendant les charmes de sa sœur à des hommes riches et respectés.

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