La Princesse de Clèves et la notion de tragédie
Dissertation : La Princesse de Clèves et la notion de tragédie. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar LNURB • 4 Mars 2024 • Dissertation • 1 597 Mots (7 Pages) • 126 Vues
Sujet : « La tragédie est la représentation d'une action noble [...] mise en œuvre par les personnages du drame [...] En suscitant la pitié et la frayeur, elle réalise une purification de ce genre d'émotions. »
Dans quelle mesure le roman de Mme de Lafayette se rapproche-t-il de la définition qu’Aristote donne de la tragédie dans sa Poétique ?
Introduction :
Comme mouvement littéraire, le classicisme a remis au goût du jour les règles formulées par les Anciens pour définir et caractériser chaque genre. Le roman échappa à cette normalisation parce que considéré comme un genre mineur, plus propre à divertir l’esprit qu’à l’élever ou à l’instruire. Il faisait partie également des divertissements auxquels se livraient les Précieuses, sous l’impulsion de Mlle de Scudéry. Aussi, lorsqu’elle fit paraître La princesse de Clèves, en 1678, Mme de La Fayette n’osa avouer qu’elle avait commis l’ouvrage. Ce roman raconte l’histoire tragique d’une princesse, épouse modèle qui résista héroïquement à une passion adultère et, par excès de vertu, causa la mort de l’époux qui l’aimait passionnément. N’est-ce pas là le matériau d’un autre genre, la tragédie ? Que l’on se réfère à la définition d’Aristote dans sa Poétique : « la tragédie est la représentation d’une action noble, mise en œuvre par les personnages du drame. En suscitant la pitié et la frayeur, elle réalise une purification de ce genre d’émotions. » Faut-il alors voir dans ce roman une sorte de tragédie en prose ?
S’il est vrai que La princesse de Clèves correspond en bien des points à la tragédie selon la définition du philosophe grec, ce roman reste avant tout une forme singulière et originale du genre ; ne devrait-on pas alors y chercher davantage les marques de son époque et de la tragédie classique ?
- Le roman de Mme de La Fayette présente bien des caractéristiques communes avec la tragédie, telle que la définit Aristote.
1/ Une action noble conduite par un personnage, modèle de perfection et de vertu. Mme de L souligne dès le début du roman son rayonnement et sa perfection physique et morale.
Tout le roman insiste sur la perfection morale de l’héroïne : innocente et obéissante à sa mère, quand elle épouse le Prince de Clèves ; modèle de vertu quand, ayant découvert sa passion pour le duc, elle fait tout pour le fuir ; modèle de loyauté quand elle dit la vérité à son époux, puis quand elle persiste à lui rester fidèle après sa mort.
Ce personnage a une influence bénéfique sur les autres : elle change le « vert-galant » duc de Nemours en amant respectueux et dévoué, et lui fait délaisser l’ambition qui lui aurait permis de devenir prince d’Angleterre.
2/ Le lecteur ressent comme dans la tragédie pitié et frayeur : pitié pour la princesse mal mariée et compassion pour ses efforts désespérés contre la passion, pitié pour ses amants malheureux, à commencer par son époux, puis le chevalier de Guise et enfin le duc de Nemours. (destin tragique des 2 premiers). Grâce aux rebondissements de l’intrigue liés à la Cour et à ses obligations, le lecteur ressent en permanence une forme de crainte et de doute : Nemours va-t-il se déclarer ? La princesse va-t-elle se trahir devant tout le monde, elle qui ne sait pas dissimuler ? Comme M de Clèves va-t-il réagir ? Le duc va-t-il oser frapper à la fenêtre de la princesse qu’il trouve en pleine contemplation de son propre portrait ? En fait, l’héroïne est constamment en danger de perdre sa réputation et de provoquer un scandale à la Cour.
3/ Le roman montre à quel point les passions sont funestes. Exemple : les tourments de la jalousie lorsque la princesse croit que le duc a une autre maîtresse. Le prince de Clèves est malheureux dès le début de son mariage parce que sa femme n’a pas d’amour pour lui ; il interprète le récit de son espion comme une preuve de l’infidélité de sa femme, et en meurt de chagrin. Après sa mort, la princesse, elle aussi, tombe malade d’avoir refusé l’amour du duc par crainte de revivre les tourments de la jalousie. Tout vise à montrer au lecteur à quel point l’amour est dangereux et funeste. Il conduit l’héroïne à la mort. Le roman a, comme la tragédie, valeur de mise en garde contre les conséquences terribles des passions dans l’âme humaine.
- Mais il est d’abord un exemple original du genre romanesque.
1/ Contrairement à la tragédie qui , surtout à l’époque classique, privilégie l’unité de l’intrigue, le roman inclut dans son intrigue principale, plusieurs autres histoires qui l’éclairent : par exemple, l’histoire de Diane de Poitiers racontée par Mme de Chartres à sa fille, pour lui expliquer les relations complexes qui naissent de l’amour et du pouvoir. L’histoire de Sancerre et Mme de Tournon, racontée par le prince de Clèves, va déterminer la princesse à choisir la loyauté plutôt que la dissimulation. L’œuvre se rapproche en cela du roman à tiroirs, à ceci près que les tiroirs ne sont pas des digressions, mais des épisodes à part entière de l’histoire.
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