Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce
Commentaire de texte : Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Sokeefe • 23 Mars 2024 • Commentaire de texte • 2 453 Mots (10 Pages) • 147 Vues
Analyse linéaire : Juste la fin du monde
INTRODUCTION :
Juste la fin du monde est une pièce de théâtre écrite par Jean Luc Lagarce à Berlin, en 1990, alors qu’il se savait atteint du sida. La pièce est dominée par les thèmes de la mort et de la difficulté de communication entre les membres de la famille. De plus, face à la mort inéluctable, le personnage cherche à rassembler des éléments de la vie et à donner de la cohésion à son existence. Cette pièce a même été adaptée au cinéma par le réalisateur Xavier Dolan. Pour résumer la pièce, Louis rend visite à sa famille qu’il n’a pas vu depuis 12 ans. Il retrouve sa mère, sa sœur Suzanne, son frère Antoine et sa belle-sœur Catherine. Il a l’intention de leur annoncer sa maladie et que sa mort prochaine est inéluctable, mais son arrivée fait resurgir souvenirs et tensions familiales. Chacun exprime divers reproches sur sa personnalité et Louis repart sans avoir pu faire l’annonce de sa mort.
A/ L’auteur et le contexte littéraire
Repères biographiques :
- il étudie d’abord la philosophie
- en 1977, il fonde le théâtre de la Roulotte
- il met en scène des pièces contemporaines déjà connue, puis ses propres créations
Œuvres clés :
- Derniers Remords avant l’oubli ( 1987 )
- Juste la fin du monde ( 1990 )
- Le pays lointain ( 1995 )
Contexte littéraire :
- Dans les années 1970, le théâtre se renouvelle profondément, dans le sillage du théâtre de l’absurde de l’après-guerre
- La tendance est à l’hybridation des formes : l’écriture théâtrale se poétise et/ou exprime une réflexion philosophique sur le sens de l’existence
B/ La composition de la pièce et le résumé
1. La composition
- La pièce s’ouvre par un prologue et se termine par un épilogue, encadrant deux parties. La première partie et la seconde partie sont elles-mêmes séparées par un intermède, qui comporte 9 scènes très brèves
2. Le résumé
- Ténue, l’intrigue se résume au retour de Louis auprès des siens après des années d’absence : celui-ci essaye d’annoncer sa mort prochaine – sans jamais y parvenir
- Chacun des membres de la famille s’exprime tour à tour dans des interventions qui tournent au monologue, voire au soliloque. La tension atteint son paroxysme au cours du face-à-face final entre Louis et son frère cadet Antoine
- L’écriture en versets, quasiment poétique, accentue la fragmentation du langage et souligne l’indicibilité des sentiments. En écho au prologue, l’épilogue clôt la pièce ; comme surgie d’outre-tombe, la voix de Louis regrette son éternel mutisme
C/ Le parcours : « Crise personnelle, crise familiale »
1. Soi-même face aux autres
- les dramaturges se servent des histoires de famille pour interroger la complexité des rapports humains. Juste la fin du monde exhibe la solitude de personnages en décalage avec leur famille. Dans le théâtre antique déjà, c’est contre son oncle Créon qu’Antigone se dresse au nom de ses valeurs.
- La famille enferme l’individu dans un rôle dont il est difficile de s’affranchir ; Louis est un avatar dégradé du « fils prodigue » de la Bible : il croit à tort pouvoir renouer avec les siens et se faire pardonner son absence
- chacun reste largement insondable pour les autres comme pour lui-même. Louis repart sans avoir pu confier sa mort imminente.
2. Une communication difficile
- « Rien ne se dit facilement », déclare Antoine. Chacun peine à trouver les mots justes et scrute les failles de sa parole. Dans Assoiffés de Mouawad (2007) Murdoch, un adolescent tourmente, se heurte au silence de parents incapables de lui accorder de l’attention
- D’obscurs monologues témoignent des confusions de l’histoire familiale : Louis subit les reproches de sa sœur et l’ironie de son frère.
- Les mots se heurtent à l’hostilité de qui les recueille : Antoine pense que Louis l’inonde d’« histoires »
PROLOGUE
LOUIS – Plus tard, l’année d’après
– j’allais mourir à mon tour –
j’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai,
l’année d’après,
de nombreux mois déjà que j’attendais à ne rien faire, à tricher, à ne plus savoir,
de nombreux mois que j’attendais d’en avoir fini,
l’année d’après,
comme on ose bouger parfois,
à peine,
devant un danger extrême, imperceptiblement, sans vouloir faire de bruit ou commettre un geste
trop violent qui réveillerait l’ennemi et vous détruirait aussitôt,
l’année d’après,
malgré tout,
la peur,
prenant ce risque et sans espoir jamais de survivre,
malgré tout,
l’année d’après,
– je décidais de retourner les voir, revenir sur mes pas, aller sur mes traces et faire le voyage, pour annoncer, lentement, avec soin, avec soin et précision
– ce que je crois –
lentement, calmement, d’une manière posée
– et n’ai-je pas toujours été pour les autres et eux, tout précisément, n’ai-je pas toujours été un homme posé ?
Pour annoncer,
dire,
seulement dire,
ma mort prochaine et irrémédiable,
l’annoncer moi-même, en être l’unique messager,
et paraître,
– peut-être ce que j’ai toujours voulu, voulu et décidé, en toutes circonstances et depuis le plus loin que j’ose me souvenir –
et paraître pouvoir là encore décider,
me donner et donner aux autres, et à eux, tout précisément, toi, vous, elle, ceux-là encore que je ne connais pas ( trop tard et tant pis ),
...