Au cabaret vert, Rimbaud

Texte 11 :

Arthur Rimbaud, âgé de seize ans, s'enfuit de Charleville, et c'est lors de sa seconde fugue en Octobre 1870 qu'il a dû écrire l'expérience qu'il relate dans le sonnet «Au Cabaret-Vert». On sait qu'il existait bien, alors, une auberge située à l'entrée de Charleroi (en Belgique) qui se nommait «À la maison verte» et dont les meubles étaient peints en vert, ce poème est fondé sur une inspiration autobiographique le poète a d'ailleurs noté sous le titre, l'heure à laquelle il a vécu cette scène «cinq heures du soir», il s'agit presque d'un journal de voyage. Rimbaud évoque une halte heureuse dans cette auberge et les sensations agréables qu'il y a vécues. «Au Cabaret- Vert» est un sonnet en alexandrin, mais il n'est pas tout à fait régulier, car on y trouve plus de rimes que dans un sonnet classique, de plus les rimes des quatrains, au lieu d'être plates, sont croisées, on voit donc que Rimbaud prend des libertés formelles avec le modèle du sonnet.

On verra comment le poète prend ses distances avec la tradition pour exprimer de manière très personnelle un moment de joie à travers ce poème.

On peut distinguer trois mouvements dans ce texte :

-1er mouvement : vers 1-4 : L'arrivée à l'auberge

-2ème mouvement : vers 5-7 : Un moment de détente

-3eme mouvement : 8-14 : L'apparition de la servante et du repas.

On peut voir dans ce poème de jeunesse un écho inverse à «Vénus anadyomène», ici Rimbaud ne se fonde sur aucune référence mythologique mais sur son seul vécu, et il s'agit aussi d'une apparition, mais si la Venus était vieille et laide, la jeune servante est jeune et fraîche, on la voit de face, il émane d'elle une puissance érotique et un charme par la métonymie de ses seins et de son sourire, quand la Venus suscitait la répulsion. Ce poème semble être un art poétique par l'affirmation d'un genre personnel qui se fonde sur le vécu, l'expérience, se détache des contraintes du sonnet classique tant par le choix des rimes que par le vers, les différents enjambements témoignent de cette recherche de liberté qui achemine le poème vers la prose, c'est aussi une philosophie de vie qui est énoncée dans ce poème : il faut savoir jouir de l'instant présent, et les sensations synesthésiques de ce poème permettent de revivre cet instant à chaque lecture.

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