La « Ballade [ de Villon à son amie]»

 Analyse linéaire de la « Ballade [de Villon à son

amie] », p. 150 sqq.)

La « Ballade [ de Villon à son amie]» est insérée par le dit testamentaire introduit par le huitain XCIII. Ce huitain semble dévoiler les intentions du poète sur l’écriture de la ballade. Ce dit a pour but de prédire ce qui va suivre, il s’agit d’une mise en bouche avant le plat principal. Le poète semble donner la parole à une personne extérieur afin de délivrer son message.  Le poète est indifférent à la demoiselle, et il veut mettre une distance entre elle et lui en n’étant pas celui qui lui livrera la ballade. Cependant il s’adresse clairement à la belle ce qui pousse à penser qu’il souhaite qu’elle le lise et prenne conscience de ce qu’il pense d’elle. Cette femme qui semble être une prostituée « Triste putain». Malgré un autre échec accumulé Villon porte toutefois une once d’espoir. Il n’est pas encore désespéré. Le dit reprend au huitain XCIV. Villon souhaite mettre en musique son poème, ainsi il y a un retour à la tradition de la ballade qui est originellement accompagnée de musique.

La ballade du temps de Villon reprend les caractéristiques du dit à quelques détails près. La ballade est composée de trois strophes qui ont toutes le même type de vers : l’octosyllabe et le décasyllabe. À la fin de ces trois strophes s’accompagne un envoi qui peut se définir comme étant l’adresse un autre destinataire. La ballade comporte toujours un refrain d’un ou deux vers répétés en fin de chaque strophe. La présence d’un refrain est souvent sur ce quoi l’idée du poète gravite, il s’agit d’un rappel constant de la pensée de l’auteur. Nous pouvons lui attribuer d’autres fonctions comme, le fait qu’il marque parfois une distance. C’est une poésie qui à l’origine s’accompagnait d’une danse. Il y a donc un rapport à la poésie mélique qui est un genre poétique lyrique grecque chantant, ce lien est renforcé par la présence du refrain qui offre une répétition rythmée à chaque fin de strophe. Cependant, il faut noter que la ballade de Villon n’a pas pour but de chanter ou de danser, en effet la ballade chez Villon permet d’introduire des poèmes mettant en avant les talents de l’écrivain. C’est une règle du «je», la ballade de Villon est un défis sur l’écriture de soi. Il y a, comme vu précédemment, une origine musicale et festive de cette poésie, c’est une poésie qui réclame la créativité et de l’inventivité formelle. La ballade met le testament en pause, cela crée une rupture et une discontinuité dans l’œuvre. C’est un moyen de faire le bilan sur l’œuvre, et d’examiner les talents du poète.

La ballade que nous allons analyser s’intitule « Ballade [de Villon à son amie]». Cette ballade qui s’accompagne d’un «je» ambiguë qui penche entre la réalité et la fiction. Ici, Villon incarne cet amant martyre à qui l’amour ne réussit pas. Prit d’une tristesse poignante, cette ballade se caractérise par ses acrostiches qui laissent apparaître le prénom de Villon et de Marthe grâce, à la première lettre de chaque vers de la première et deuxième strophe. Nous noterons également cette ballade en R qui fût annoncé par le dit précédent la ballade « qui se termine tout en r ». Ces caractéristiques suivantes nous amènent à nous demander de quelles manières Villon renforce le pathétique au travers de la ballade. Qui est cette femme ? L’aime-t-il vraiment ? Comment prouve-t-il son amour ? Toutes ces interrogations appuieront notre analyse.

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Nous commencerons par l’analyse du titre, « Ballade [de Villon à son amie]». Villon souligne le changement de genre, passage du dit à la ballade. Nous noterons cependant une continuité dans les propos du dit précédent et la ballade. Les crochets sont introduis par Clément Marot, il s’agit d’une précision sur la communication poétique, le destinataire ou l’expéditeur. Il peut être également question d’une précision thématique. La lecture est focalisée sur un thème, cela attire l’attention. Dans ce cas, c’est une précision sur le destinataire de cette ballade, il s’agit d’une femme. Villon en fait l’élément central et il dédie cette Ballade à sa bienaimée qu’il semblait pourtant mépriser dans le huitain précédant la ballade. « à son amie », renvoie donc à la «demoiselle au nez tordu».  Le terme « amie », ne désigne pas le mot commun du français moderne, ici, il s’agit du terme utilisé en chevalerie, la "douce amie" d'un chevalier pour désigner la dame qu'il aime. Le statut de chevalier est ironique dans cette situation, en effet au temps de Villon être chevalier signifiait être noble et respecté. Les chevaliers tombés au combat étaient enterrés noblement. Or la situation de Villon quant à sa mort et sa position est à l’antipode des chevaliers. En effet nous savons qu’il a eu une mort pitoyable.

La composition du poème se fait identique au dit, huitain tissé par la reprise d’une des rimes (second et quatrième vers ), rimes croisées. Composé de décasyllabes, Les vers quatre et cinq sont un couple de rimes suivies et plates, elles fonctionnent avec les vers qui précèdent pour former un quatrain à l’intérieur du huitain. L’envoi qui est le dernier vers, est destiné au prince, voûte poétique qui vient condenser deux rimes dominantes. La rime en [ir] et [eur]. L’envoie est une formalité, c’est une adresse.

Le refrain réintroduit le chant du texte, retour de la musicalité. L’objet de l’adresse est important car cela définit le poème comme un enjeu le poème. Le plus fort est celui qui maîtrise le travail formel, nous sommes en face du produit de la manifestation d’un talent de poète.

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Nous allons à présent analyser la structure de chaque strophe et en faire une analyse afin de répondre à notre problématique. Dans ce poème, rappelons que Villon s’adresse à une femme aimée, il évoque sa beauté mais aussi les regrets qui le consume face à cet amour gâché.

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