Juste la fin du monde le choix du prénom
Commentaire de texte : Juste la fin du monde le choix du prénom. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar inzastef1 • 16 Mai 2021 • Commentaire de texte • 1 605 Mots (7 Pages) • 1 126 Vues
Correction commentaire littéraire Bac Blanc
La scène théâtrale a depuis l’Antiquité représentée divers conflits familiaux. Des parricides aux infanticides bon nombre de pièces ont choisi au cœur de leurs intrigues les tensions démesurées qui peuvent subsister au sein des familles qui détiennent le pouvoir. Le théâtre contemporain quant à lui reprend ce topos en trouvant la part du tragique qui peut exister au sein du quotidien. Ainsi, Jean-Luc Lagarce, dramaturge contemporain expose dans nombre de ses œuvres les difficultés qui peuvent exister au sein du groupe familial. Dans Juste la fin du monde, pièce de 1990, il est question de Louis qui revient après plusieurs années d’absence, annoncer sa mort prochaine aux membres de sa famille. Néanmoins, ce retour s’effectue dans une ambiance tendue et le langage, vidé de son sens, va révéler les rapports distendus entre les individus. L’extrait étudié aborde le choix du prénom du fils aîné d’Antoine, frère de Louis et cette discussion a priori anodine suggère l’absence et les non-dits entre les frères et la belle-sœur.
Nous verrons en quoi l’évocation du choix du prénom est révélateur de la place qu’occupe chaque membre de cette famille.
Dans une première partie il sera question des arguments avancés par Catherine pour le choix du prénom de Louis puis les tensions révélées dans cette discussion enfin nous évoquerons les non-dits qui apportent un aspect tragique à cette scène.
Dans cette première partie il sera question des arguments avancés par Catherine pour justifier le choix d’un prénom.
Catherine dans cette scène essaie de justifier le fait que leur fils aîné porte le même prénom que Louis en invoquant le poids des traditions. Ainsi elle utilise le vocabulaire officiel de l’état civil « père » « mâle » « fils » « aîné » de manière indéfini « l’enfant mâle » afin d’asseoir son argumentation sur des arguments logiques. Elle fait référence également à la tradition en citant le mot « tradition » ; tradition évoquée de manière ironique par Antoine à travers l’expression « les rois de France ». Néanmoins elle se corrige concernant sa famille « dans ma famille il y a le même genre de tradition même si c’est moins suivi. » La logique de l’argumentation est accentuée par l’emploi du présent de vérité générale « il y a ».
Outre le caractère qui semble incontestable à travers ce poids des traditions, Catherine souligne le fait que cela est aussi le choix d’Antoine.
Catherine explique ensuite que si son fils se nomme Louis, c’est parce que « cela faisait plaisir à Antoine ». Il s’agit d’une « idée à laquelle il tenait » , comme si ce dernier voulait ainsi rendre hommage à son frère, lui communiquer son attachement indirectement, car il est incapable de le faire directement justement.Antoine représente la tradition et l’attachement à la famille, même s’il est incapable de montrer cet attachement par la parole. Catherine évoque aussi l’importance de la filiation représentée par la transmission des noms ( « Il porte le prénom de votre père » , « le prénom des parents ou du père du père »). Elle révèle par là que le choix de ce prénom témoigne d’une volonté familiale de créer du lien précisément, en intégrant également la mère « Je pense aussi que cela fait plaisir a votre mère ». Le terme de « plaisir » répété inscrit alors le choix du prénom comme une tentative de créer l’image d’une famille « unie ».
La tirade de Catherine est donc une tentative de justifier ce qui a priori n’appartient qu’aux parents de l’enfant. Néanmoins, le choix du prénom de Louis n’est pas dénué de sens, et cette conversation va révéler les tensions et le malaise qui existent au sein de la famille.
La deuxième partie sera donc consacrée à l’analyse des tensions qui sont représentées dans cette scène.
Le malaise est déjà visible dans la structure décousue de la tirade de Catherine. En effet, le spectateur partage la difficulté qu’a ce personnage qui n’est pas un membre officiel de la famille. On peut d’ailleurs interroger le fait que ce soit elle qui prenne en charge ce sujet de conversation alors qu’elle rencontre Louis pour la première fois. Tout au long de sa tirade elle ne cesse de peser ses mots à travers l’épanorthose « je crois, nous croyons, nous avons cru, je crois que c’est bien, », notons par ailleurs le manque d’assurance à travers la répétition du verbe croire. La correction du langage s’effectue également dans l’accumulation des connecteurs logiques qui tentent d’apporter une logique au discours mais qui finalement révèle la difficulté de Catherine à justifier son propos « Et puis,
et puisque (...), puisque
-parce qu’il aurait été logique,nous le savons ...
-ce que je voulais dire:
mais puisque »
Si Catherine se sent aussi mal à l’aise dans ce sujet de conversation c’est parce qu’elle n’a pas choisi réellement de l’évoquer. Les interventions d’Antoine, et de la mère, qui précèdent cette tirade ne peuvent qu’alourdir le propos abordé. L’intervention d’Antoine est surprenante et paraît presque hors-sujet : « Les rois de France. »
Cette intervention témoigne d’une volonté d’Antoine d’intégrer sa parole à celle de sa femme, afin que les personnages se complètent.La référence aux rois de France n’est pas anodine. En effet, le prénom Louis renvoie à la monarchie absolue de droit divin. Cette tension autour de ce prénom donne l’impression que cette famille est une cour parodique, où les fils tentent de s’accaparer la couronne.De plus, le nom de Louis, qui renvoie à la monarchie, est caractérisé par son intense transmission transgénérationnelle. Or ironiquement, cette transmission est absente de cette famille brisée, où même la parole ne sait plus relier les individus.Catherine, épuisée d’être sans cesse interrompue, capitule :« je ne dis rien […]
tu racontes à ma place ! »Le personnage féminin est préfère s’effacer devant la rivalité fraternelle qui surgit sur scène.Son mari réplique, répétant à trois reprises qu’il s’agit d’une plaisanterie :
« Je n’ai rien dit,
[…]
on ne peut pas plaisanter »
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