Rimbaud, Ma Bohème
Commentaire de texte : Rimbaud, Ma Bohème. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar thaliechanteuse • 29 Novembre 2023 • Commentaire de texte • 1 737 Mots (7 Pages) • 228 Vues
Explication linéaire n°1.
Ma bohème, Fantaisie.
En août 1870, Arthur Rimbaud a seize ans. Dans une lettre empreinte d’enthousiasme juvénile, il écrit au poète Théodore de Banville qu’il sent quelque chose monter en lui, il appelle cela “du printemps”. Il fugue, écrit. Cette soif de liberté teintée d’inspiration poétique se retrouve dans les Cahiers de Douai, confiés au poète Paul Demeny. Le recueil se clôt sur Ma bohème, poème qu’il décrit lui-même comme une “fantaisie”, qui pourrait s'apparenter à une ébauche d’art poétique. En “homme aux semelles de vent”, ainsi que le surnomma Paul Verlaine, il célèbre l’errance, la liberté, qu’il étend au champ de la poésie. Il évoque son bonheur de bohémien tout autant que son amour pour la poésie moderne.
En quoi ce sonnet original fait-il l’éloge de la liberté ?
Nous étudierons dans un premier mouvement la sublimation de l’errance, puis le bonheur de la liberté poétique.
1er mouvement : la sublimation de l’errance
Le poète vagabond (v1 et 2)
Le titre du poème évoque les longs voyages d’errance que font les bohémiens, mais il renvoie aussi à la vie insouciante et libre des artistes. Le possessif “ma” indique dès le début du texte que Rimbaud va évoquer sa propre expérience de poète voyageur. Le sous-titre “fantaisie” implique l’idée d’une liberté poétique certaine, aussi bien des formes poétiques que du langage lui-même : il s’agit d’un amusement, d’une légèreté du poète adolescent. Le vagabond est un personnage qui, en raison de sa liberté, de sa marginalité, enthousiasme les artistes de la fin du XIXe siècle. Lorsque Rimbaud fugue, il goûte au bonheur de l’errance. En effet, la répétition du verbe de mouvement “aller” au vers 1 “Je m’en allais”, puis “J’allais” au vers 3 esquisse le portrait d’un poète voyageur. C’est parce qu’il est libre qu’il s’amuse avec les règles de la poésie traditionnelle. En effet, le premier vers, qui est un alexandrin, présente une césure irrégulière et il entame le poème sur une sorte de déséquilibre (dans un alexandrin classique, la césure est à l’hémistiche, après la 6e syllabe). Ici, nous pouvons observer qu’elle se fait après la ‘e syllabe. Ce premier vers, en outre, nous présente la dimension autobiographique du sonnet. On retrouve une omniprésence des marques de la 1ère personne : le pronom personnel “je” qui ouvre le poème, le déterminant possessif “ma”, “mes” ; Rimbaud relate une expérience qui est la sienne. Il est vrai que la pauvreté qu’a connue le poète transparaît grâce à l’adjectif “crevées” vers 1, au vers 2 avec “paletot”, visiblement usé à l’extrême. L’emploi du mot “poings”, et l’attitude nonchalante du jeune adolescent, les mains dans les poches, témoigne d’une forme de révolte contre les normes sociales et les conventions bourgeoises. Le vers 2 est à observer en raison de sa singularité. Il contient en effet un hiatus “paletot aussi”, créant une sonorité désagréable à la liaison. Cette maladresse doit être évitée en poésie ; Rimbaud la provoque et insiste sur sa volonté de montrer le refus des traditions et d’affirmer sa modernité poétique (on entend en effet, “toto”, facétie du jeune poète).
Le poète voyageur (v3 à 5)
Enfin, si le lecteur comprend que ce poème évoque l’errance de Rimbaud, il en ignore l’itinéraire. Le CC de lieu “sous le ciel” v.3 est extrêmement vague. Il se trouve dans la nature mais son emplacement est imprécis. La liberté physique est alors totale pour le jeune poète. Ce sentiment est tellement intense qu’il se met au service de l’inspiration poétique, la Muse, dont il se proclame le “féal”. ll crée une forme d’intimité avec elle en l’interpellant et en la tutoyant. On imagine qu’il invoque Terpsichore, muse de la poésie lyrique. Ce vagabondage offre, à mesure que les vers se succèdent, une liberté langagière au poète. L’interjection “Oh la la!” du vers 4, jouxtant la figure poétique de la muse, détonne et surprend dans ce sonnet. Toutefois elle traduit son vif enthousiasme, sa joie de vivre, sa soif d’amour : “que d’amours splendides j’ai rêvées”. L’errance ouvre ici un champ de tous les possibles. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’adjectif “crevées” rime avec le participe passé “rêvées” ; car le vagabondage permet le rêve. Ce premier mouvement s’achève sur le vers 5 qui fait écho aux vers 1 et 2 puisque Rimbaud montre à nouveau, son dénuement. Les deux adjectifs “unique” et “large” révèlent, une fois de plus, la pauvreté du jeune homme. Toutefois, comme nous venons de le montrer, l’errance, sublimée, est surtout propice à une liberté tant physique que poétique.
Second mouvement : une liberté poétique totale
La comparaison avec le Petit-Poucet (v6 à 7)
Nous allons étudier, dans ce second mouvement, les libertés poétiques -et donc la modernité- que Rimbaud s’octroie. S’il s’était permis quelques audaces dans le premier mouvement, nous allons voir que ces dernières se multiplient dans la suite du sonnet. Le vers 6 s’ouvre sur une analogie plutôt originale, mise en exergue par un tiret : “- Petit-Poucet rêveur”. Rimbaud devient, à son tour, un personnage de conte merveilleux qui ne sème pas des cailloux, mais des rimes, lui permettant de retrouver sa route. Pour illustrer cette idée, il utilise un rejet au vers 7 qui met en lumière le substantif “rimes” placé en début de vers grâce au rejet : “j’égrenais dans ma course / des rimes”. Le poète montre son désir de répandre de la poésie partout où il passe. L’utilisation, en outre, du substantif “course” révèle cette hâte, cette envie de fuir pour découvrir les confins du monde mais aussi pour repousser les limites de la poésie.
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