Racine, Phèdre, acte I, scène 3
Analyse sectorielle : Racine, Phèdre, acte I, scène 3. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Mathieu Virginie Cros • 23 Mai 2023 • Analyse sectorielle • 2 133 Mots (9 Pages) • 199 Vues
Introduction
Dans sa tragédie Phèdre, créée en 1677, Racine montre les ravages de la passion amoureuse.
Phèdre, l’épouse du héros Thésée, tombe amoureuse de son beau-fils Hippolyte.
Cette passion, considérée comme incestueuse, va provoquer le malheur de Phèdre et de son entourage.
Dans la scène 3 de l’acte 1, Phèdre apparaît pour la première fois. Elle est décrite comme très malade, épuisée. Oenone, sa servante, inquiète de l’état de santé de sa maîtresse, tente de lui arracher des aveux.
Après avoir vu dans cette lecture analytique comment Oenone parvient à obtenir les confidences de Phèdre (I), nous étudierons dans quelle mesure ces personnages tragiques (II) témoignent des sympathies jansénistes de Jean Racine (III)
I-Une révélation terrifiante
la locution adverbiale « A peine... » (v.269) introduit ainsi l’idée d’une quasi-simultanéité des événements que constituent son mariage avec Thésée et sa rencontre avec Hippolyte.
En se mariant ainsi sa destinée la rattrape et l’interdit d’aimer Hippolyte visible : par la rime liée à la périphrase le désignant (« au fils d’Egée » / « je m’étais engagée » v.269-270) et les « lois de l’hymen » montre une idée d’engagement inviolable
- le vers 272, où Athènes personnifiée montre à Phèdre, devenue passive de l’action , l’homme qu’elle est appelée à aimer.
- Le moment de la rencontre avec Hippolyte est marqué par l’idée d’un phénomène brutale et précipitée visible : avec le vers 273 en rythme ternaire qui suggère la succession rapide et impossible à dissimuler des sensations qui animent alors Phèdre : « Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ».
Phédre est troubler par ses sentiments montrer par les verbes contradictoire
- elle sent ainsi « tout [s]on corps et transir et brûler » (v.276), c’est-à-dire à la fois trembler de froid et se consumer de chaleur - phénomène paradoxal que souligne la polysyndète dans la formulation
- par ailleurs, l’homme qu’elle aime est lui-même désigné par un oxymore (« mon superbe ennemi », v.272) le faisant apparaître comme un être à la fois fascinant et dangereux.
- plus encore, elle est déstabilisée corps et « âme », puisqu’elle voit celle-ci « éperdue » touchée par le trouble qui s’élève en elle (v.274).
Phèdre voit en fait dans cet amour , une malédiction divine :
C’est « Vénus » (v.277), déesse romaine de l’amour, qu’elle convoque et identifie comme responsable de ses élans incontrôlés.
La façon dont elle y fait mention souligne la violence des émotions qui l’accablent, puisqu’elle évoque ses « feux redoutables » (v.277) qui sont pour elles des «tourments inévitables» (v.278) ; le feu fait aussi référence à l’amour représenté par la flamme .
Du reste, c’est bien la lignée de Phèdre après laquelle en a la déesse, ainsi qu’en témoigne la mention du « sang qu’elle poursuit » (v.278), métonymie . Phèdre s’inscrit ainsi dans un héritage malheureux, contrainte à subir les conséquences des actes et comportements de ses aïeux
– comme plus tard Hippolyte sera lui-même la victime des faiblesses de son père. Quoi qu’il en soit, c’est bien la fatalité, à travers les dieux, qui s’abat sur elle. Et c’est « en vain » (v.284) qu’elle brûle l’encens pour lutter contre cette fatalité.
# Cet amour, par ailleurs, est envisagé comme une vraie maladie, donc là encore comme un phénomène qui l’étreint malgré elle, et fait d’elle le jouet du destin :
- Le lexique utilisé par Phèdre va dans ce sens, puisqu’elle qualifie cet amour d’« incurable » et qu’elle ne trouve que des « remèdes impuissants » (v.283) pour le contrer. On rappelle d’ailleurs en ce sens que dès le début de sa tirade, elle évoque un « mal » (v.269), comme on parlerait d’une affection pathologique.
- De fait, les sacrifices auxquels elle s’emploie un temps pour chercher à guérir de ce mal ressemblent, dans leur évocation, à des autopsies, du moins à des examens médicaux visant à chercher la source de sa maladie : en effet, elle-même se présentant comme le jouet des dieux et de la fatalité, elle s’identifie alors aux « victimes » dont elle est « à toute heure entourée » (v.281), et la façon dont elle « cherche dans leurs flancs sa raison égarée » (v.282) renvoie à son sentiment formulé plus tôt d’être étrangère à son corps. En scrutant les charognes des animaux servant à ses sacrifices, elle paraît alors chercher à examiner sa propre carcasse comme si elle était parvenue à se mettre à distance d’elle-même : c’est ce qu’exprime notamment la divergence entre les deux déterminants possessifs de la phrase du vers 282 (« dans leurs flancs » VS. « ma raison égarée »)
- C’est pour tenter de contenir la colère de Vénus que la reine cherche à témoigner d’une certaine dévotion pour la déesse : elle formule ainsi des « vœux assidus » (v.279), avant de « bâti[r en l’honneur de Vénus] un temple et [de prendre] soin de l’orner » (v.280).
- Mais Hippolyte se substitue tout entier à la déesse dans les pensées de Phèdre, ainsi que le montre la manière dont elle paraît se dissocier de son corps :
- La reine de Thèbes définit encore plus profondément le sentiment qui l’habite à travers l’utilisation d’un vocabulaire religieux pour évoquer sa relation à l’être aimé : elle affirme ainsi « adorer Hippolyte » (v.286), et l’assimile à un « dieu » à qui elle « offre tout » (v.288), c’est- à-dire toutes les offrandes qu’elle place « au pied des autels » qu’elle fait fumer. (v.287)
- Malgré tous ses efforts, enfin, Phèdre reconnaît l’ironie du sort qui rend la présence d’Hippolyte sensible partout où elle se trouve (elle le voit « sans cesse », v.286), y compris dans l’intimité de son couple :
- C’est cette situation ironique qu’elle déplore dans l’exclamation
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