Les passeurs de livres de Daraya
Fiche de lecture : Les passeurs de livres de Daraya. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Anne Sophie Marrone Soro • 4 Février 2024 • Fiche de lecture • 3 363 Mots (14 Pages) • 122 Vues
Bonjour chers auditeurs, nous avons aujourd’hui le privilège de recevoir, Delphine Minoui dans notre émission : hebdomadaire « un jour, un livre ».
Bonjour Delphine Minoui, merci d’avoir répondu à notre invitation et d’être parmi nous ce matin.
Merci à vous, c’est un plaisir d’être avec vous.
Pour nos auditeurs qui ne vous connaîtrez pas encore, je vais vous présenter en quelques mots.
Donc, Delphine, vous êtes née en 1974, d’une mère française et d’un père iranien et vous avez d’abord étudiée le journalisme à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences de l’Information et de la Communication où vous avez d’ailleurs fini major de votre promo en1997 avant d’être diplômée de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, c’est bien ça ?
Oui Oui,c’est exactement ça.
Dès à la fin de vos études, vous vous êtes installée en Iran jusqu’en 2009 avant de rejoindre successivement Téhéran, Beyrouth, le Caire puis Istanbul où vous vivez encore actuellement.
Oui c’est bien ça, je vis toujours là-bas avec ma fille Samarra.
Alors vous avez d’abord été correspondante à France Inter puis à France Info dès 1999 avant de collaborer trois ans plus tard avec le Figaro.
Vous avez sillonné le monde arabo-musulman pendant près de 20 ans. Vous êtes considérée aujourd’hui comme une grande spécialiste du monde arabe et vous êtes donc grand Reporter pour le Figaro, spécialiste du Moyen-Orient.
Exactement
Vous avez aussi réalisé et collaboré à plusieurs documentaires et publié plusieurs ouvrages dont un en particulier « Les passeurs de livres de Daraya » dont nous allons parler dans un instant qui est né presque du hasard, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Effectivement, ce livre qui est aussi un documentaire, un reportage, n’aurait pu de jamais voir le jour sans les réseaux sociaux.
Ah bon, comment ça ?Racontez nous Delphine.
Un jour, le 15 octobre 2015 pour être précise, j’ai découvert, de manière tout à fait fortuite, une photo sur Facebook sur la page « Humans of Syria » qui est un collectif de jeunes photographes Syriens. Cette photo montrait juste deux hommes de profil totalement entourés de murs de livres. Ce cliché m’a interpellée mais c’est surtout sa légende qui a retenu toute mon attention puisqu’elle faisait référence à une bibliothèque secrète dans la ville de Daraya.
De par mon métier de reporter, j’avais déjà énormément lu et écrit sur cette banlieue rebelle de la ville de Damas et par conséquent je connaissais sa situation et ce contraste entre la violence que subissez Daraya et le pacifisme de cette photo a attisé ma curiosité au plus haut point. Je me suis alors dit que je devais comprendre. Alors j’ai commencé mes recherches et je suis finalement parvenue à rentrer en contact avec Ahmad MOUDJAHED, qui était l’auteur de cette photo.
Delphine, c’est donc cette photo puis cette rencontre « virtuelle » si je comprends qui vous a conduite à écrire ce livre alors ?
Oui, c’est tout à fait. Quand j’ai retrouvé la trace d’Ahmad et qu’il m’a raconté sa vie, avec ses amis, leur projet, je me suis dit qu’il fallait écrire un livre sur leur histoire, laisser une trace. Quelques jours après notre premier échange je lui ai fait part mes intentions. Ahmad a accepté de m’aider pour que ce livre devienne la mémoire vivante de Daraya. Puisque Bachar El Assad avait voulu mettre Daraya entre parenthèses et l’enfermer entre des crochets, alors je voulais lui ouvrir les guillemets.
Justement Delphine, vous venez d’évoquer Bachar El Assad, pouvez-vous nous expliquer un peu quel était le contexte historique de la Syrie et de Daraya à ce moment-là pour nous permettre ainsi qu’à nos auditeurs de bien comprendre à quel point cela a directement impacté les conditions d’écriture de ce livre ?
Malheureusement, la Syrie connait un conflit armé qui a débuté en 2011. En peu de temps, le pays est passé de simples manifestations pacifistes à une guerre civile meurtrière. Tout a commencé le 15 mars 2011 à Damas, qui est la capitale de la Syrie, lorsque des manifestants sont descendus dans la rue pour dénoncer le pouvoir autoritaire de Bachar El Assad. Quelques jours plus tard, des manifestants ont été tués Les manifestations se sont alors multipliées et en réponse le régime a durci sa répression. La guerre civile était lancée et de nombreux Syriens ont fui leur pays. Ahmad et ses amis ont fait le choix de résister, de se battre pour la liberté et la démocratie. Ils ont donc refusé de quitter Daraya, leur petite banlieue située à 3 kms de Damas qui est depuis 2012, encerclée, affamée et bombardée par les forces de Bachar El Assad. Quand je fais la rencontre d’Ahmad, il est impossible d’accéder à la ville Damas, tous les accès sont bouchés au point que même les Nations Unis ne parvenaient pas à y acheminer la moindre aide humanitaire.
Vu les conditions de vie extrêmement difficiles dans lesquelles vivait ou peut-être même survivait Ahmad, comment avez-vous réussi à échanger, à entretenir les liens ?
J’ai passé deux années à écrire ce livre. Pendant tout ce temps, nous avons échangé tant bien que mal par internet. En effet, la connexion internet qu’Ahmad avait établie grâce à de petits satellites récupérés au début de la révolution était très souvent coupée et hachée par le crépitement omniprésent des explosions. Parfois, il se passait plusieurs jours sans avoir de ses nouvelles mais tout ceci ne nous a pas empêché d’aller au bout de notre projet commun, il le fallait.
Nous avons donc compris qu’Ahmad a joué un rôle central dans ce livre, pourriez-vous nous en dire plus sur ce jeune homme ?
Quand j’ai rencontré Ahmad, il avait alors 23 ans et cela faisait 3 ans qu’il était enfermé à Daraya là où il était né. Ses parents avaient fui le pays quelques années plus tôt avec ses frères et sœurs. Avant la révolution, il rêvait de journalisme et étudiait le génie civil à l’Université de Damas. Comme beaucoup de jeunes de son âge, il aimait le football, les films et la compagnie des plantes de leur pépinière familiale.
Comme je vous le disais Ahmad avait toujours été attiré par le journalisme. Alors quand sa famille a quitté Daraya, il a décidé de réaliser un peu son rêve d’enfant en rejoignant le centre de presse du nouveau conseil local de la ville. Pendant toute une année, il va filmer le jour et télécharger ses vidéos le soir pour les diffuser sur le net.
Comment en est-il arrivé à fonder une bibliothèque clandestine au milieu de cette ville totalement détruite ?
A la fin de l’année 2013, des amis lui ont demandé de se joindre à eux pour une mission un peu particulière puisqu’ils voulaient exhumés des livres qu’ils avaient découverts sous les ruines d’une maison.
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