La scène d'exposition dans Juste la fin de monde de Jean-Luc Lagarce
Commentaire de texte : La scène d'exposition dans Juste la fin de monde de Jean-Luc Lagarce. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Florence Kwasnik • 5 Mai 2024 • Commentaire de texte • 1 426 Mots (6 Pages) • 99 Vues
EXPLICATION DE TEXTE 1 :
LA SCÈNE D’EXPOSITION DANS
JUSTE LA FIN DU MONDE
- Lagarce = dramaturge contemporain parmi les plus reconnus. A mis en scène des pièces classiques mais aussi les siennes.
- Juste la fin du monde : pièce inspirée par le drame qu’a alors vécu Lagarce, la maladie du Sida dont il mourra en 1995.
Pièce qui met en scène le retour de Louis auprès de sa famille dans le but d’annoncer sa mort prochaine.
- Scène d’exposition qui révèle les tensions familiales.
LECTURE
Problématique : comment cette scène d’exposition, qui met en scène les retrouvailles entre Louis et sa famille, introduit-elle des personnages aux relations conflictuelles et au langage vide ?
1er mouvement : « C’est Catherine... » à « ...épagneul » : Les présentations
2ème mouvement : « Ne me dis pas ça... » à « ...il faut leur dire » : des dialogues en parallèle
3ème mouvement : « En même temps... » à « ...c’est ce que je voulais dire. » : l’intervention de la mère entre incrédulité et reproches
1er MOUVEMENT : LES PRÉSENTATIONS
- Suzanne aux présentations :
- C’est Suzanne, la plus jeune de la fratrie qui prend la parole pour ouvrir la pièce. Choix intéressant ← c’est elle qui parlera le plus durant toute la pièce : personne dynamique, de bonne volonté ≈ maître de cérémonie (et fait fonctionner ici la double énonciation qui permet au spectateur d’obtenir des informations).
- Présentations minimalistes et froides ← présentatifs (« c’est » x2 ; « voilà ») qui tendent à réifier les personnages + extrême brièveté des phrases (« Catherine ») + parataxe (juxtaposition des propositions sans mots de liaison) + retours à la ligne qui confèrent à la réplique l’impersonnalité d’une liste
–> Réplique liminaire qui programme la froideur qui régit les relations familiales et un vide au sein du langage.
- Les relations Suzanne – Antoine – Catherine :
- Relations glaciales ← insistance avec répétition puis emploi de l’impératif : « laisse-le avancer »/ Mépris avec « s’il te plaît » et la métaphore péjorative (humiliante?) avec un « épagneul ».
- Réplique d’Antoine qui révèle aussi que Suzanne au fond entrave l’arrivée de Louis : rejet inconscient de la petite sœur pour Louis ?
- Le caractère apaisant de Catherine apparaît également, alors qu’elle tente de justifier la joie de Suzanne auprès de son mari mais l’emploi du pronom « elle » marque une certaine prise de distance.
–> Début assez déroutant car, là où on s’attendrait à des retrouvailles chaleureuses, on assiste à une grande froideur.
2ème MOUVEMENT : DEUX DIALOGUES EN PARALLÈLE
- Confusion et pudeur :
- La mère : ne prend pas la parole pour saluer Louis mais pour réprimer (utilisation de l’impératif) : elle apparaît comme une source de normativité qui cherche maladroitement l’apaisement .
Mais elle installe aussi la confusion : à qui s’adresse-t-elle ? ← passage du singulier au pluriel : « Ne me dis pas ça »/ « Ne me dites pas ça ».
On ne sait pas si le « Ne me dis pas ça, ce que je viens d’entendre » se rapporte à la moquerie d’Antoine envers sa sœur ou au fait que Louis et Catherine ne se connaissent pas.
On ne sait pas vraiment si le « Tu ne dis pas ça » qui suit est destiné à Louis ou Catherine.
- 1ère réplique de Louis : exprime sa joie avec adjectif « content » accentué par l’adverbe d’intensité « très » mais langage peu expressif, neutre/ idem dans la réponse de Catherine où la répétition du « moi aussi » semble sonner faux.
Cette scène de rencontre révèle le vide du langage phatique à l’œuvre dans la politesse (la fonction phatique du langage est sa fonction d’interaction sociale, lorsque le langage vise à établir un contact avec l’autre, mais sans apporter d’informations réelles) ; la parole est creuse, vide, sans intérêt.
- Des dia-logues ??
- A partir de la première réplique de la Mère, une sorte de dialogue parallèle s’instaure : d’un côté, la Mère, Antoine et Suzanne parlent du fait que Louis et Catherine ne se connaissent pas (on a même l’impression qu’ils en parlent comme s’ils étaient absents de la scène) ; de l’autre, Louis et Catherine se présentent l’un à l’autre, comme s’ils n’entendaient pas l’agitation qui anime les membres de la famille. Cette complicité particulière qui s’instaure dès la scène d’exposition entre Louis et sa belle-sœur se retrouvera au fil de l’œuvre. Suzanne le sait bien, lorsqu’elle assure à Louis qu’ils vont « se trouver ».
Épanorthose qui joue à la fois sur les changements de pronoms et sur les temps des verbes (« tu te trouveras »/ « vous vous trouverez ») et sur les temps des verbes, qui passent du futur de certitude à une périphrase verbale (« vous allez vous trouver ») et qui annoncent une sorte de reconnaissance.
Remarque : épanorthose = figure de style qui permet de corriger une affirmation jugée trop faible en y ajoutant une expression plus frappante et énergique ; ici, manifeste la gêne voire le ressentiment des personnages incapables d’exprimer leurs sentiments.
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