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Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, sujet et corrigé

Dissertation : Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, sujet et corrigé. Recherche parmi 300 000+ dissertations

Par   •  1 Mars 2024  •  Dissertation  •  1 920 Mots (8 Pages)  •  243 Vues

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Sujet :

L'étymologie grecque du mot crise, Krisis, vient du verbe krinein qui signifie discerner, juger, décider. En quoi cette étymologie éclaire-t-elle votre lecture de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce?

Vous répondrez à cette question dans un développement structuré. Votre travail prendra appui sur la pièce de Jean-Luc Lagarce, sur les textes et documents étudiés en classe dans le cadre du parcours associé à cette œuvre, et sur votre culture personnelle.

Corrigé:

La crise est un moment de transition chaotique, souvent douloureux, qui sépare deux périodes d'équilibre. Elle implique tension, discorde, rupture. La "crise" est d'ailleurs profondément liée au genre théâtral puisque toute pièce met en scène le passage d'un nœud dramatique à un dénouement. Juste la fin du monde n'échappe pas à cette règle puisque Jean-Luc Lagarce nous invite au spectacle d'une crise personnelle et familiale à son apogée. Mais le mot "crise" vient aussi du grec Krisis qui signifie décision, jugement, et désigne un moment crucial d'arbitrage. En quoi cette étymologie permet-elle d'éclairer la lecture de Juste la fin du monde ? Qui juge et arbitre dans cette pièce? Quelle instance décisionnelle préside réellement aux choix des personnages ? Nous verrons comment le moment de chaos que constitue la crise dévoile les véritables responsables des décisions qui sont prises dans l'œuvre de Jean-Luc Lagarce: la famille et l'individu, mais surtout le destin et ses lois inexorables.

Juste la fin du monde met en scène une crise personnelle et familiale.

Le spectateur est invité tout d'abord a la tragédie personnelle de Louis, le personnage principal. Dès le prologue, il annonce sa mort prochaine : «Plus tard, l'année d'après/-j'allais mourir à mon tour [...] ». Le nœud de l'action ne réside pas dans la maladie de Louis - le personnage se sait condamné et le dénouement est connu d'avance par le spectateur - mais dans son aveu: parviendra-t-il à dévoiler ce douloureux secret ? Son mal-être est perceptible dès le début de la pièce car sa révélation est difficile: «C'est pénible, ce n'est pas bien. / Je suis mal à l'aise, / [...] mais tu m'as mis mal à l'aise et là, / maintenant, / je suis mal à l'aise. » (1 partie, scène 2). Les épanorthoses (Louis revient sans cesse sur ses termes pour les nuancer) et la structure en chiasme (ABBA) de ses phrases révèlent son enfermement dans une crise intérieure dont il ne parvient pas à se libérer. En cela, Jean-Luc Lagarce crée un parallèle avec la pièce Phèdre de Jean Racine dans laquelle l'aveu de l'héroïne éponyme est au centre de la tragédie. Dans les tragédies classiques, le héros est en proie à des passions violentes contre lesquelles il ne peut pas lutter : c'est la révélation de ses passions qui crée le chaos. C'est ce qui arrive à Louis dans Juste la fin du monde: sa maladie est déjà là au début de la pièce. Impuissant, il ne lui reste plus qu'à la révéler à son entourage. Louis vit donc deux tragédies simultanées : son combat contre la mort et sa difficulté à avouer ce combat. À l'image de Phèdre, son déchirement intérieur en fait un modèle de héros tragique en pleine situation critique.

Au-delà de la crise personnelle de Louis, c'est tout l'édifice familial qui est placé dans une situation de crise. Le retour de Louis bouleverse en effet l'équilibre familial et réveille les souffrances de chaque membre de la famille. Pour la mère, le retour de Louis correspond au retour du fils prodigue, écrivain, dont on n'a jamais vraiment compris le départ. Pour Antoine, c'est le retour du frère aîné rival, celui qui réactive ses complexes, ses passions et sa jalousie. Pour Catherine et Suzanne, Louis est un miroir qui les confronte à la médiocrité et à la banalité de leur vie. La crise familiale s'exprime violemment, au travers de disputes constantes. Ainsi, tous les personnages se querellent: Antoine et Catherine, Antoine et Suzanne, Suzanne et Catherine, la mère et ses enfants. La violence la plus spectaculaire est celle d'Antoine qui fait éclater la rivalité fraternelle au grand jour dans la scène 2 de la duxiémé partie: «Tu me touches: je te tue». L’asyndète (absence de liaison entre les deux propositions) accentue la violence du propos et le caractère dramatique de cette scène où la famille, au paroxysme de la crise, se déchire sous nos yeux.

Juste la fin du monde met donc en scène deux crises distinctes : la crise personnelle de Louis et la crise familiale provoquée par son retour. Comme son étymologie grecque Krisis l'indique, la crise désigne aussi un moment décisif d'arbitrage. Et l'on voit justement dans cette pièce des mécanismes se mettre en place pour arbitrer la sortie de crise.

Afin de rétablir l'équilibre, la famille de Louis et Louis lui-même opèrent des choix.

Le retour de Louis, après douze ans d'absence, provoque une véritable crise dans le foyer. Immédiatement, un tribunal familial se met en place pour juger le frère aînė. Ainsi, le champ lexical du droit abonde dans le texte. Catherine dit elle-même : « je ne voudrais pas avoir l'air de vous faire un mauvais procès ». Louis accepte d'endosser la culpabilité: « et ces crimes que je ne me connais pas, je les regrette, / j'en éprouve du remords» (2e partie, scène 1). Ce tribunal familial ne s'en prend pas qu'à Louis et juge tour à tour les personnages. Ainsi, Antoine est accusé d'être «brutal» dans la scène 2 de la deuxième partie et c'est Louis qui le défend comme le ferait un avocat: «Non il n'a pas été brutal [...] ». La scène devient une juridiction dans laquelle chaque personnage se retrouve sur le banc des accusés. De ce point de vue, Juste la fin du monde fait songer à la pièce Huis clos de Jean-Paul

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