Epilogue de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce
Fiche : Epilogue de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar lebubr • 29 Octobre 2024 • Fiche • 2 294 Mots (10 Pages) • 33 Vues
Lecture Linéaire n°8 – théâtre - épilogue de Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, 1990.
1 Louis. – Après, ce que je fais,
je pars.
Je ne revins plus jamais. Je meurs quelques mois plus tard,
une année tout au plus.
5 Une chose dont je me souviens et que je raconte encore
(après, j’en aurai fini) :
c’est l’été, c’est pendant ces années où je suis absent,
c’est dans le Sud de la France.
Parce que je me suis perdu, la nuit dans la montagne,
10 je décide de marcher le long de la voie ferrée.
Elle m’évitera les méandres de la route, le chemin sera plus court et je sais qu’elle passe près de la maison où je vis.
La nuit aucun train n’y circule, je ne risque rien
et c’est ainsi que je me retrouverai.
15 À un moment, je suis à l’entrée d’un viaduc immense,
il domine la vallée que je devine sous la lune,
et je marche seul dans la nuit,
à égale distance du ciel et de la terre.
Ce que je pense
20 (et c’est cela que je voulais dire)
c’est que je devrais pousser un grand et beau cri,
un long et joyeux cri qui résonnerait dans toute la vallée,
que c’est ce bonheur-là que je devrais m’offrir,
hurler une bonne fois,
25 mais je ne le fais pas,
je ne l’ai pas fait.
Je me remets en route avec seul le bruit de mes pas sur le gravier.
Ce sont des oublis comme celui-là que je regretterai.
Introduction:
Jean Luc Lagarce est un comédien, metteur en scène mais aussi directeur de troupe et dramaturge Français.AU XXème siècle est une ère qui se domine du théâtre de l’absurde, un mouvement au quelle fait partie Jean-Luc Lagarce. En 1988, il apprend qu’il est atteint du sida et réalise la pièce de théâtre “Juste la fin du monde”, il est aussi l’auteur de nombreuses pièces comme Music-Hall, ou encore Les prétendants. Juste la fin du monde, a été écrite en 1990, dans cette pièce Louis est mis en scène quand il revient dans sa famille pour annoncer sa mort prochaine, cela va créer des tensions au seins de la famille. On va étudier ici l’épilogue de la pièce, il s’agit d’un monologue de Louis dans lequel on nous annonce un souvenir et son envie de crier n’est pas réaliser, il s'agit donc d’une énigme pour le spectateur.
Problématique :
Comment Louis s’appuie-t-il sur un souvenir pour résumer la vision symbolique qu’il a de sa propre existence/vie ?
Plan /mouvement :
Ligne 1 à 4 : bilan : départ définitif et mort.
Lignes 5 à 18 : souvenir ou rêve.
Lignes 19 à 28 : le cri de libération
Analyse
Prédominance du pronom personnel “je” 12 occurrences : dimension lyrique et introspective ou rétrospective ? À prouver par vous.
Temps verbaux nombreux : brouillage temporel = Présent : valeurs : / Passé composé : action révolue, terminée /
Futur : certitude. Conditionnel qui exprime l’hypothèse.
De l’anecdote à une vision plus symbolique : à égale distance du ciel et de la terre : comme en lévitation. Dimension cosmique : ciel / terre / lune...
Voie ferrée / route / chemin / viaduc : il suit ce qui est construit : moyens de communication habituels du plus récent au plus ancien (viaduc, époque antique !) : à interpréter de manière symbolique : il est entre les deux.
Se perdre / se retrouver : forme emphatique.
1er mouvement : départ définitif et mort L.1 a 4
- Mouvement constitué de 3 phrases : 1 phrases complexe et 2 phrases simples. Elles forment une sorte de préambule introduit par l’adverbe “Après” : c’est d’autant plus déroutant. Cet adverbe induit forcément un avant qui est constitué par le repas de famille et le départ de louis de la maison familiale. => le présent est employé, on peut penser plutôt à un passé composé.
- De nombreux complément circonstanciels de temps : “après” adverbe de temps, “quelques mois plus tard “ qui exprime une durée=>"une année tout au plutôt” qui introduit une temporalité vague et confuse.
- On a le champ lexical du temps (“après, plus jamais, quelques mois plus tard, une année” pour montrer que Louis parcourt le temps dans un phénomène d’accélération.
- On a aussi le champ lexical du prologue et du retour chez le siens.
- Présent de narration de “ce que je fais, je pars” => bilan de ce qui s’est passé entre la fin de la pèce et maintenant. Il le relate avec le passé simple “je ne reviens plus jamais” --> négation partielle/ langue écrite et non orale.
- “Je meurs quelques mois plus tard” présent a valeur de futur proche, on peut penser qu’il est déjà mort quand il prononce cet épilogue.
- On peut apercevoir une sorte de boucle avec le prologue de la pièce qui débute par l’annonce de la mort de Louis
2eme mouvement : le récit d’un souvenir ou d’un rêve (lignes 5 à 18)
- Mouvement qui se compose de 5 phrases : 2 première phrases posent le cadre spatio-temporel avec spatio: “l’été” (l.7) ; “dans le Sud de la France” (l.8) ; “dans la montagne” (l.9) ; et temporel : “souviens” (l.5) ;”après” (l.6) ; “pendant ces années” (l.8) Etc....==> saison : été ; lieu : sud de la France Provence ? Montagne ; moment de la journée : nuit.
- On a 2 proposition subordonnée relative complément du nom “une chose” (l.5) informe sur le rapport de cette chose entretient avec Louis --> c’est un souvenir qui est relaté, référence au souvenir de l’expérience. Dimension autobiographique qui lie le personnage à l’auteur.
- “encore” => adverbe de temps --> idée de supplément et de répétition : pour relater encore une fois ce souvenir et il s'agit de la dernière fois avec le présent d’énonciation de “je raconte encore”
- On a un futur antérieur “j’en aurais fini” pour exprimer l’aspect accomplis et que l’action est terminée. Il s’agit aussi d’un euphémisme pour signifier être mort /mais on peut aussi penser qu’il y a un sens d’ironie avec les parenthèses.
- Succession du présentatif “c’est” pour informer sur la saison mais aussi le moment “c’est pendant ces années où je suis absent” : complément circonstanciel de temps qui exprime la durée/ Louis revient sur un épisode antérieur à son retour donc c’est antérieur à la pièce.
- Ainsi dans ces passages le présent d’énonciation permet de nous projeter dans le récit.
- La 2ème phrase : débute par “parce que” (l.9) qui est un outil de subordination pour exprimer la cause=< ainsi on a une inversion de la subordonnée et de la principale. Ici on a une subordonnée circonstancielle de cause à double sens “Parce que je me suis perdu, la nuit dans la montagne, je décide de marcher le long de la voie ferrée.” => un sens propre et un sens figuré avec du présent de narration.
- La phrase est mal construite au niveau “la nuit dans la montagne” => la nuit devrait être après la montagne.
- On peut remarquer le verbe “décider” est au présent or dans le prologue il était au passé simple.
- L'anecdote racontée ici est lyrique car on a l’utilisation du pronom personnel “je” mais aussi avec le champ lexical de la nuit avec "la nuit, la nuit, sous la lune” on peut donc penser à une dimension onirique et se questionner s'il s’agit un rêve ou d’un souvenir.
- De plus à la ligne 10 on peut apercevoir que Louis prend des risques.
- La 3eme phrase est complexe car les propositions sont reliées par juxtaposition et la troisième proposition est une subordonnée conjonctive complétive “je sais que”+ PSR “ou je vis”/ on a aussi 2 verbes conjugués au futur : justifie-le choix de Louis de suivre la voie ferrée
- Champ lexical de la trajectoire : ”méandres de la route” (l.11), le chemin sera plus court” (l.11) .../ il y a aussi “elle passe près de la maison où je vis” qui peut aussi se lire comme une métaphore de la vie de Louis et accentue la dimension lyrique de ce monologue : cette anecdote est une sorte de parabole de l’existence du personnage. Les méandres sont les sinuosités d’un fleuve, suite de courbes dans un tracé, un parcours ; au figuré : détour, cheminement complexe et capricieux dans les activités ou le comportement humain. On peut interpréter de deux manières ces propos : d’une manière factuelle ou symbolique.
- Il y a aussi une opposition entre la voie ferrée et la route qui peuvent nous renseigner sur les intentions de l’auteur. Symbolise la volonté délibérée “la voie ferrée” et l’indécision des méandres qui caractérise le personnage de Louis.
- Pour la 4eme phrase : il s ‘agit d’une phrase complexe : 3 propositions reliées par juxtaposition et coordination “et” :
La dernière proposition on a un aspect décousu de la phrase/ constat : “aucun train ne circule, donc aucun danger de mort, je me retrouverai”=> 2 négations partielles, lien logique de conséquence avec la conjonction de coordination “donc” et certitude avec le futur "je me retrouverai”.
- Apaisement dans les propos de Louis => forme de confiance et de sérénité : “je ne risque rien”, je me retrouverai” propos presque optimistes en rapport avec l’antithèse a la ligne 9 “je me suis perdu” on peut aussi noter le lien de l’apaisement avec la liberté que “ les méandres de la route” peuvent apporter.
- La solitude prime toutefois “je me suis perdu, “je marche seul”, Louis se croirait dans un “non-lieu” ou un espace intermédiaire entre deux mondes celui de la vie et de la mort : On peut penser qu’il spectateur de lui-même
- A la ligne 15 la solitude semble petite par rapport “l’immense viaduc” comme si son existence était nulle face à la mort.
- La succession des verbes d’action : l’un statique : il observe en hauteur le paysage en contrebas : “je domine”, l’autre dynamique avec “je marche” (2ème occurrence l.10) = renforce l’idée qu’il est décidé ; il ne subit pas.
- Allitération en “l” qui suggère la libération de la prison familiale : “je suis à l’entrée d’un viaduc immense, il domine la vallée que je devine sous la lune, et je marche seul dans la nuit, à égale distance du ciel et de la terre.”
3eme mouvement : le cri avorté l.18 à la fin
- Nouvelle introspection introduite par “Ce que je pense” => présent d’énonciation renforcé par les parenthèses et leurs contenue --> cela veut montrer qu’on arrive enfin au but du sujet le cri
- De nombreux adjectif mélioratifs qui qualifient ce cri “grand, beau, long, joyeux” : ils sont là pour prouver qu’il est vivant, aussi pour lâcher la pression et se libérer.
- Répétition du verbe “devoir” à 2 reprises
- Emploi de l’imparfait “ ce que je voulais dire” faire référence au prologue et à la pièce dans sa totalité. Imparfait a la valeur durative
- On a aussi du conditionnel “devrais” (l.21) “résonnerait” (l.22) pour marquer l’envie et le désir/ Le cri est symbole de catharsis => libération familiale
- On a un nouvel écho avec le prologue qui est le désir d’annoncer sa mort, mais qui est ici associé à un échec avec “mais je ne le fais pas” (l.25) et “je ne l’ai pas fait.” (l.26) : Polyptote : verbe faire au présent de narration, au passé composé. =permet d’envisager la suite comme un échec car regret infini. On peut l’envisager comme un oubli ou une impossibilité...c’est lui qui le dit à la ligne 28 “des oublis”.
- Passage du présent au passé composé permet d’avoir un aspect révolu et dresse un bilan, le constat de l’échec => l’occasion ratée.
- Le présent de narration “je me remets en route” intensifie le récit de l’anecdote qu’il soit un souvenir ou un rêve
- La dernière phrase permet de clôt le récit de cette anecdote et renvoie Louis à son sentiment de solitude avec la ligne 27 “le seul bruit de mes pas sur le gravier”
- Dans la dernière phrase on a aussi l’utilisation d’un vocabulaire péjorative “oubli” “regretterai”. => le dernier verbe est conjugué au futur--> pour clore définitivement la pièce / idée inattendue : avenir alors qu’il n’y en a pas.
Conclusion :
La mort de Louis met en lumière ses choix passés, comme ses départs et son silence. Mais ça nous laisse penser : est-ce que l'oubli est vraiment un choix ? Une petite histoire symbolique nous montre la tragédie et le destin du silence. Ça nous fait réfléchir sur le théâtre lui-même, comment il donne du sens à nos vies. Le cri chez Antonin Artaud devient le symbole de cette force du théâtre, exprimant des émotions fortes qui vont au-delà des mots.
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