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Dissertation sur le rire dans Gargantua

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Par   •  11 Juin 2024  •  Dissertation  •  2 043 Mots (9 Pages)  •  127 Vues

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        Rabelais est connu pour être l’un des grands humanistes du XVIème siècle. Ce mouvement se caractérise par la foi en l’Homme qui est placé au centre de l’univers. Rabelais lui donne toute son importance en mettant en scène des géants, comme dans Gargantua, publié en 1534, qui raconte les aventures emplies d’éclats joyeux du personnage éponyme en obéissant aux plans des romans de chevalerie par sa structure en trois parties, de l’enfance de Gargantua à ses prouesses, jusqu’au moniage de frère Jean. Daniel Ménager affirme que « le rire dans ce qu’il a d’excessif est nécessaire à l’idéal philosophique » dans La Renaissance et le rire. Nous nous demanderons donc dans quelle mesure le rire et son excès éclairent le savoir dans Gargantua. Pour cela, nous verrons d’abord que l’excès de rire peut se mettre au service de la transmission d’un savoir, d’un idéal philosophique, puis que ce rire sert même l’idéal philosophique des humanistes, et enfin nous étudierons le fait que l’excès de rire peut néanmoins nuire à la transparence de la transmission d’un idéal philosophique.

        Tout d’abord, l’excès de rire peut se mettre au service de la transmission d’un savoir, d’un idéal philosophique dans Gargantua.

        En effet, la satire est omniprésente dans l’œuvre de Rabelais. Elle permet de rire de celui qui en est l’objet, et les cibles vers lesquelles se tourne Rabelais sont nombreuses. D’abord, la satire religieuse attaque les maîtres théologiens de la Sorbonne, qu’ils soient précepteurs sophistes, comme Jobelin Bridé, ou avocats occasionnels venant réclamer les cloches comme Janotus de Bragmardo. Les moines sont ainsi raillés à l’occasion du récit des exploits de Frère Jean lors du pillage de Seuilly, présentés comme tenus par la peur, seulement capables de « décréter une belle procession » et bégayer des syllabes latines devant l’assaut de l’ennemi. La satire présente également le mauvais roi Picrochole derrière lequel se cache Charles Quint. Picrochole est alors présenté comme un roi ridicule qui ambitionne de conquérir le monde alors qu’il ne parvient pas à dominer sa colère. Il s’agit alors d’une critique de l’expansionnisme de Charles Quint. Même son règne s’achève de manière ridicule, Picrochole tuant de colère son propre cheval, dernier recours pour fuir, et finit par attendre la venue des coquecigrues. La satire se tourne également vers les mauvais conseillers, vantard devant le trône mais fuyard six heures avant la bataille. Enfin, la satire de l’éducation est omniprésente, les recommandations de Thubal Holoferne frisent ainsi le ridicule car Gargantua doit recopier des livres et les apprendre par cœur dans un sens puis dans l’autre. Même le programme éducatif mis en place par Ponocratès est comique car il dépasse largement le volume horaire d’une journée. Cependant, au-delà du comique créé par ces éducations, il s’agit pour Rabelais de dénoncer les pratiques pédagogiques archaïques de la Sorbonne et montrer l’étendue du savoir à acquérir par chacun. La satire permet alors de rabaisser ce qui devrait être noble, principe même du burlesque, et de désacraliser les théologiens scolastiques qui se sont abusivement appropriés le sacré.

        De plus, la parodie est également au cœur de Gargantua. Elle se tourne vers différents genres et livres y compris la Bible, comme le prouve l’expression « sans compter les et les petits enfants », très récurrente dans ce livre sacré. Tout au long du récit, la religion est ainsi tournée en ridicule par Rabelais. Toutefois, c’est dans les références implicites aux genres de l’épopée et des romans de chevalerie que la parodie excelle, comme avec les scènes dans lesquelles frère Jean se livre à un carnage à Seuilly. La narration imite alors les descriptions des combats des héros de l’Iliade d’Homère et de l’Enéide de Virgile, mais à chaque fois, le rire remplace l’admiration et l’émotion. Par exemple, le bâton de croix utilisé par frère Jean est une arme, certes, efficace, mais dont l’utilisation manque de noblesse. Le nombre de victimes exorbitants appelle également le rire par son outrance, comme les deux cent soixante mille quatre cent dix-huit parisiens noyés sous l’urine de Gargantua, dans un autre combat entre le géant sorbonnard et le géant évangélique au chapitre dix-sept. Rabelais, en parodiant les combats épiques, cherche alors à dénoncer les violences. Enfin, la parodie repose sur les références communes entre le lecteur et l’auteur. Une connivence est ainsi créée entre eux et même attendue au fil du récit, le lecteur cherchant avec plaisir à débusquer les réécritures cachées dans le roman. Cette complicité littéraire, jeu à deux voix, amène le lecteur du côté de l’auteur et lui permet de profiter des vertus du rire.

        Ainsi, le rire, « dans ce qu’il a d’excessif », peut contribuer à la transmission d’un idéal philosophique, par le biais de la satire, qu’elle soit religieuse, politique ou éducative, ou de la parodie, notamment des combats épiques ou de livres sacrés comme la Bible. Si le rire peut s’avérer nécessaire à l’idéal philosophique, il se range surtout du côté de l’idéal philosophique des humanistes.

        En effet, ce rire sert l’idéal philosophique des humanistes.

        Tout d’abord, le rire est libérateur. Il libère des opinions et des doctrines qui tentent de s’imposer comme des vérités, comme l’expansionnisme de Charles Quint qui apparaît comme le délire d’un homme soumis à son humeur colérique à travers la satire de Picrochole. Ce rire sert donc les humanistes qui prônent la paix. De plus, les vérités censément incontestables qu’assènent les théologiens deviennent des âneries de « vieux tousseux », appelés à être remplacés sous l’effervescence intellectuelle de la nouvelle génération, celle des humanistes évangéliques. Ainsi, Rabelais incite le lecteur à ne pas laisser imposer l’ancienne loi, qui n’a plus lieu d’être pour quiconque se tourne vers les livres sacrés comme le recommande l’humanisme. Nous pouvons même déceler une mise en abyme de ce rire libérateur dans la scène opposant Gymnaste à Tripet. Ce-dernier et ses troupes devraient en effet aisément prendre le dessus sur un homme seul, Gymnaste. Pourtant, celui-ci ramène Tripet sur le terrain du rire et le conduit à plaisanter à partir de l’expression « pauvre diable » par laquelle il s’est désigné. Tripet, sans le savoir, a semé la panique parmi ses hommes, situation qu’exploite Gymnaste pour l’éliminer. Le lecteur est ainsi encouragé à faire de même, face à ceux qui l’empoisonnent, face à ses ennemis.

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