Dans quelle mesure, dans Mademoiselle de Maupin, l’érotisme et le travestissement constituent-t-ils une interrogation autour des structures sociales et de la notion de genre ?
Dissertation : Dans quelle mesure, dans Mademoiselle de Maupin, l’érotisme et le travestissement constituent-t-ils une interrogation autour des structures sociales et de la notion de genre ?. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar nessdcn • 1 Avril 2024 • Dissertation • 2 841 Mots (12 Pages) • 142 Vues
« La poésie n’a d’autre but qu’elle même » écrit Baudelaire dans L’Art Romantique. Cette conception de la littérature suggérée par le poète coïncide largement à la doctrine prônée par le mouvement parnassien. En effet, le parnasse est un mouvement littéraire qui né au milieu du XIXe siècle en réaction au romantisme. Celui-ci refuse l’engagement social et politique de l’auteur et se caractérise par le culte de la beauté et de la forme. L’art n’est pas censé être utile. Il devrait s’évertuer à valoriser le style et l’esthétique. Parmi les auteurs dits parnassiens, Théophile Gautier se distingue. Souvent considéré comme le chef de fil du parnasse, il est notamment l’auteur du roman épistolaire Mademoiselle de Maupin publié en 1835. Ce dernier se présente comme un manifeste du parnasse grâce à sa célèbre préface. Dans cette œuvre, Gautier raconte la vie de Madelaine de Maupin, une jeune femme qui décide de se travestir en homme, sous le nom de Théodore de Sérannes afin de mieux comprendre les secrets de la gent masculine. Ce faisant, durant son voyage elle rencontre D’Albert, le personnage principal ainsi que Rosette. Un triangle amoureux va naître. Mademoiselle de Maupin aborde différents thèmes tel que l’androgynie, la mélancolie, la sexualité, la quête d’idéal, etc. Selon Pascale Auraix-Jonchière, dans Mademoiselle de Maupin « l’érotique est au service d’une sociopoétique, c’est-à-dire d’une écriture qui donne à voir les structures sociales par le biais de la fiction romanesque et réfléchit sur leurs implications. Madeleine se dégage des impératifs auxquels est soumis son sexe. (…) Il ne s’agit pas pour autant de renier sa féminité, bien au contraire, mais de l’imposer sous une forme inédite : celle de la volonté. » Romantisme. Cette analyse souligne les enjeux autour de l’érotisme et son rôle dans l’œuvre. Cela implique que l'aspect sensuel n'est pas simplement là pour promouvoir la volupté ou pour provoquer le lecteur , mais sans doute qu'il favorise la réflexion autour des modèles sociaux de l'époque. De plus, on vient à s’interroger sur le travestissement présent dans Mademoiselle de Maupin. Cela pourrait représenter une libération des contraintes imposées par le genre, une manière de bouleverser les normes sociales déjà figées. Ainsi, dans quelle mesure, dans Mademoiselle de Maupin, l’érotisme et le travestissement constituent-t-ils une interrogation autour des structures sociales et de la notion de genre ? Tout d’abord, l’auteur propose une reconsidération du topos de la femme. Théophile Gautier permet à celle-ci de s’émanciper et transgresser des codes sociaux qui lui ont été attribués. Néanmoins, la sensualité et le travestissement de Madelaine de Maupin présents dans le roman semblerait n’être qu’un prétexte pour accorder la priorité à la volupté, la conquête d’idéal mais surtout à l’esthétique. Or, nous verrons que se serait se méprendre que d’appréhender l’œuvre d’un regard binaire visant à séparer le fond de la forme tout en négligeant le contexte littéraire et historique.
Théophile Gautier dans son œuvre Mademoiselle de Maupin, grâce à son personnage éponyme, Madelaine de Maupin, va repenser le modèle de la femme. Le travestissement comme forme d’émancipation, presque désinvolte, met à l’épreuve les structures sociales de l’époque. Par ailleurs, la sensualité autour de cette jeune fille notamment, crée à l’instar du travestissement une dynamique frauduleuse qui place Mademoiselle de Maupin comme maître d’elle-même.
Tout d’abord, le travestissement de Madelaine est une remise en cause des conventions établies autour de la femme et du genre de manière générale. En se travestissant en homme, sous le nom de Théodore de Sérannes, Mademoiselle de Maupin transcende les attentes sociales associées à son genre biologique et dépasse les préconceptions. En effet, Madelaine, de par sa nouvelle identité entre peu à peu dans le cercle masculin de façon inaperçue. Son adaptation est telle que le seul homme à se rendre compte de la tromperie est D’Albert. Au chapitre XIV, par exemple, lorsque Alcibiade surprend sa sœur Rosette et Théodore dans une chambre tous les deux, celui-ci provoque en duel Madelaine, qui toujours déguisée en homme ne peut refuser. Ce combat, digne d’une fiction romanesque, est remporté par Mademoiselle de Maupin qui blesse Alcibiade. Le travestissement de Madelaine lui permet d’accéder à des entreprises qui lui serait inaccessible en tant que dame et de par ailleurs dépasser des idées préconçues quant à la force ou l’agilité d’une femme lors d’affrontement physique. Ainsi, Madelaine conteste ouvertement les attentes imposées aux femmes dans la société de son époque. En exprimant la volonté de comprendre les secrets et les codes sociaux masculins, elle défie ouvertement les limitations sociétales imposées aux femmes et s’adapte à de nouvelles structures sociales. Parallèlement, le travestissement de Madelaine interroge les notions de genres. Celui-ci permet à Madelaine de naviguer entre les identités féminines et masculines, tout en mettant en lumière l'idée d'androgynie. Cela remet en question la notion de dualité stricte entre les genres et suggère une forme d'identité plus fluide et complexe. Madeleine, déguisée en Théodore de Sérannes, incarne à la fois des traits masculins et féminins. Ce mélange d'attributs traditionnellement associés à des genres différents contribue à l'idée d'androgynie. Par exemple, elle combine la grâce féminine avec des qualités traditionnellement masculines comme la force d'esprit et l'indépendance. En conséquence, le travestissement de Mademoiselle de Maupin est une remise en doute d’une société qui s’inscrit dans un ordre défini où la place de la femme et plus communément du genre ne laisse pas place à l’indépendance, l’autonomie et surtout à la singularité de chacun.
Puis, tout comme la figure travestie qu’est Madelaine, la sensualité, le caractère érotique et la sexualité observable dans le roman illustrent une transgression sociale qui explore des relations et désirs contournant certains stéréotypes du XIXe siècle. En effet, ce faux conte libertin met en exergue l'exploration de la sensualité et de l'érotisme qui, à l’époque, était souvent soumise à des normes strictes de morale et de comportement. En mettant l’accent sur ces thèmes, Mademoiselle de Maupin remet en question ces codes et explore des aspects de la vie humaine qui étaient souvent ignorés ou réprimés dans la société. Prenons comme exemple le personnage de D’Albert qui, pensant que Théodore de Sérannes était vraisemblablement un homme, découvre une forme d’ambiguïté dans son hétérosexualité. Apeuré presque effaré, il certifie dans une lettre à son ami Silvio qu’il est plausiblement amoureux d’un homme. Il cite, dans celle-ci, au chapitre IX: « (…) je rougis d’y penser et de l’écrire ; mais la chose hélas ! N’est que trop certaine, j’aime ce jeune homme, non d’amitié, mais d’amour ». En présentant le thème de l’homosexualité de manière ouverte et parfois provocante, l'œuvre défie les tabous sociaux de son époque. Par ailleurs, le roman contient des passages où les personnages s'engagent dans des dialogues ou des actions sensuelles et passionnées, illustrant des moments de séduction et d'attraction. Par exemple, les interactions entre Madelaine, Théodore de Sérannes, D'Albert et Rosette dépeignent des moments chargés d'une forte tension émotionnelle et sexuelle. De plus, le XVIe chapitre dessine une scène de sexe entre Madelaine et D’Albert, puis une présupposée mais incertaine relation sexuelle entre Madelaine et Rosette interprétable par le lit qui « portait l’empreinte de deux corps ». Ce faisant, Théophile Gautier parvient à dévoiler les désirs féminins ainsi que la bisexualité, qui souvent oubliés peinent à faire surface dans la littérature classiques du XIXe siècle, et s’affranchit des normes sociales de l’époque. De la sorte, le caractère sensuel et érotique de Mademoiselle de Maupin permet de mettre au centre des interrogations la légitimité des principes sociaux instaurés en dégageant des problématiques essentielles telle que l’homosexualité.
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