Dissertation sur le monstrueux

Introduction

Le monstrueux fascine autant qu’il effraie. Qu'il prenne la forme d'une créature difforme, d'une transgression morale ou d'une société déshumanisée, le monstrueux incarne ce qui défie l’ordre établi, l'harmonie et la norme. Historiquement, il a été perçu comme une manifestation de l’étrange, voire du divin, avant de devenir un objet d’étude pour comprendre nos propres peurs et travers. Dans L’Odyssée d’Homère, le Cyclope Polyphème illustre une force brute et sauvage en opposition à l'intelligence humaine. Dans La Ferme des animaux de George Orwell, c'est la corruption du pouvoir et la déshumanisation qui deviennent monstrueuses. Enfin, dans le film Elephant Man de David Lynch, le monstrueux interroge notre perception de l'altérité et de l'humanité. Ces œuvres, et bien d'autres, montrent que le monstrueux dépasse l’apparence pour révéler des dimensions morales, sociales ou métaphysiques. Mais qu’est-ce qui rend réellement quelque chose monstrueux ? Est-ce une simple question de différence ou le reflet de nos propres imperfections ?

Problématique : Le monstrueux est-il avant tout une altérité qui nous terrifie, ou bien le miroir de nos propres défaillances humaines et sociales ?

Annonce du plan : Pour répondre à cette question, nous analyserons d'abord le monstrueux comme une figure d'altérité radicale (I), puis nous verrons comment il révèle une monstruosité intérieure ou morale (II), avant de comprendre que le monstrueux est souvent une construction sociale qui interroge nos normes et préjugés (III).

I. Le monstrueux comme figure d'altérité radicale

Dans un premier temps, le monstrueux se définit par sa différence flagrante, qui marque une rupture avec ce que nous considérons comme normal ou familier. Il devient ainsi le symbole de l’altérité absolue.

L’Odyssée d’Homère met en scène une opposition frappante entre Ulysse, héros de l’intelligence et de la ruse, et le Cyclope Polyphème, une créature colossale, brute et déshumanisée. Polyphème n’est pas seulement effrayant par son apparence — un œil unique au centre du visage — mais aussi par ses actions : il capture et dévore les compagnons d’Ulysse sans aucune pitié. Cependant, cette monstruosité n’est pas sans nuance. Polyphème est aussi vulnérable, notamment lorsqu’Ulysse le trompe en lui crevant son œil. Ici, le monstrueux met en lumière une altérité radicale qui incite à la peur, mais aussi à la réflexion : est-il simplement un monstre ou une créature réagissant à l’envahissement de son territoire ?

Dans le film Elephant Man (1980), le personnage de John Merrick est jugé monstrueux par son apparence : des difformités physiques extrêmes qui font de lui une attraction de foire. Pourtant, derrière cette apparence effrayante se cache un être profondément humain, sensible et intelligent. Le monstrueux, dans ce cas, repose sur un jugement initial basé sur l’apparence, qui révèle notre propre incapacité à voir au-delà des différences physiques. L’altérité de Merrick effraie, mais elle questionne aussi la véritable monstruosité : est-elle dans son apparence ou dans le rejet violent qu’il subit ?

En somme, le monstrueux comme altérité révèle la peur que nous éprouvons face à ce qui sort de notre cadre normatif. Cependant, il ne se limite pas à cela et peut également devenir un miroir de nos propres faiblesses.

II. Le monstrueux comme reflet de nos monstruosités intérieures et morales

Le monstrueux

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