Pierre Nora, les Lieux de Mémoire

Introduction :  Aujourd’hui nous allons vous présenter comment la Shoah est abordée au sein de l’œuvre que nous avons choisi.

Beaucoup d’œuvres ont participé à la mémoire du génocide des Juifs et de la Shoah en apportant des témoignages.

L’historien français, Pierre Nora, dans son ouvrage, Les Lieux de Mémoire, publié en 1984, montre que l’histoire et la mémoire sont deux réalités différentes. La mémoire désigne l’ensemble des souvenirs d’évènements partagés par des individus, des groupes et des sociétés. Ces souvenirs sont toujours subjectifs et évoluent et se transforment avec le temps, car ils sont reconstruits, réinventés et réinterprétés. La mémoire donne donc une vision très subjective du passé. Partielle, elle ne retient que certains éléments du passé et en rejette d’autres. Elle est aussi partiale et ne retient qu’une interprétation du passé sans prendre en compte les autres interprétations possibles. En effet, pour un même évènement, il y autant de mémoires que de groupes, de sociétés qui partagent ces souvenirs. Tant dis que l’histoire c’est un récit distancié, objectif des faits passés.

Problématique :

• Comment et pourquoi l’œuvre de Spiegelman contribue-t-elle à transmettre la Mémoire du génocide des juifs ? Dans un premier temps nous ferons une présentation générale de Maus, ensuite nous verrons les spécifiés de l’œuvre puis nous étudierons en quoi est-ce un témoignage graphique puis nous conclurons.

1. Qu’est-ce que Maus ?

A) Présentation de l’œuvre et de l’auteur :

Maus (qui veut dire souris en allemand), est un roman graphique ou bande dessinée. C’est à la fois un récit biographique (dessinant une période de la vie de son père) et autobiographique (l’auteur dessine les entretiens avec son père).  L’œuvre parait en 1986, par l’américain Art Spiegelman.

Art Spiegelman est né le 15 février 1948 à Stockholm en Suède. Ses deux parents sont rescapés d’Auschwitz. Ce livre a reçu le prix Pulitzer en 1992 (prix américain qui récompense différents domaines allant du journalisme à la musique.) L’œuvre est publiée en deux volumes, le premier s’intitulant : « Maus : Mon père saigne l’histoire » et le second, « Maus : Et c’est là que mes ennuis ont commencé ». Elle a été traduite dans 18 langues et sera l’objet d’une exposition au musée d’art moderne de New York. Maus est mondialement connu.

Cette bande dessinée est un témoignage d’un père, survivant des camps d’extermination des juifs, à son fils.

B) Contexte historique :

L’histoire se situe entre 1936 et 1946, depuis la montée du nazisme en Europe, jusqu’à l’arrivée au pouvoir d’Hitler en janvier 1933. L’ouvrage aborde les premières persécutions des juifs à la suite de la radicalisation des mesures antisémites en 1938 (le terme « pogrom » apparaît explicitement dans l’histoire), la vie dans les ghettos à Sosnowiec en Pologne, leur tentative de fuir vers la Hongrie ainsi que leur arrestation par la Gestapo et leur entrée à Auschwitz en 1944.

Le livre aborde également leur survie au sein des camps jusqu’à l’effondrement du IIIe Reich et leur libération qui donne suite à un départ de la Pologne pour les Etats-Unis via la Suède. Ensuite l’histoire se poursuit de 1958 jusqu’à 1987 donc bien au-delà de la mort de son père qui survient en 1982.

C)Personnages et histoire :

Les personnages principaux de l’histoire sont : son père Vladek Spiegelman, un juif polonais survivant de la Shoah et des camps d’extermination et de sa femme nommée Anja. Anja se donnera la mort à la suite d’une dépression (syndrome du survivant) en 1968 et son frère Richieu, que l’auteur n’a pas connu, meurt lui pendant la déportation.

 Art Spiegelman rend visite à son père, avec qui il a des relations compliquées. On apprend que sa première femme, la mère de Art, s’est suicidée et qu’il s’est remarié.

 Il demande à son père de lui raconter ses souvenirs pendant la guerre.  A chaque visite d’Art chez son père, celui-ci lui raconte un bout de sa vie. Vladek Spiegelman, le père d’Art, commence donc par faire le récit de sa jeunesse. Sa rencontre et son mariage avec Anja, sa première femme puis la naissance de son premier fils, Richieu, qui n’a malheureusement pas survécu à la guerre. Ensuite il explique comment la Pologne se fait doucement envahir par les nazis et qu’il est envoyé à la guerre pour défendre son pays. Malheureusement il est fait prisonnier de guerre et est forcé de travailler. Quand il est relâché, il constate qu’une partie de la Pologne a été annexée.

Par la suite, sa famille est séparée et Vladek ne se retrouve qu’avec sa femme. Pour survivre, ils passent de cachette en cachette, puis se font piéger par des passeurs hongrois qui leur promettent de les aider mais en fait les conduisent tout droit à Auschwitz, le camp de concentration pour les juifs où Vladek et Anja seront donc séparés jusqu’à la fin de la guerre.

Dans le tome II, on peut voir Art Spiegelman qui explique à son psychologue qu’il se sent comme un imposteur et qu’il culpabilise d’avoir vécu une vie heureuse en contradiction avec celle de son père. Il continue tout de même de rendre visite à celui-ci pour continuer son livre sur le récit de son vécu.

Vladek parle donc du calvaire qu’il a vécu dans le camp, la faim, les coups, etc… Puis la libération avec les marches de la mort d’Auschwitz jusqu'à Dachau où les conditions sont encore plus horribles. Puis de la fin de la guerre, les retrouvailles avec sa femme et leur déménagement aux Etats-Unis ou Art naît. Vladek est très malade à cause de la guerre et la fin du récit se fait dans une chambre d'hôpital.

1. Les spécificités de l’œuvre :

1. Effets produits sur les lecteurs :

On peut constater que l’auteur utilise des titres poignants pour nommer son ouvrage. Pour le premier titre : « Maus : Mon père saigne l’histoire ». Avec ce titre l’auteur insiste sur la douleur et la difficulté pour son père de narrer sa propre histoire.  En effet son père fait de nombreuses références à la Shoah bien après la guerre et au traumatisme que cela lui a infligé. Ensuite le second titre : « Maus : Et c’est là que mes ennuis ont commencé ». Dans cette partie il traite des ghettos polonais où sont envoyés les juifs ainsi que de la déportation vers les camps de concentration. C’est pour cela que l’auteur emploie le mot « mes ennuis », c’est-à-dire de tous les problèmes qu’il a rencontrés ainsi que de ses stratégies mises en place pour tenter survivre. Dès le début du livre, l’auteur cite une phrase de Hitler « Les juifs sont indubitablement une race, mais ils ne sont pas humains. » cela nous montre bien dès le début cette haine contre la communauté juive et l’horreur qui est présente. Spiegelman refuse d’utiliser la couleur dans son livre. L’histoire est entièrement dessinée en noir et en blanc, ce qui donne une impression monochrome. Ici la présence de couleurs n’est pas utile tant les dessins sont révélateurs et forts. Le noir et le blanc insistent sur la tragédie, l’horreur et la profonde tristesse de ce récit. La sobriété de l’œuvre évite de rendre « joli » ce crime contre l’humanité.

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