Lettre à Franscesco Vettori, Machiavel

La lettre la plus célèbre de la littérature italienne est celle que Machiavel a envoyée à son ami Francesco Vettori en décembre 1513. À ce moment-là, Vettori était l'ambassadeur de Florence à Rome, tandis que Machiavel avait été écarté de la politique, car les Médicis étaient revenus au pouvoir depuis près d'un an. Dans cette lettre, Machiavel annonce à Vettori qu'il vient de rédiger un texte qu'il nomme un "opuscule de Principatibus," c'est-à-dire un court ouvrage sur les principautés. Il précise que si l'on lisait cet opuscule, on verrait que pendant les 15 ans où il a acquis son expérience dans le métier de l'État, il n'a ni dormi ni joué.

Au moment où il écrit cette lettre, il a quitté la boutique où il travaillait, c'est-à-dire la seconde chancellerie de la République florentine, dans laquelle il avait travaillé depuis le 15 juin 1498, date à laquelle il avait été élu secrétaire de la seconde chancellerie. Il y est resté jusqu'au début de novembre 1512, lorsque les Médicis sont revenus à Florence. Ils l'avaient chassé par une émotion populaire en novembre 1494. À leur retour, ils l'ont privé de son emploi à la chancellerie avant de l'assigner à résidence surveillée hors de Florence.

Machiavel a été arrêté le 12 février 1513 après la découverte d'une conjuration anti-médicéenne. Il a été condamné à la prison à vie et n'a recouvré la liberté qu'à la liesse générale qui a suivi l'élection d'un des membres de la famille des Médicis au cardinalat, le 11 mars 1513. Ce cardinal a pris le nom de Léon X.

La naissance de Nicolas Machiavel a eu lieu le 3 mai 1469 à Florence, une période marquée par le règne de la maison des Médicis sur Florence, une période de protection des philosophes et des artistes. Pour avoir un contexte extérieur, en France, Louis XI unifiait le royaume, et pour vous donner une idée de l'époque, en 1469, Léonard de Vinci avait 16 ans et Christophe Colomb, 18 ans.

Tout d'abord, Machiavel est issu d'une famille bourgeoise possédant quelques terres. Dès son jeune âge, il a appris plusieurs langues, notamment le latin et le grec, et il s'est plongé dans la lecture des auteurs antiques, un point que nous développerons davantage plus tard. À seulement 12 ans, Machiavel était capable d'écrire des textes en latin, une compétence dont son père se vantait dans son journal en notant : "Niccolo peut maintenant rédiger tout seul des textes en latin." Machiavel s'inscrivait dans un courant plutôt humaniste de la Renaissance et, en tant qu'héritier d'une famille de magistrats, il a entrepris des études juridiques.

Maintenant, en situant Machiavel en tant qu'exilé politique, en 1512, le pape Jules II est arrivé à Florence avec la Sainte Ligue, chassant les Français d'Italie. Florence a été sévèrement punie, la milice de Machiavel s'est repliée à Prato et a été pillée de manière brutale par les Espagnols. Les Médicis ont été ramenés dans les fourgons espagnols, chassant le chef de la République florentine, Pier Soderini, et Machiavel a suivi dans sa disgrâce. Les Médicis étaient une puissance familiale du commerce et de la banque qui a exercé une forte influence sur la vie politique et culturelle de la cité de Machiavel du XVe au XVIIIe siècle.

En juillet-décembre 1513, Machiavel a rédigé "De Principatibus," un ouvrage qu'il a achevé en quelques mois, mais qui n'a jamais été imprimé de son vivant. Il a dédié "Le Prince" à un Médicis, Laurent II, dit le Magnifique. Machiavel est décédé le 22 juin 1527 sans avoir vu la réussite d'aucun de ses grands projets politiques pour l'Italie.

La philosophie de Machiavel est principalement politique, centrée sur l'art de gouverner et d'administrer la vie dans la cité. Son nom est injustement associé à l'adjectif "machiavélique", qui ne reflète pas correctement sa doctrine. "Machiavélique" résonne comme une malveillance, une intelligence malicieuse, alors qu'en réalité, chez Machiavel, il n'y a pas l'idée de faire le mal pour faire le mal. Parfois, le mal peut être un instrument pour gouverner le peuple, pour conserver le pouvoir. Sa philosophie politique s'oppose à la philosophie antique et médiévale, faisant de lui le fondateur de la philosophie de la politique moderne.

Sa philosophie repose essentiellement sur le réalisme, au sens usuel, c'est-à-dire la prise en compte de la réalité et l'acceptation de la réalité telle qu'elle est. Toute la philosophie de Machiavel est basée sur ce postulat réaliste, qui consiste à dire qu'il ne faut pas considérer les citoyens comme on voudrait qu'ils soient, mais les considérer tels qu'ils sont. On ne doit pas chercher à les changer, à les transformer en quelque chose qu'ils ne sont pas. En résumé, si l'objectif de la politique est de gouverner, il faut partir de la réalité, qui est l'incapacité de l'homme à faire le bien, son penchant pour le vice et les passions. Ainsi, il faut s'appuyer sur cette réalité pour pouvoir le gouverner.

Francesco Vettori, né le 8 novembre 1474 à Florence et décédé à l'âge de 65 ans le 5 mars 1540, toujours à Florence, a été un diplomate, historien, homme politique et écrivain. Issu d'une famille noble, il a entretenu une amitié étroite avec Machiavel, avec qui il correspondait par lettres privées qui sont devenues publiques, bien que Machiavel ait anticipé cette publication. Ces lettres ont révélé les journées d'exil de Machiavel et ses idées politiques.

L'Italie, à la fois riche et vulnérable, était la proie de toutes les puissances expansionnistes en Europe. Les puissances étrangères y pénétraient et les princes locaux se tournaient vers elles pour s'affronter les uns contre les autres. Jalonnons quelques dates clés pour comprendre la situation : en 1494, Charles VIII traverse l'Italie, destitue les Médicis du pouvoir à Florence et rétablit la République, dont Machiavel deviendra secrétaire quatre ans plus tard.

Une coalition composée de l'Espagne, de Venise, de Milan et du pape pousse Charles VIII à retourner en France. En 1499, Louis XII prépare une campagne en Italie par le biais d'une politique d'alliance, mais il n'atteindra pas ses objectifs. En 1511, le pape Jules II crée une alliance appelée la Sainte Ligue, dont la devise est "Dehors les barbares", c'est-à-dire les Français. Les "barbares" sont expulsés d'Italie, ramenant les Médicis au pouvoir et excluant ainsi Machiavel de son poste d'État, le condamnant à un exil politique de 15 ans.

En 1519, Charles Quint devient empereur d'Allemagne et envisage de faire la jonction avec ses possessions méridionales, ce qui déclenche 30 années de guerres en Italie. En 1525, François Ier est fait prisonnier à Pavie, ce qui le pousse à préparer une revanche, qui finira par échouer. En 1527, les armées impériales pillent Rome et chassent de nouveau les Médicis de Florence. Le principal perdant de ces guerres d'Italie n'est autre que l'Italie elle-même, qui a été le théâtre de batailles sans jamais en bénéficier. Comme Machiavel l'a même mentionné dans "Le Prince" au chapitre 12 : "L'Italie a été parcourue par Charles, pillée par Louis, violée par Ferdinand et déshonorée par les Suisses."

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