Les hauts-fonctionnaires en France au XIXème siècle – Christophe Charle
Fiche : Les hauts-fonctionnaires en France au XIXème siècle – Christophe Charle. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Zilaria • 26 Juin 2023 • Fiche • 1 842 Mots (8 Pages) • 333 Vues
Les hauts-fonctionnaires en France au XIXème siècle – Christophe Charle
Les rivalités entre hauts-fonctionnaires, comme à l’inverse leurs stratégies pour assurer leur autonomie, ou encore la place variable qu’ils occupent sous les différents régimes, nous amènent donc à préciser l’image qu’on peut avoir du « pouvoir administratif » au XIXème siècle :
- Ni ordre au statut stable comme sous l’Ancien Régime, ni caste socialement unifiée comme dans les monarchies d’Europe orientale, les hauts-fonctionnaires en France, tirent de plus en plus leur pouvoir de leur stabilité face aux gouvernements instables, de leur compétence face à une population et des législateurs peu au fait des problèmes techniques. Ils forment ainsi une sorte d’avant-garde de la classe dominante ;
- Ils n’en sont pas pour autant une technocratie car la diversité des modes de recrutement, la dénonciation permanente du pouvoir des bureaux par l’opinion publique, l’incertitude libérale de la fonction de l’Etat, les liens étroits entre hauts fonctionnaires par le mariage ou l’hérédité avec la bourgeoisie possédante ne leur donnent pas le fondement de la légitimité technocratique. Surtout, les rivalités témoignent de la diversité des principales catégories de hauts fonctionnaires.
- La fonction préfectorale
Création du Consulat, la fonction préfectorale a gardé tout au long du XIXème siècle, en dépit des changements de régime, beaucoup de ses traits initiaux. Chaptal, ministre de l’Intérieur la définissait ainsi : « le préfet, essentiellement occupé de l'exécution, transmet les ordres au sous-préfet, celui-ci aux maires des villes, bourgs et villages ; de manière que la chaîne d'exécution descend sans interruption du ministre à l'administré, et transmet la loi et les ordres du gouvernement jusqu'aux dernières ramifications de l'ordre social avec la rapidité du fluide électrique ».
- Cet idéal d’un pays marchant comme une machine trahit l’optimisme des Lumières dont l’incarnation est le despotisme éclairé du consul puis de l’empereur. Le préfet doit donc être, au niveau du département, le relais entre le centre et les extrémités du corps social. Mais, ces pachas sont, pour le pouvoir ou pour les administrés, rendus responsables de toutes les aberrations administratives.
L’administration française fait face à un éternel dilemme : son excessive centralisation qui fait tout aboutir au préfet été son cloisonnement qui produit des interférences entre les demandes des différents ministères. Mais à ces servitudes de travail s’ajoute un devoir que connaissent pas au même degré les autres hauts fonctionnaires : le loisir pour les préfets fait partie du métier. Les réceptions et les manifestations officielles ou culturelles sont des obligations de fonction au même titre que l’établissement d’une statistique ou la surveillance du pays.
- Les officiers généraux
Les officiers généraux occupent une place à part parmi les hauts fonctionnaires au XIXème siècle, parce que, fait unique, ils sont presque intouchables et que sauf rares exceptions, ils ont finalement servi sans trop rechigné tous les régimes pourvu que ceux-ci conservent l’ordre social. Au-delà de l’opportunisme plus souvent maquillé sous le nom de respect de la loi, il faut chercher les raisons de cette fidélité relative dans l’habileté des gouvernants à concilier les bonnes grâces des chefs militaires, par peur précisément de perdre, faute d’alliance avec eux, le principal rempart de l’ordre social. Ainsi, non seulement les généraux sont peut-être le premier exemple de haut fonctionnaire au sens moderne du mot par suite de leur spécialité, de l’autonomie de leur recrutement, mais aussi parce que, présage de technocratie. Ce sont les seuls dont les hommes politiques respectent la sphère d’action.
- Les grands corps
L’expression « les grands corps de l’Etat », aujourd’hui galvaudée, avait initialement un sens bien précis, puisqu’elle désignait strictement : la Cour de Cassation, la Cour des Comptes et le Conseil d’Etat. Ces corps se distinguent des autres hauts fonctionnaires par l’inamovibilité dont jouissent les membres des deux premiers et tous ont en commun des fonctions de magistrature et de jurisprudence. Il convient donc de se demander pourquoi le privilège de la Cour des Comptes et du Conseil d’Etat s’est maintenu dans la hiérarchie du prestige administrative et comment l’Inspection des finances, relativement obscure, pendant les trois premiers quarts du XIXème siècle s’est hissée, à l’orée du XXème siècle, au même niveau que ses ainés.
- Bien que différents par leurs fonctions, leurs compétences et leur position selon les régimes, ces trois corps ont en commun de servir de début, de milieu ou de fin de carrière pour les hauts fonctionnaires aux carrières les plus brillantes. C’est la proximité du pouvoir politique qui explique ce privilège sur les autres hauts fonctionnaires.
- L’Inspection des finances
Les inspecteurs des finances, qui devaient être selon le mot de Villèle les yeux et les bras du ministre, conquièrent ainsi peu à peu ce qui fonde le pouvoir et le prestige d’un corps de hauts fonctionnaires : la crainte inspirée aux subordonnées par leur irruption inopinée et l’envie suscitée par toute fonctionnaire en contact direct avec le gouvernement. Ce double privilège obligea à fermer l’accès d’un corps qui attirait de plus en plus de candidats. Mais plus qu’une barrière intellectuelle, ce fut une barrière financière qui fut instaurée e : les futurs inspecteurs devaient justifier d’un revenu de 2000 F par an pour vivre pendant la période de probation qui leur était imposée avant d’être définitivement intégrés dans les cadres.
Par ailleurs, à l’époque de l’impérialisme, les inspecteurs des finances se voient assigner officieusement, auprès des pays coloniaux ou semi-coloniaux, le rôle de remise en ordre qui a été le leur dans les régions mal administrées de la France au début du XIXème siècle. Mais la colonisation la plus fructueuse pour l’image de marque de l’Inspection est celle des grandes directions du ministère des Finances. C’est moins le fait qui est nouveau, puisque des inspecteurs deviennent directeur dès la Monarchie de Juillet, que son caractère systématique et surtout la précocité des nominations, entre 40 et 45 ans, alors que les directeurs non inspecteurs sont plus prés de la cinquantaine.
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