Lettre de déporté
Fiche : Lettre de déporté. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Elise Gallay Ravel • 16 Mars 2020 • Fiche • 776 Mots (4 Pages) • 589 Vues
Paris le 16 juillet 1992
Mes très chers petits-enfants,
Pour le devoir de mémoire et malgré la douleur que je ressens encore aujourd’hui, je vais vous raconter dans cette lettre ce qui s’est passé jour pour jour il y a cinquante ans. En 1942, j’avais 11 ans, j’habitais à Paris dans le 20e arrondissement pas très loin de Belleville avec mes parents mes deux sœurs âgées de 14 et 16 ans et mon petit frère de 9 ans. Nous étions issus d’une famille juive d’origine polonaise et depuis le 29 mai 1942, une ordonnance imposait le port de l’étoile jaune. Le 16 juillet 1942, à 10 heures du matin, nous avons entendu des cris dans la rue et quelques minutes après des policiers français du gouvernement de Vichy ont frappé à notre porte et sont venus nous chercher sans distinction, hommes, femmes, enfants. Tout le monde devait partir avec quelques affaires. Toutes les familles juives se sont retrouvées dans la rue. À la demande du régime nazi, les autorités françaises venaient de lancer une rafle massive de juifs dans la capitale et sa banlieue. En deux jours, plus de 13 000 hommes, femmes et enfants ont été arrêtés durant cette rafle qu’on nommera plus tard la rafle du Vel d’hiv. On nous a ensuite fait monter dans un bus bondé traversant Paris et on nous a arrêtés pas loin de la Tour Eiffel, rue Nelaton. On nous a fait rentrer dans le Vélodrome d’hiver, le complexe sportif. A l’intérieur, c’était une horreur, il faisait une chaleur écrasante sous les verrières, la lumière était forte et il y avait un bruit terrible. Nous n’avions quasiment rien à manger, et très peu à boire, les conditions sanitaires étaient déplorables. Le vélodrome était surpeuplé. Il y avait des nourrissons, des femmes enceintes, certains pris de désespoir se jetaient par-dessus les rambardes. La plupart des gens restaient assis sur les bancs espérant je ne sais quoi, peut-être qu'on nous libère, après un contrôle d'identité. L'impression de vivre un cauchemar, sans savoir pourquoi. Mes parents étaient inquiets surtout en voyant arrivés des mutilés, des personnes en fauteuil roulant. Ma mère disait : ils nous cachent quelque chose, un jour il faudra vous enfuir !
Nous sommes restés 6 jours au Vel d’Hiv. Et le calvaire a continué, le 22 juillet, on nous a fait reprendre l’autobus vers la gare d’Austerlitz. A notre arrivée à la gare, nous avons dû monter dans des wagons à bestiaux, sous escorte de gendarmes français, laissant passer le minimum d’air et de lumière. Le voyage a duré près de 8 heures. Quand nous sommes arrivés au camp de Beaune La Rolande, dans le Loiret situé à une centaine de kilomètres de Paris, nous avons découvert un camp avec clôture de barbelés et baraques en bois. Il n’y avait plus de places sur les paillasses. On dormait par terre, sur de la paille. Les conditions de vie étaient très mauvaises, l’hygiène était très précaire. Nous ne mangions pas beaucoup. Certains enfants, dénutris tombaient malades et la chaleur dans les baraquements était insupportable. Et arriva le 7 août, il y eut un rassemblement : un gendarme français annonça que tous les adultes et les adolescents devaient partir mais que seuls les plus jeunes restaient pour l’instant par manque de wagons. Une scène épouvantable. Je m’accrochais à ma mère, mon père et mes
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