L'arbre aux pendus Jacques Callot
Commentaire d'oeuvre : L'arbre aux pendus Jacques Callot. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar Julie Lct • 4 Novembre 2022 • Commentaire d'oeuvre • 2 589 Mots (11 Pages) • 456 Vues
Jacques Callot, L’arbre aux pendus
« Si un homme, coupable d’un crime capital, a été mis à mort, et que tu l’aies pendu à un arbre, son cadavre ne pourra être laissé la nuit sur l’arbre ; tu l’enterreras le jour même, car un pendu est une malédiction de Dieu». Cette citation extraite des verset vingt-deux et vingt-trois du chapitre vingt-et-un du cinquième livre de l’Ancien Testament met en avant la malédiction que représente un homme pendu à un arbre. En effet, selon les cultures hébraïques ou bibliques, un homme n’est pendu que s' il a commis un crime d’une gravité extrême qui a fait de lui l’objet d’une malédiction divine. Jacques Callot, dessinateur et graveur lorrain connu pour sa maîtrise quasi parfaite des techniques de gravures et son étonnante précision et son fervent catholicisme s’inspire de ce mythe et du contexte historique dans lequel il évolue pour peindre les malheurs de son temps. En effet, l’artiste a vécu durant la Guerre de Trente Ans, une longue et sanglante guerre qui a débuté en 1618 et s’est achevée en 1648. Il grave sur le cuivre des scènes de la vie militaire avec un tel réalisme qu’il s’érige comme un véritable témoin de son époque, en particulier avec la parution en 1633 d’une double suite de gravures intitulée Les Grandes et les Petites misères de la guerre qui se présentent comme une suite narrative de dix huit planches grâce auxquelles le graveur nous embarque dans un poignant témoignage sur les drames de la guerre à l’instar des massacres, des pillages ou encore des exécutions par fusillades ou par pendaison. C’est justement la représentation du dernier mode d’exécution sur la onzième planche qui le place comme un des artistes représentants le mieux les horreurs de la guerre avec des artistes tels que le peintre espagnol Francisco Goya des siècles plus tard. Cette planche intitulée La pendaison est une eau-forte d’une largeur d’un peu plus de dix-huit centimètres et d’une hauteur de sept centimètres, aujourd’hui conservée au musée lorrain de Nancy, met en avant une scène funeste,sur trois plans, un grand chêne si haut qu’une échelle est nécessaire pour atteindre ses branches. Cependant, aux extrémités de celles-ci ce ne sont pas des branches que l’on trouve, mais des corps pendus dont certains sont sûrement déjà en état de décomposition. Sur cette échelle appuyée contre le tronc, un bourreau passe la corde au cou de la prochaine victime. Au pied de l’arbre, les autres condamnés, quatre au total attendent aussi la mort, soit en jouant aux dés, soit en cherchant à se repentir une dernière fois auprès de Dieu par le biais d’hommes d’églises présents sur la scène. De part et d’autre de la gravure, une foule que l’on suppose n’être composé quasiment que des troupes militaires au vu des uniformes qu’ils arborent et de leur campement en arrière-plan, observe la scène. Callot nous fait comprendre dans la légende accompagnant l'œuvre que ce ne sont rien d’autre que, selon ses termes, des “voleurs infâmes” exécutés pour leurs méfaits. L’exécution de la peine de mort par la pendaison est très courante à l’époque du graveur. Elle est inscrite dans la Coutume Lorraine qui la prévoit comme attribut de la haute justice seigneurial mais aussi et surtout selon les disposition du Code de justice militaire où punitions corporelles, châtiments et peine de mort sont décidés, néanmoins, de manière expéditive. Toutefois, il est important d'inscrire l'œuvre dans son contexte historique. C’est une série de conflits qui a ravagé l’Europe de 1618 à 1648, où se sont affrontés deux camps : les Habsbourg d’Espagne et Saint Empire, catholiques face aux princes des États allemands du Saint Empire, protestants. La cause majeure du déclenchement de cette guerre fût, l’instabilité politique et surtout religieuse du Saint Empire romain germanique. Car afin de résister aux progrès de la Réforme catholique, les princes protestants se convertissent au protestantisme qui s’était diffusé en Prusse et dans les pays du Nord, cependant la signature de la Paix d'Augsbourg de 1555 prohibe la coexistence de deux religion, catholique et luthérienne, en Allemagne. Le 23 mai 1618, les protestants de Bohème se révoltent contre le nouveau roi catholique dont le dessein était de catholiciser le royaume. La guerre de Trente Ans débute à la défenestration de Prague où des représentants de l’Empire catholique sont poussés par la fenêtre. Ce conflit départ interne dégénère en conflit européen. L’Espagne catholique intervient et le Danemark et la Suède se rallient aux protestants. La France qui espérait éteindre l’hégémonie des Habsbourg en Europe s’allie aux puissances protestantes du Nord et relance le conflit qui s’est achevé avec les traités de Westphalie d’octobre 1648. Le bilan de cette longue querelle a été d’environ quatre à sept millions de morts. Dans les Les Grandes et les Petites misères de la guerre Jacques Callot restitue, à l’aide des techniques de gravures florentines, la tragique réalité de la guerre de Trente Ans sur sa terre natale lorraine entrée en guerre en 1631 et où les armés venues de toute l’Europe et les troupes du cardinal Richelieu ont ravagés les campagnes, torturés les populations, pillés les villes et apportant avec elles non seulement la famine et le désespoir mais aussi la famine. La monarchie durant les périodes de guerres a toujours été portrayée comme victorieuse. Dans le cas de le l'œuvre de Callot, ce n’est pas l’image du roi guerrier qu’il cherche à représenter, comme ses prédécesseurs, mais plutôt celle de la “société des gens de guerre”. Il déconstruit cette image de la guerre glorieuse et symbolique pour mettre au premier plan le point de vue des victimes et du soldat, c’est de là d’où vient tout l’intérêt de l’analyse de La Pendaison mais aussi celle de se poser la question sur comment l’auteur célèbre-t il la justice militaire sur cette planche en particulier. C’est pourquoi étudier la dimension mythique de l’arbre puis la place du divin dans cette scène d’exécution est primordial afin de trouver une réponse à cette question.
I- L’arbre : une dimension mythique
A travers les ages et les cultures l’arbre possède une dimension mythique indéniable (I), Jacques Callot ici, le met en exergue avec son funeste lustre qu’il place au centre de l’image (A) et nous rappelle cette dimension mystique en puisant son inspartion dans la culture biblique (B).
A- Un funeste lustre au centre de l’image
Ce grand arbre, un vieux chêne est la première chose que l’on remarque dans cette eau-forte. Il est majestueux et surtout si haut qu’il faut une échelle pour atteindre ses branches dont ne pend pas aux extrémités des fruits, mais de corps pendus, vingt et un au total, dont certains doivent déjà être en état de décomposition. Les branches sont si basses, à cause, du poids des cadavres, qu’elles pendent et forment une sorte de lustre funeste. L’arbre est érigé en œuvre d’art, il capte toute l’attention malgré son sommet coupé par les bords de l’image. Ce n’est pourtant pas le premier cas d’arbre aux pendus connu de cette époque, plus d’une centaine d’autres jonchaient l’Europe de la guerre de Trente Ans. Callot nous présente donc un fait militaire parmi tant d’autres. De plus, le châtiment n’est pas individuel mais collectif, ce qui peut créer un sentiment d’angoisse collective auprès des condamnés. L’arbre est l’élément central de cette oeuvre, dans l’histoire et dans le folklore il possède plusiers significations dont Jacques Callot va plus ou moins s’inspirer.
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