Joseph Addison, The spectator
Commentaire de texte : Joseph Addison, The spectator. Recherche parmi 300 000+ dissertationsPar tidi65 • 31 Janvier 2020 • Commentaire de texte • 2 301 Mots (10 Pages) • 576 Vues
Le document historique est extrait d’un article du publiciste, écrivain et homme politique britannique Joseph Addison, paru dans le journal The Spectator (« Le Spectateur ») le 29 janvier 1712.
Joseph Addison, né le 1er mars 1672 dans le Wiltshire, est le fils d’un pasteur anglican. Il étudie au prestigieux Magdalen College de l’université d’Oxford, où il excelle en poésie latine. Il se fait connaître favorablement du roi Guillaume III (1689-1702) par ses odes à la gloire de la monarchie anglaise : il reçoit pour cela une pension, qui lui permet de voyager en Europe. Puis il entre dans la carrière politique, en étant proche des whigs. Il est en particulier le protégé de Charles Montagu (1661-1715), comte d’Halifax, chancelier de l’Echiquier sous Guillaume III (1694-1699). En 1705, il devient lui-même sous-secrétaire d’Etat parlementaire. Par la suite, il est député à la chambre des Communes, avec un fort tropisme pour les affaires irlandaises. Après le retour au pouvoir des whigs en 1717, il devient secrétaire d’Etat -tandis qu’Halifax est nommé premier Lord du Trésor- mais meurt prématurément le 17 juin 1719 à Londres.
Il collabore au journal de son ami de jeunesse, l’écrivain Richard Steele (1672-1729), l’éphémère The Tatler de 1709 à 1711, puis à partir de 1711, à son successeur The Spectator, qui s’adresse à une audience plus large. Malgré des parutions irrégulières, ce journal quotidien connaît un grand succès dans la population londonienne (il compte 60 000 lecteurs, mais un tirage sûrement inférieur), dans un contexte d’essor de l’opinion publique, qui s’explique en partie par la levée de la censure préalable en 1695 (Licensing Act), effervescence à laquelle les journaux participent pleinement. En 1712, il s’agit donc d’un jeune journal au succès déjà franc. Peu après, J. Addison se brouille avec Steele, ce qui interrompt leur collaboration.
Le Spectator rejoint les positions des whigs dans les grands débats politiques contemporains : la fin de la guerre de Succession d’Espagne avec le traité d’Utrecht en 1713 ou la succession protestante de la reine Anne Stuart (1702-1714), et combat les tories, revenus au pouvoir avec le chancelier Robert Harley après les élections parlementaires de 1710. La lutte partisane se fait alors très âpre (un leader whig comme Robert Walpole est emprisonné). Mais J. Addison sait aussi se détacher des enjeux immédiats pour produire des textes plus réflexifs et théoriques sur la nature de la politique, comme le montre le présent extrait.
Dans cet extrait, J. Addison prend la défense du gouvernement de la Grande-Bretagne selon les principes whigs, où l’autorité du monarque et de son gouvernement est limitée par différents contre-pouvoirs, dont le plus considérable est le Parlement britannique, et où des libertés fondamentales sont reconnues et garanties aux sujets de la Couronne. Il fait le décompte des avantages de ce nouveau type de régime tempéré pour la population britannique et le bien commun de l’Etat, et le trouve préférable au gouvernement monarchique absolu (qui aurait, selon lui, la faveur de ses adversaires tories. Un tel gouvernement modéré, défenseur des libertés publiques lui semble non seulement plus juste, mais aussi plus utile et profitable du point de vue économique. Il semble donc établir un lien entre la richesse et la liberté, cette dernière étant vue comme la conséquence de la première.
Comment ce texte exprime t-il les principes fondateurs du libéralisme, entendu au sens des whigs ?
En premier lieu, on verra en quoi ce texte est une apologie de la liberté au sens politique, puis on observera la manière dont Addison défend un équilibre des pouvoirs qui prémunirait cette liberté contre le despotisme ; enfin on se penchera sur les rapports nécessaires, selon lui, dans un tel régime libéral, entre la prospérité d’une nation et le degré de liberté dont jouissent ses habitants.
I) [Une apologie de la liberté politique.
A) Des libertés politiques fondées sur la liberté naturelle.]
D’emblée, J. Addison semble considérer la liberté comme la valeur cardinale de l’ordre politique : il prétend (l.8), que « la liberté doit s’étendre à tous les particuliers, puisqu’ils jouissent tous de la même nature ». Pour l’auteur, en effet, la liberté se trouve au fondement de l’ordre politique, puisqu’elle d’abord est un droit naturel : c’est avant tout une condition naturelle, le constat que les hommes naissent avec un certain libre-arbitre, la capacité de faire des choix autonomes. Cette idée de liberté naturelle existe déjà dans théorie politique classique issue de la scolastique médiévale, mais elle est ici radicalisée dans un sens naturaliste.
Cette liberté se trouve en lien avec l’égalité que (l.4-5) « la nature a mise entre tous les hommes » : nous sommes tous égaux à la naissance, au moins en liberté, car nous possédons tous, en droit, le même degré de liberté : ce principe de base fonde le reste du raisonnement de l’auteur. Puisque les associations entre hommes, qui forment la société et l’ordre politique, doivent être fondée sur la nature, elles doivent respecter le droit naturel, donc la condition libre de l’homme. Cette liberté ne se partage pas, elle (l. 8) « doit s’étendre à tous les particuliers » : comme elle est un droit naturel, elle ne peut pas être restreinte. Cela veut dire aussi que certains hommes ne peuvent pas être structurellement plus libres que d’autres, ce qui serait du même coup attaquer l’égalité : ainsi, (l. 9) « si elle [la liberté] se borne à certaines personnes, il vaudrait mieux qu’il n’y en eût point du tout ». C’est en effet un principe contradictoire d’accorder la liberté à certains sujets et pas à d’autres, si on fonde l’égalité et la liberté sur la nature. Car la vue des inégalités et de la contrainte « aggrave le malheur de ce qui en sont privés » (l. 10) donnant un sort peu enviable aux hommes à qui on ôte la liberté.
Dans le domaine politique, Addison définit classiquement la condition libre par le fait (l.7) de « n’être assujetti à aucun autre qu’autant que l’ordre et l’administration du gouvernement le nécessitent ». La liberté politique est donc vue de manière négative comme la non-sujétion, mais des restrictions lui sont immédiatement apportées : on peut par exemple réduire les libertés civiles quand il s’agit de mesures de gouvernement imposées par l’urgence. Un whig considère ainsi comme normal de priver de liberté de culte les catholiques britanniques, car la doctrine
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