Fiche de lecture: Sabine Juratic "publier les sciences au XVIIIème siècle

Sabine Juratic, "Publier les sciences au 18e siècle : la librairie parisienne et la diffusion des savoirs scientifiques", in Dix-huitième siècle, 2008/1, n°40, pp. 301 à 313.

        L'auteure, Sabine Juratic, est une historienne du livre reconnue, docteure en histoire et chargée de recherches au CNRS à Paris. Elle axe notamment son travail sur le XVIIIe siècle, s'intéressant avant tout à la circulation de l'écrit et à l'histoire de Paris à cette époque.

Tout d'abord, l'historienne souligne à juste titre l'intérêt croissant pour les sciences au XVIIIe siècle, ayant pour conséquence une évolution du marché du livre sans toutefois le transformer radicalement : celui-ci reste effectivement polarisé par Paris, ce qui est encore plus le cas pour l'édition scientifique de par la présence accrue d'académies et hommes de sciences dans la principale ville française. Toutefois, l'auteure oppose à la concentration de l'édition une diffusion parfois majoritaire vers la province : l'exemple de Briasson le révèle, lui qui y vend deux tiers de ses livres en 1760. Les libraires parisiens tendent à s'installer sur ce marché en devenir, profitant d'une contrefaçon peu importante de par le lectorat restreint qu'il implique, qui en fait aussi sa grande faiblesse. Sabine Juratic indique à ce titre l'absence presque totale de spécialisation des libraires parisiens dans l'édition scientifique, mobilisant en ce sens l'exemple d'Antoine Claude Briasson qui, bien qu'il ait renommé son enseigne "A la science", continue à publier des ouvrages portés sur d'autres domaines comme le droit. L'édition d'un libraire n'est donc jamais, pour le siècle des Lumières, concentrée exclusivement sur les sciences. Cela n'empêche néanmoins pas la réorientation de familles de libraires parisiens vers le domaine scientifique, à l'image de Philippe Vincent, faisant preuve d'ingéniosité en diversifiant les modes de transmission des savoirs scientifiques, avec des journaux ou encore dictionnaires, dans le but de toucher un lectorat le plus large possible. L'exploitation du marché scientifique par les libraires se fait ainsi dans une perspective non seulement nationale mais européenne, transgressant les frontières, à l'instar de Briasson qui noue en 1747 un partenariat privilégié pour la diffusion d'ouvrages scientifiques avec l'Académie des sciences de St-Pétersbourg, accréditant la thèse d'une hypothétique "république des sciences" liée à la république des Lettres.

Ensuite, la pertinence du raisonnement de l'auteure la conduit justement à considérer une diffusion du savoir scientifique sous l'égide des institutions et académies. Celles-ci jouissent en effet d'une législation assouplie pour la diffusion de leurs écrits et, couramment liées au pouvoir royal, sont considérées comme vectrices d'une exactitude scientifique : par exemple, la présence de l'académicien d'Alembert à la direction de l'Encyclopédie (1751), garantirait sa qualité. Les académies jouissent souvent de privilèges d'impression, à l'image de l'Académie des sciences à la fin du XVIIe siècle, mais maintes le délèguent et se lient alors à des libraires : Sabine Juratic cite à cet égard Panckoucke, qui devient libraire de l'Académie des sciences en 1764. L'auteure nuance toutefois la prépondérance académicienne dans la diffusion des savoirs, certains hommes de science faisant parfois imprimer leurs écrits à leur propre compte et s'impliquant à plein dans le processus d'édition. Si le libraire joue donc le plus souvent le rôle d'intermédiaire entre émetteur et récepteur, synthétisant et proposant au plus grand nombre les connaissances, en témoignent les exemples de Desaint et Briasson dressés par l'auteure, il n'a pas le monopole de la publication scientifique, montrant un marché du livre, relatif à ce domaine d'édition, polymorphe.

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