Pensez-vous que les révolutions font table rase du passé ? (Concours commmun IEP 2021)

Sujet de dissertation n°1: A la lumière de vos références historiques, culturelles ou artistiques, pensez-vous que les révolutions font table rase du passé ?

“Du passé faisons table rase” sont les paroles d’un chant révolutionnaire communiste écrit par Eugène Pottier en 1871 lors de la Commune de Paris.

Ainsi, une révolution est un événement historique durant lequel a lieu un changement abrupte du champ politique, scientifique, artistique,.. qui entraîne une réorganisation de celui-ci, sans retour en arrière possible. Cependant, il serait intéressant de se pencher sur la polysémie du terme. Paradoxalement, l’étymologie du mot “révolution” renvoie au bas latin “revolutio” qui désigne “retour, cycle”. Par ailleurs, on peut distinguer différents types de révolutions: les révolutions politiques, qui impliquent des changement de société et qui sont à distinguer des révoltes de par leur objectivité (une révolution nécessite une convergences des luttes alors que la révolte n’est que le ras-le-bol d’un groupe réduit de personnes), les révolutions scientifiques qui apportent une reconfiguration des savoirs, les révolutions artistiques ou encore les révolutions technologiques.

Il serait tentant de dire qu’une révolution est par essence progressiste et qu'elle exclut tout retour en arrière. Mais cette solution pose des difficultés, car, à travers l’histoire, nous avons observé des révolutions conservatrices, gardant des éléments passés voire désirant un retour vers ce dernier.

Nous verrons donc, dans un premier temps, que les révolution peut chercher à rétablir un ordre ancien, puis, dans un second temps, que la révolution permet le progrès, car c’est son essence même, enfin, nous verrons que, souvent les révolutions tirent des éléments du passé pour se projeter vers l’avenir.

Tout d’abord, la révolution ne rompt pas avec le passé.

Ainsi, selon la vision platonico-chrétienne, la révolution est le retour à un ordre ancien et idéalisé des choses. Cette définition paradoxale est donc développée par Platon, qui dans un de ces mythes, explique que le monde a autrefois été ordonné, hiérarchisé, et heureux. Cet ordre a été perturbée car les dieux se sont retirés et il faut donc une révolution heureuse pour rétablir cet ordre ancien. Ce point de vue s’est aussi retrouvé chez les philosophes chrétiens, qui considéraient qu’il fallait retrouver Dieu par une révolution intérieure. Ainsi, Saint Augustin, philosophe romain du IVe siècle avant J.C. , dans la Cité de Dieu explique qu’il faut retrouver le monde d’avant le péché originel par une révolution dans l’intérieur de chacun. Cette révolution consiste en un rapprochement à Dieu et le retour à un monde passé et idéalisé. D’autres philosophes plus contemporains ont aussi défendu l’idée d'un retour aux origines par la révolution. Ainsi, dans Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les hommes écrit en 1755 par Rousseau, les Hommes étaient dans une situation initiale égalitaire perturbée par une révolution brutale qui a donné aux Hommes le goût du luxe et de la propriété. Selon Rousseau, il faut donc restaurer le monde primaire. Dans la même perspective, Engels expliquait que les sociétés préhistoriques vivaient dans un “communisme spontané”. Ainsi, tous ces éléments appuient le fait que les révolutions cherchent le retour à un monde passé idéalisé.

Il serait intéressant de prendre comme exemple contemporain la Révolution française pour illustrer cette idée. En effet, la révolution a, à quelques reprises, abouti à un retour vers le passé. Ainsi, en 1794, on parle de “république conservatrice" car le suffrage censitaire est instauré par exemple. De plus, ce nouveau système politique fait suite à la période la plus approfondie de la révolution: la Terreur, incarné par Robespierre. Ainsi, la nouvelle constitution de 1795 qui instaura la Seconde République s’est voulue modérée. De plus, ce retour vers un ordre ancien s’est plus ouvertement exprimé en 1815, lors du Congrès de Vienne, ou les souverains européens réunis à Vienne vont vouloir le retour des dynasties anciennes en Europe. Cette volonté s’est concrétisée en France avec le retour des Bourbons, incarné par Charles X, frère de Louis XVI. Cette période dite de “Restauration” est dans la continuité de la période révolutionnaire mais constitue une phase de retour vers le passé. Nous pouvons lier cette dynamique révolutionnaire à ce que nous observons aujourd'hui en Birmanie. Ainsi, lors de la révolution du safran du début de la décennie passée, le renversement du régime militaire a présenté un espoir de démocratisation du pays avec l'arrivée au pouvoir de Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix 1991. Outre les espoirs en partis déçus à cause notamment du massacre des Rohingyas, la postérité de cette révolution marque un retour vers le passé de par le coup d’Etat militaire du 1er février 2021, qui marque le retour de la junte militaire au pouvoir.

Enfin, nous pouvons observer aujourd’hui un affaiblissement sémantique du terme révolution. En effet, dans les démocraties occidentales d’aujourd’hui, ce terme est récupéré par les hommes politiques et ne désigne plus qu’un simple changement. Ainsi, en 2016, Emmanuel Macron, actuel président de la République française, a publié un livre titré “Révolution” ou il parle de “grande transformation comme il n’en a vu depuis l’invention de l’imprimerie ou la Renaissance”. Cependant, la politique menée par ce dernier n'est pas vraiment révolutionnaire de par les mesures prises (réforme de l’ISF, police de proximité, objectifs de dépenses publiques,..). Ceci peut donc être perçu comme un retour vers le passé car les politiques macronistes ne changent pas radicalement de celles des présidents précédents.

Cependant, dans son essence même, les révolutions cherchent le progrès et induisent un changement radical et sans retour

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